Aussi prenant que « Je suis Pilgrim »

Question : L’année de la Sauterelle, la nouveauté printanière de Terry Hayes chez JC Lattès, rassemble-t-elle les ingrédients (une écriture vigoureuse, de multiples et brefs chapitres s’achevant tous par un suspense nous maintenant captif·ve) qui ont fait de son thriller précédent, l’impeccable Je suis Pilgrim, le meilleur page turner des dix dernières années ?

La réponse est oui, mais seulement si vous êtes réceptif·vee à certaines audaces narratives, à un glissement vers le roman d’anticipation et à être prêt·e à vous faire télescoper vers le passé, vers le présent, vers le futur.

Nous vivons toujours parmi les ruines des deux tours jumelles, plus de vingt ans plus tard. À peine a-t-on éradiqué un groupe d’extrémistes que surgit, ailleurs, une organisation plus radicale, plus dangereuse, nourrie du ressentiment contre l’Occident. Les États-Unis et ses alliés doivent maintenant affronter la Nouvelle Armée Islamique des Purs, un mouvement qui semble profiter de l’expertise d’un terroriste qu’on croyait mort, un terroriste qui porte sur son dos le tatouage d’une sauterelle nous avertissant : « Pendant des années, vous croyez qu’il n’y a rien, que l’insecte a disparu. Détrompez-vous, il ne fait qu’attendre, puis c’est l’invasion. Il surgit, détruisant tout sur son passage. » Il n’y a pas de doute, la sauterelle est réapparue en « feu d’artifice », un acte de terreur d’une grande ampleur est à prévoir.

Ridley Walker, agent de la CIA au nom de code « Kane », spécialiste de l’infiltration, guerrier dans un monde numérique et sachant faire aussi bien faire usage de chevaux que de drones, part à la quête de cet homme terrifiant dans les zones les plus périlleuses du monde, les endroits les plus secrets de la planète, en Afghanistan, au Pakistan et en Iran. Mais tout comme dans les jouissives méandres romanesques de Je suis Pilgrim, la souris maléfique semble toujours avoir une longueur d’avance sur le bienfaisant chat.

Cette course-poursuite insoutenable nous mène à un lieu inattendu, au Kazakhstan, parmi les édifices délabrés du Cosmodrome de Baïkonour, où on constate que « le danger vient de l’espace » comme nous le rappelle si bien l’Alien de Ridley Scott.

Terry Hayes nous confronte, pour notre plus grand plaisir, en sachant que tout peut être plausible, à un univers de mammouths laineux bouleversant la vie d’un homme, de sous-marins devenant invisibles, d’une peau de votre pire ennemi virant en carapace.

Au milieu de ce chaos apocalyptique, l’agent Ridley tente de préserver sa vie amoureuse et d’assurer la survie de son couple. « Pour se retrouver », il doit « se perdre dans la tourmente ».

– Christian Vachon (Pantoute), 16 juin 2024