À deux reprises, en 1943 et 1944, Québec est au cœur de l’actualité internationale. À deux reprises, le sort du monde s’y joue. L’historien et officier naval retraité, Charles André Nadeau, nous conte enfin tout cela dans Churchill et Roosevelt à Québec : Grande et petite histoire des conférences de 1943 et 1944, publié chez l’éditeur québécois Septentrion cet automne 2024. C’est l’occasion de nous replonger dans cette effervescence stratégique inégalée dans l’histoire de la capitale québécoise.
Québec, peut-on affirmer, est la ville où commence la fin du second conflit mondial dès l’été 1943. C’est à Québec également, lors d’une première conférence qui aura pour nom de code « Quadrant », rencontre qui se tient du 17 au 24 août 1943 entre le président américain Roosevelt (c’est lui qui a proposé le choix de cette ville qu’il a beaucoup appréciée lors d’une visite dans les années trente) et le leader britannique Churchill, que les États-Unis imposent définitivement leur hégémonie.
De quoi discute-t-on entre Grands ? De l’instabilité politique chez l’adversaire italien; d’un débarquement futur en France (placé non sous commandement britannique mais américain); d’une coopération dans le domaine de la recherche nucléaire. On se penche aussi sérieusement sur un projet ayant pour nom Habakkuk. Il s’agit d’un navire, construit à partir d’un iceberg, devant servir de vaste aérodrome maritime pour bombarder le Japon.
Le secret, bien sûr, est de mise lors de cette conférence. On souhaite une présence minime de journalistes. Mais qui dit secret dit rumeurs folles qui se mettent à courir : le pape Pie XII s’installe à Québec, Staline se cache au Château Frontenac, etc. Pourtant, plus de cent-cinquante représentants de médias internationaux débarquent à Québec. Ils vont devoir se contenter de mondanités : prise de photos des dirigeants sur la Terrasse Dufferin, balade en limousine de Roosevelt et de madame Churchill à l’Île d’Orléans, …
Une autre conférence, ayant pour nom « Octogone », se tient une nouvelle fois à Québec, un peu par défaut (Roosevelt ne veut pas s’éloigner de Washington), « mais qui s’en plaint » ? Cette rencontre se tient du 11 au 15 septembre 1944 et se veut une conférence « de transition » vers la paix. La victoire est en vue.
On y débat de l’occupation et de l’avenir de l’Allemagne (le secrétaire du Trésor américain Morgenthau, voulant à tout prix empêcher ce pays de déclencher une autre guerre, souhaite condamner le peuple allemand à une économie pastorale), de l’affrontement avec le Japon (Churchill, espérant redorer le blason de l’Empire britannique en Asie, vise une stratégie lente; les Américains veulent être plus expéditifs), de la reconnaissance officielle du gouvernement provisoire français (Roosevelt semble enfin apprécier de Gaulle) et, à mots couverts, « d’une domination soviétique qui inquiète ».
Charles André Nadeau, toutefois, ne s’en tient pas qu’aux grands enjeux de ces deux conférences. Ces rencontres de grande envergure engendrent de multiples petites anecdotes croustillantes qu’il nous détaille avec plaisir. Entre autres : la présence d’Ian Fleming à Québec, le célèbre agent des renseignements naval, qui va sans doute y trouver l’inspiration du personnage féminin de The Spy Who Loved Me, l’un de ses futurs récits de James Bond; l’arrivée spectaculaire d’Anthony Eden et d’autres membres du cabinet britannique à Québec par un hydravion géant (Churchill, lui, descend du train à Charny); la réquisition du Château Frontenac au complet, au début du mois d’août 1943, provoquant l’évacuation de la clientèle, dont un Maurice Duplessis, alors chef de l’opposition, qui y loge en permanence; l’installation d’une batterie anti-aérienne près de la Citadelle où logent Roosevelt et Churchill (on s’en abstient, en 1944, pour Octogone); le Queen Mary qui, en septembre 1944, avec son passager Winston Churchill, échappe à un sous-marin allemand; le voyage de pêche récompensé d’une cinquantaine de prises, un vendredi matin d’août 1943, au lac à l’Épaule (dans les Laurentides), de Churchill et Roosevelt; les vacances prolongées de Churchill, ses premières depuis le début des hostilités, à la rivière Montmorency après la conférence de 1943.
Et Charles André Nadeau, scrupuleux chercheur, fait la lumière sur ces légendes des « documents égarés » lors des conférences, d’un plan du débarquement qui aurait pu tomber entre de mauvaises mains.
Et le Canada dans tout cela ? Il demeure un modeste hôte accueillant, ne s’immisçant pas officiellement aux conférence. Tranquillement, toutefois, il s’éloigne de la Grande-Bretagne par son attitude et se rapproche des voisins américains.
Vous allez le découvrir : grandes et petites histoires s’entremêlent à profusion dans ces prestigieuses rencontres.
– Christian Vachon (Pantoute), 13 octobre 2024
Churchill et Roosevelt à Québec
Durant la Seconde Guerre mondiale, Québec est devenue une ville d'importance mondiale, accueillant deux fois le président américain Franklin Roosevelt et le Premier ministre britannique Winston Churchill. Ils ont discuté des enjeux du conflit, accepté le plan de débarquement en Normandie et signé un accord de coopération nucléaire, qui a conduit à la production de la bombe atomique. Québec est donc devenue la ville où a commencé la fin de la guerre.
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