Ce livre en surprendra plusieurs, car il n’est pas l’ouvrage d’un médecin oncologue mais d’un biologiste. L’auteur Frédéric Thomas, qui s’est d’abord intéressé à la parasitologie, figure parmi ces chercheurs qui abordent le cancer du point de vue de la théorie de la sélection naturelle. Faisant sienne cette idée du biologiste Theodosius Dobzhansky selon laquelle « rien n’a de sens en biologie si ce n’est à la lumière de l’évolution », Thomas montre que l’origine du cancer remonte à l’émergence même des organismes pluricellulaires, il y a 4.5 milliards d’années. Il advient lorsque des cellules cessent d’adopter la logique collaborative qui leur a permis de composer des organismes extrêmement complexes (en se spécialisant et en délégant la reproduction aux cellules sexuelles) et prolifèrent comme si elles étaient à l’état de vie unicellulaire. Loin d’être un simple amas de cellules mutantes, une tumeur est au contraire un ensemble organisé, un organisme concurrent au sein d’un organisme hôte dont il menace la survie.
C’est ainsi une toute nouvelle manière de concevoir le cancer et son traitement qui est développée dans cet ouvrage. Nous abritons tous des processus cancéreux (Thomas parle d’oncobiote), qui la plupart du temps sont détectés et neutralisés par le système immunitaire. Ainsi, les cancers qui prolifèrent sont ceux qui parviennent à s’adapter à l’environnement que constitue le corps. Cette approche permet aussi de comprendre le processus de sélection des résistants qui advient lorsque l’on cherche à détruire toutes les cellules cancéreuses par une chimiothérapie lourde. Face à ce risque, Frédéric Thomas plaide pour une approche adaptative du cancer, qui vise à contenir sa prolifération et à maîtriser ses effets délétères (par exemple par une chimiothérapie légère) plutôt que de chercher à s’en débarrasser complètement, surtout quand ce n’est pas possible. L’abominable secret du cancer regorge également d’exemples et de cas fascinants, comme le cancer contagieux du diable de Tasmanie ou l’immunité presque totale au cancer des rats-taupes glabres.
Si l’ouvrage de Thomas est passionnant, certaines critiques mineures peuvent néanmoins lui être adressées. Dans son compte rendu pour AgoraVox, Bernard Dugué souligne cette tendance de l’auteur à recourir à des métaphores sociales pour faire comprendre les stratégies « employées » par le cancer. Si elles présentent selon lui un intérêt explicatif, leur usage présente néanmoins le risque d’anthropomorphiser le cancer et de donner l’impression qu’un organisme fonctionne comme une société (alors que le biologique et le social sont des niveaux d’organisation du réel régis par des lois distinctes).
L’abominable secret du cancer n’en est pas moins un livre remarquable qui transforme en profondeur la vision que nous avons de la maladie!
Le compte rendu de Bernard Dugué : https://www.agoravox.fr/actualites/technologies/article/la-science-a-t-elle-decouvert-le-217923
L'abominable secret du cancer
Et si nous étions passés à côté d'une dimension essentielle du cancer, de sa nature réelle ? On imagine volontiers que ce fléau qui mobilise la recherche médicale a été examiné sous tous les angles... Eh bien non. Même si l'idée peut sembler incroyable.Le cancer est en fait un phénomène biologique apparu il y a plus d'un demi-milliard d'années et qui a accompagné l'évolution de nombreux organismes, dont l'espèce humaine. Et cela change tout. Notre plus vieil ennemi est gouverné par les règles qui régissent tous les systèmes vivants. C'est donc à la lumière de la biologie de l'évolution qu'il nous faut reconsidérer notre approche.Grâce à une théorie vieille de 150 ans, celle de Darwin, nous commençons enfin à comprendre la logique du « crabe » et à pouvoir espérer un jour le mettre hors d'état de nuire.De nouvelles pistes inexplorées qui redonnent espoir.
AcheterRetrouvez toutes nos références
Notre catalogue complet
Commentaires