Elles ont de quoi chambouler, les trente vraies histoires qu’a regroupées Marie-Andrée Fallu dans son Cœur Policier publié, cet été 2020, aux éditions de l’Homme.
Des témoignages, des histoires de policiers et policières, actifs ou retraités, racontant l’intervention la plus marquante de leur carrière. Des histoires brèves, variées, se passant partout au Québec, à Montréal ou à Charlesbourg, au Grand Nord, ou en Gaspésie, dans les années 80, au cœur du gîte de la secte de Roch « Moïse » Thériault. Des histoires d’une jeune agent double de la SPVM (Service de police de la Ville de Montréal) sur le point de coincer un important vendeur d’héroïne, ou de Jean-François Nolin-Bouchard, maître-chien de la Sûreté du Québec, partant, avec son fidèle Athos, à la recherche d’un septuagénaire disparu dans un boisé de l’Outaouais. Des histoires de capture d’un meurtrier en série (William Fyfe, en 1999), de fusillades dans un village cri, de poursuite en auto digne d’un Grand Theft.
Des histoires qui finissent parfois mal, de jeune homme disparu, puis retrouvé, noyé ; de jeunes enfants, coincés, dans un véhicule en flamme. Des histoires véridiques, avec leurs lots d’émotions fortes et de tensions, qui plairont, bien sûr, aux passionnés de romans policiers, mais pas uniquement eux. Car ces histoires s’adressent à tout le monde. Marie-Andrée Fallu, en nous livrant ces témoignages, affiche, avant tout, le côté altruiste du métier de policier. C’est la job d’un Mathieu Girard, à la SPVM, lors d’un « shift » de nuit, à Rosemont, d’empêcher le suicide d’une femme en discutant deux heures avec elle. C’est la job du sergent-détective Daniel Loiseau de consacrer sa carrière à aider des filles à sortir du milieu de la prostitution.
Marie-Andrée Fallu sait que c’est pas un métier facile, elle partage sa vie avec un policier. Comment conserver son humanité lorsque, chaque jour, on est confronté à ce qu’il y a de plus sombre dans notre monde, à la perversité, aux ravages de la maladie mentale, aux méfaits de l’alcool, de la drogue, de l’envie. Mais ces hommes et femmes interviennent avec courage, avec professionnalisme. Un membre de la SPVM sauve, in extremis, la vie d’un bébé, qu’un père, en pleine psychose, étouffe, « en cherchant à sortir un serpent dans sa gorge » ; la sergent-détective Mélodie Leclerc côtoie, chaque jour, depuis des mois, ce qu’il y a « de plus laid » sur Terre, en travaillant, au SPVM, sur le dossier de l’exploitation sexuelle des enfants sur Internet. Elle y oppose son action lumineuse, sauvant des victimes de ces abus sexuels.
Vivant fréquemment des émotions intenses dans ce métier, ces hommes et femmes en subissent, parfois, les contrecoups. Martin Gauthier, de la Police du Saguenay, va devoir suivre une thérapie à la suite d’une intervention dans un cas d’infanticide. Nathalie Allard, à Brossard, et Robin Lévesque, à Rimouski, vont « craquer » lorsqu’ils verront un de leurs confrères blessé, ou tué, à la suite d’une perquisition, ou d’une arrestation, tournant mal.
« Ai-je bien agi ? », ce questionnement peut causer bien des séquelles. Jean-Guy Boulianne, de la Sûreté du Québec, qui assura la responsabilité du site du tragique accident routier des Éboulements, en octobre 1997, invite toujours, pour éviter les traumatismes, à « rester concentrer sur le présent ».
Être policier, c’est ce sentiment de satisfaction « d’être au bon endroit au bon moment », comme Pierre-Luc Dubé, de la Police de Châteauguay, entrant, à trois heures du matin, dans un immeuble en flamme, pour alerter les occupants, ou Vincent Hébert, de la GRC, qui, lors d’une belle journée glaciale, au Nouveau-Brunswick, va extirper des eaux gelées du fleuve Saint-Jean, un homme suicidaire.
Ils sont compétents nos policiers et policières du Québec. Sans l’un d’entre eux « je serais morte », confie, en introduction à ce Cœur policier, Cristina Rizzo, l’une des survivantes de la fusillade du Collège Dawson, en 2000. L’expertise de nos gardiens de la paix font l’envie de bien d’autres pays. Ils partagent même leur savoir-faire à Haïti, lors de mission de Casques bleus, là ou la détresse humaine, la cruauté s’exposent au grand jour. Jean-Guy Michon, de la SPVM, va y vivre tout un automne « d’émotions fortes » : « cocktail de fusillades, de citoyens tués sous ses yeux, en 2012, à Jérémie. Il sera, surtout, confronté « à l’enfant le plus magané que j’ai vu de ma vie » : une fillette « de six-sept ans ? », squelettique, exploitée, fouettée. Il va parvenir à la sauver de cet esclavage dissimulé.
« C’est ça, ma job » peuvent, comme Dany Gauthier, de la Police de la Ville de Québec, conclure ces policiers et policières, « protéger la population, quitte à me faire tirer dessus ».
Cœur policier
«Répondre à un appel 911, c'est la pointe de l'iceberg.»
Accident tragique, infanticide, noyade, agression sexuelle, proxénétisme, disparition, incendie, sauvetage d'enfants, identification judiciaire, poursuite routière, déploiement à l'étranger: autant d'interventions marquantes qui font vivre aux policiers et policières des émotions intenses, les forçant parfois à repousser leurs limites et à en subir les conséquences. Cœur policier regroupe les témoignages de 30 membres actifs ou retraités des diverses forces de l'ordre québécoises, dont plusieurs se confient pour la toute première fois. Avec générosité, ils se souviennent des gestes posés pour dénouer des situations de crise où leur apport s'est révélé vital. Au-delà des clichés et des stéréotypes réducteurs, on redécouvre le visage de ceux qui ont choisi de servir et d'aider avec professionnalisme, courage et humanité. Ce livre, qui inclut aussi le récit d'une survivante de la tuerie du Collège Dawson en 2006, leur rend un vibrant hommage.
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