À quoi servent les petits bras du T-Rex et autres gigantesques mystères du temps des dinosaures

Elle est bien effacée, cette image du reptile balourd et stupide (bien qu’il demeure aussi effrayant que dans mes rêves d’enfance) en parcourant Sur les traces du nouveau T-Rex : 35 découvertes scientifiques récentes racontant une toute autre histoire des dinosaures du journaliste scientifique Joël Ignasse, édité chez Eyrolles. Les paléontologues passent maintenant plus de temps dans leurs laboratoires que sur le terrain, usant de nouvelles techniques (l’intelligence artificielle, la géochimie, de puissants microscopes à balayage électronique permettant de détecter les pigments responsables de la coloration des dinosaures, etc.) qui nous livrent de plus en plus d’informations sur l’anatomie et le mode de vie surprenant de ces bêtes colossales.  Méfions-nous toutefois, nous avertit l’auteur, de ce sensationnalisme encore trop présent dans cette quête scientifique (chapitre 6). Et, surtout, les questions et les controverses sont innombrables dans cette belle aventure intellectuelle. Les réponses, pour l’instant, sont rarissimes.

Que sait-on, donc ? Que les dinosaures se répandirent partout sur la Terre il y a 170 millions d’années (chapitre 3), de l’Alaska à l’Antarctique, un véritable succès géographique, tout cela grâce à leur capacité d’adaptation (chapitre 7), le métabolisme de certains dinosaures passant du sang chaud au sang froid afin de s’acclimater à leur environnement (chapitre 13). D’autres, en nageant, en dérivant ou en faisant du rafting, vont traverser les eaux pour se rendre en Afrique (chapitre 11). Il y en a même qui vont adopter les caractéristiques des animaux fouisseurs (chapitre 10).

Les progrès de l’imagerie aidant, on tente de reconstituer par des montages numériques le cerveau disparu des dinosaures, d’avoir une estimation de la quantité de neurones et de mener des comparaisons avec le cerveau d’espèces proches comme les oiseaux et les reptiles (chapitre 23). On profite aussi de la découverte de traces de méninges fossilisées (chapitre 15) pour mener ces recherches. Selon les masses cérébrales scannées, le T-Rex serait aussi malin « qu’un grand crocodile intelligent », une créature sociale apte à s’adapter et à survivre.

Depuis la découverte de fossiles extraordinairement bien conservés de petits dinosaures à plume dans le Nord-Est de la Chine dans les années 1990, les liens se confirment entre les dinos et les oiseaux (chapitre 5), bien que la transition du sol au vol se révèle un processus évolutif complexe — les os doivent se creuser, le sternum se développer et les doigts des mains se fusionner — et que les plumes ont d’abord, chez les dinosaures, une fonction de thermorégulation et non de propulsion dans l’air.

Il y a tant d’autres mystères : la distinction entre mâles et femelles demeure difficile à établir (chapitre 17) et leur accouplement reste tout aussi obscur (chapitre 18). Comment communiquent-ils (chapitre 20) ? S’assoupissent-ils à la façon des oiseaux (chapitre 22) ? Difficile, encore, d’y répondre.

On peut tout de même affirmer que bon nombre d’entre eux vivaient en troupeaux (chapitre 19), comme le tricératops, pour migrer et se protéger du T-Rex; qu’ils avaient développé des comportements associés à la prise en charge des oeufs en les enfouissant (chapitre 21); qu’ils pouvaient certainement, en période de disette, pratiquer le cannibalisme (chapitre 27); et que plusieurs de ces bêtes, à l’origine très carnivores, vont pratiquer un régime herbivore en s’adaptant aux ressources naturelles (chapitre 28), un goût pour les fruits poussant certains d’entre eux à améliorer leur aptitude à voler.

Le Tyrannosaure Rex, le roi tyran des lézards au sommet de la chaîne alimentaire du Crétacé, domine également dans les six derniers chapitres de ce recueil. Vers quoi aura évolué cette extraordinaire machine de combat à la puissante mâchoire — 54 dents acérées pulvérisant les os — sans cette grande catastrophe il y a 66 millions d’années, provoquant sa disparition soudaine (chapitre 4) ? On a peut être trouvé, au Yucatan, un fragment de l’astéroïde tueur de dinosaures !

Ses petits bras devenus superflus au fur et à mesure que sa mâchoire se transformait en véritable machine à tuer allaient-ils disparaître (chapitre 35) ? Est-ce que, tout comme l’Homme conquérant, le T-Rex triomphant allait mettre en péril son environnement?

Nous ne le saurons jamais.

– Christian Vachon (Pantoute), 15 juin 2025