La plus novatrice et hilarante des vies de Churchill

Christian Vachon - 26 février 2024

« Je ne suis pas difficile, je me satisfais aisément du meilleur. » Il a l’arrogance facile, le bon vieux Winston, et c’est bien pardonnable. Frédéric Pouhier et Susie Jouffa nous en divulguent des centaines d’autres exemples dans Le grand livre de l’humour de Churchill publié tout récemment chez Leduc.

Constatons :

Winston, virtuose de la répartie, visitant les forêts québécoises : « Quelle idée d’abattre ces magnifiques arbres que nous avons vus cet après-midi pour en faire de la pâte à papier pour ces satanés journaux et appeler cela la civilisation »;

Winston, si fier d’être Anglais : « Nous avons toujours trouvé les Irlandais un peu bizarres. Ils refusent d’être Anglais. » (Un de ses contemporains, l’écrivain Gilbert Keith Chesterton, n’a-t-il pas ajouté : « Le monde est un endroit où se situe l’Angleterre. ») ;

Et il en remet : « Le Tout-Puissant, dans son infinie sagesse, n’a pas cru bon de créer les Français à l’image des Anglais. »  (À quoi on peut opposer ce propos de Clémenceau : « L’anglais, ce n’est jamais que du français mal prononcé. »);

Winston sachant se montrer si impitoyable envers son adversaire du parti conservateur, Stanley Baldwin : « Je ne veux aucun mal à Stanley Baldwin, mais c’eut été beaucoup mieux s’il n’était pas né. »;

… ou à l’encontre du travailliste Clement Attlee : « Un carrosse vide s’arrêta à Downing Street. Mr Attlee en descendit. »

Mais ce Grand livre de l’humour de Churchill n’est pas qu’un recueil de pensées comme il en existe déjà des dizaines. Fréderic Pouhier et Susie Jouffa retracent, en plus de 500 pages, le parcours extraordinaire de ce personnage iconique, nous offrant la plus ludique des biographies, émaillée « d’anecdotes étonnantes » et « d’adresses incontournables ».

Nous visitons, entre autres :

– la tabagie James J. Fox & Robert Lewis, sur St. James Street à Londres, où il se fournit en cigares, ces barreaux de chaise qu’il mâchouille depuis l’âge de vingt-et-un ans : « Ma religion me prescrit comme rite absolument sacré de fumer des cigares et de boire de l’alcool avant, après, et au besoin pendant tous les repas et les intervalles qui les séparent. » Tout comme Lucky Luke avec sa cigarette, Winston a été victime de bien-pensants qui, en 2015, ont retouché numériquement ses photos pour en enlever le cigare;

– la mercerie Henry Poole & Co, sur Savile Row, où il achète ses habits et autres vêtements, dont ses pyjamas en soie rose;

– Champagne Pol Roger, à Épernay en France, car « de tous les vins et spiritueux, c’est le champagne qu’il préfère ».

Il ne faut pas oublier de s’arrêter ensuite au palais de Blenheim dans l’Oxfordshire, ancienne demeure impressionnante, avec ses 187 pièces, des ducs de Malborough, où il né il y a 150 ans, soit le 30 novembre 1874. N’ayant eu comme père qu’un « fantôme » prénommé Randolph et une mère constamment accaparée par sa vie mondaine, Winston fait de sa « nounou » Elisabeth Everest sa confidente, son amie « la plus chère et la plus intime ».

Faisons un détour à la Harrow School, dans le Middlesex, où il cultive son aversion pour l’école : « Mon éducation n’a été interrompue qu’une seule fois, pendant le temps où j’étais à l’école. » Un de ses professeurs n’hésite pas à dire de lui : « il est si régulier dans son irrégularité que je ne sais vraiment que faire. »

On se rend bien sûr au 10 Downing Street, à Londres, où il réside comme premier ministre (de 1940 à 1945, puis de 1951 à 1955), et au manoir de Chequers, dans le comté de Buckinghamshire, la résidence secondaire officielle des chefs de gouvernement depuis 1917.

On n’hésite pas à explorer le domaine de Chartwell à Westerham, avec sa vue imprenable sur le Kent, ce lieu qu’acquiert Churchill en 1922. Il va y vivre jusqu’à sa mort, entouré d’animaux : des chats, des cygnes et d’autres bestioles. « Les chiens vous regardent tous avec vénération. Les chats vous toisent tous avec dédain. Il n’y a que les cochons qui vous considèrent comme leurs égaux. »

Il s’y exerce à la peinture, qui le sauve de la dépression, préférant peindre des paysages « parce que, jusqu’à présent, aucun arbre ne s’est plaint de la ressemblance ». Il touche aussi à la maçonnerie : « J’ai passé un mois délicieux à bâtir une villa et à dicter un livre : 200 briques et 2 000 mots par jour. »

Un jeune couple est assis côte-à-côte sur un banc extérieur, devant des arbres et des buissons. L'homme est à gauche. Il porte un chapeau, un veston et une chemise au col élevé avec un petit noeud papillon. Le tout est très typique des années 1900-1910. Il semble tenir un journal sur sa jambe gauche qui est croisée sur sa droite et il regarde directement la caméra. La femme est à droite. Elle porte une longue robe blanche, aux manches longues aussi, avec un collet qui remonte haut. Le tout est très typique des années 1900-1910 aussi. Sur sa tête, un large chapeau avec de multiples décorations blanches qui montent assez haut. Elle regarde aussi directement la caméra, un léger sourire au visage. Le tout est en noir et blanc.
Winston Churchill avec sa fiancée Clementine Hozier peu de temps avant leur mariage en 1908.

Il y coule des moments particulièrement radieux avec son épouse Clementine avec qui il se permet beaucoup d’humour : « l’un des secrets du mariage heureux est de ne jamais adresser la parole à l’être aimé ni le regarder avant midi » ou encore « tous les matins, j’apporte à ma femme le café au lit. Elle n’a plus qu’à le moudre. » Au sujet de ses prouesses culinaires, Winston ajoute ceci : « Je peux cuire un œuf dur. Je l’ai vue faire. » Lors de son 80e anniversaire, un journaliste le questionne : « Aimeriez-vous revivre votre vie, sir Winston ? » Et il réplique : « Non, certainement pas. Je voudrais seulement revivre mon mariage avec Clementine Hozier, la plus belle femme du monde. »

Surtout, surtout, retournons à Londres, descendons dans ce Churchill War Room, sous King Charles Street, ouvert au public depuis 1984. C’est là où il préside à ses « finest hours », ses moments les plus glorieux lors de la Seconde Guerre mondiale : « Toute ma vie passée n’avait été qu’une préparation à cette heure et à cette épreuve. »

Il est choisi premier ministre au mois de mai 1940 parce qu’il s’est toujours défié d’Hitler : « un partisan de la politique d’apaisement, c’est quelqu’un qui nourrit un crocodile en espérant être le dernier mangé. »

Il n’a toutefois pas toujours fait preuve de bon jugement, Churchill. En 1927, observant les actions de Mussolini, il commente : « Si j’avais été italien, je suis sûr que j’aurais été à fond avec lui. »  Au printemps 1940, il qualifie ainsi les capacités de l’armée française : « Il est ridicule de penser que la France puisse être conquise par 120 tanks. »

Mais Churchill, c’est aussi celui qui décrit les qualités d’un bon politicien de cette manière : « La capacité de prédire ce qui va arriver demain, la semaine prochaine, le mois prochain, l’année prochaine. Et la capacité d’expliquer ensuite pourquoi ce n’est pas arrivé. »

Il est le seul, à l’été 1940, à croire à la victoire face au nazisme.

« Un pessimiste voit les difficultés dans chaque opportunité, un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté. »

« Pour ma part, je suis optimiste, cela ne me semble pas être très utile d’être autre chose. »

« Le succès n’est pas final, l’échec n’est pas fatal, c’est le courage de continuer qui compte. »

« Tout le monde savait que c’était impossible à faire. Puis, un jour, quelqu’un est arrivé qui ne le savait pas, et il l’a fait. »

« Ce n’est quand il fait nuit que les étoiles brillent. »

Churchill fut un de ces astres.

Il nous alerte de nouveau, en 1946, lorsqu’un rideau de fer s’étend sur le continent européen, de Stettin sur la Baltique à Trieste sur l’Adriatique. Ne déclare-t-il pas « Le vice inhérent au capitalisme consiste à une répartition inégale des richesses. La vertu inhérente au socialisme consiste en une égale répartition de la misère » ?

Churchill croit en une seule vertu, celle de l’histoire : « Plus vous saurez regarder loin dans le passé, plus vous verrez loin dans le futur. » Et il ne s’inquiète pas du jugement que la postérité portera sur lui : « L’histoire me sera indulgente, car j’ai l’intention de l’écrire. »

Il est, d’ailleurs, fort satisfait de sa vie : « Le voyage vaut la peine d’être fait une fois »; « Tout le monde a son heure de gloire, mais certaines heures durent plus longtemps que d’autres. »

Et même à l’approche de sa mort, en janvier 1965, il demeure toujours aussi éloquent : « Dans ma vie, j’ai plus cherché à m’exprimer qu’à me refréner »; « Quand la civilisation tombera en ruine, nos valeurs disparaîtront mais nos maximes resteront. »

– Christian Vachon (Pantoute),  25 février 2024

Histoire

Le grand livre de l'humour de Churchill

Frédéric Pouhier et Susie Jouffa - Leduc Humour

Une compilation d'anecdotes, de citations et d'adresses témoignant de l'humour typique de W. Churchill.

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