Comment s’est formée la Corée d’aujourd’hui ? Nous explorons cette grande interrogation dans la Corée du Sud en 100 questions : la tyrannie de l’excellence, publiée chez Tallandier dans sa collection « Texto ». Dans ce livre, l’experte Juliette Morillot, une journaliste et ancienne enseignante à l’université nationale de Séoul, nous propose de multiples clefs pour comprendre ce pays déconcertant. On y couvre une foule de sujets : de « Quelle est l’importance du riz ? » à « Pourquoi la Corée a-t-elle exterminé ses vagabonds ? » Pour les férus d’histoire : « Qu’est-ce qui a déclenché la révolution des bougies ? » et « Comment expliquer la présence d’une communauté coréenne à Cuba ? » On se tourne aussi vers des questions plus introspectives : « Pourquoi le protestantisme coréen est-il si puissant ? » et « Quel est le pouvoir extraordinaire du nunchi ? » On s’interroge aussi sur des phénomènes populaires : « Pourquoi les golfeuses coréennes sont-elles les meilleures du monde ? » et « Que nous révèle le film Parasite des logements coréens ? » Morillot explore plusieurs strates de la société coréenne qui, prenant le monde par surprise, a décidé après des siècles de résignation de nous envahir avec sa K-Pop et ses technologies, et qui, pourtant, paradoxalement, paye durement ce triomphe international (« L’école est-elle l’antichambre de l’enfer coréen ? » ou encore « Pourquoi les Coréens se suicident-ils autant ? »).
Pour comprendre la Corée, pour saisir l’importance de cette revanche des Coréens sur le passé, il faut s’attarder sur le « han » (« Pourquoi le ‘han’ est-il une force et une malédiction pour la Corée ? »), ce « spleen existentiel » transmis de génération en génération, fait de douleur et de rancœur historique sur « des événements subis incontrôlables ». Pendant des siècles, la Corée n’est guère plus qu’une « crevette entre les baleines », jamais maître de son destin, objet d’invasions « dont elle n’est pas toujours l’enjeu » par les Chinois, les Russes, les Japonais. Elle n’en récolte qu’une souffrance énorme (« Pourquoi la colonisation japonaise est-elle un traumatisme pour les Coréens ? » ou « Comment l’esclavage sexuel des Coréennes fut-il organisé par le Japon ? »). Le dernier avatar de ce « han » est le fruit de la rivalité montante entre Moscou et Washington après la Seconde Guerre mondiale, cette division imposée entre le Nord et le Sud (« La division de la Corée fut-elle improvisée ? »).
La société coréenne est peut-être malade, également, de ce confucianisme arrivé de Chine au XIVe siècle et de ce trop grand respect de la hiérarchie hérité de celui-ci (« Pourquoi la tragédie du Sewol, en 2014, fut-elle un électrochoc pour la Corée ? »). Certes, le fourre-tout justificatif peut sembler réducteur (« Le confucianisme est-il la clé de la compréhension de la société coréenne ? »), mais la corruption qui entache l’histoire contemporaine de la Corée du Sud est sans doute redevable aux valeurs coréennes (« Pourquoi la corruption est-elle endémique en Corée ? ») qui professent qu’il faut toujours satisfaire le supérieur, par des « petits cadeaux incontournables » afin de préserver l’harmonie. Les inégalités hommes-femmes, inhérentes à la nature confucéenne selon le précepte « namjonychi : respect pour l’homme et mépris pour les femmes », ont fait de la Corée du Sud une société traditionnellement patriarcale, que de vigoureux mouvements féministes tentent d’ébranler (« Les droits de la femme sont-ils respectés en Corée ? »). En réponse à cela, une brutale réaction masculiniste se dessine (« Pourquoi les hommes coréens se sentent-ils discriminés ? »).
Morillot s’interroge à propos de société coréenne profondément hiérarchisée : il existe toujours une idée de relation verticale (« Pourquoi le mot ‘fraternité’ est-il intraduisible en coréen ? »), où le groupe est toujours plus important que l’individu. Cela est toutefois apte à la mobilisation collective (« Pourquoi la Corée a-t-elle été exemplaire dans la lutte contre le Covid ? »).
Cette discipline extrême de la population, ce système performant, élitiste, lié au confucianisme, va aussi permettre cette croissance spectaculaire et hautement bénéfique du taux de scolarisation de la Corée du Sud à la fin des années 50 (« Pourquoi l’éducation a-t-elle été le meilleur atout du miracle économique ? »).
Par contre, une grave crise financière en 1997 a profondément blessée la fierté coréenne (« Comment la crise financière de 1997 a-t-elle mis la Corée à genoux ? »), mais plutôt que de s’apitoyer sur son sort, la Corée a décidé de s’amuser, de s’ouvrir au monde, de créer une industrie du divertissement qui s’exporte (« Comment est né le soft power sud-coréen ? »). La Corée est maintenant partout.
Tout va vite, trop vite. Une bonne partie de la société s’avoue fatiguée de cette « tyrannie de l’excellence ». Les jeunes, surtout, abhorrent de plus en plus « ce chemin obligatoire tout tracé pour lequel ils sont programmés dès la naissance ». Alors que la Corée d’hier (avec son système de castes et sa corruption) est loin d’avoir disparue, les jeunes se demandent « pourquoi s’épuiser à travailler puisque les dés sont pipés ? »
Les étudiants qui, dans les années 1980 et 1990, ont porté le processus long et douloureux de la transition démocratique progressive de ce pays longtemps autoritaire (« Quel fut le rôle des étudiants dans la transition vers la démocratie ? ») vont-ils permettre, maintenant, l’aboutissement d’une Corée du Sud plus humaine et moins hiérarchique ?
– Christian Vachon (Pantoute), 1er décembre 2024
La Corée du Sud en 100 questions
Des questions pour comprendre l'histoire du pays et son évolution ultra-rapide aux conséquences complexes et paradoxales pour la population, entre réussite, ouverture à la mondialisation et démocratisation mais aussi corruption, poids des obligations sociales, démographie ralentie et fort taux de suicide.
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