Christian Dufour étonne. Christian Dufour épate. Christian Dufour est ce chroniqueur à part d’un quotidien montréalais, tant par son jugement sur l’attitude des Québécois en temps de pandémie que par sa position dans le dossier du scrutin au mode proportionnel. Allergique aux étiquettes et au conformisme, il vogue selon son expertise ou sa conscience, tantôt vers la droite, tantôt vers la gauche. Il nous fait apprécier son imprévisibilité dans ce Plus que jamais la liberté : textes inédits et chroniques choisies, publié aux Éditeurs réunis cet hiver. Ce recueil contient de plus de soixante-dix de ses articles parus au cours des quinze dernières années dans La Presse et Le Journal de Montréal, regroupés en six chapitres thématiques (« La liberté en temps de pandémie », «Le monde en tourment », « Pourquoi le Québec a échoué », « Ce qui me tient à cœur », « Vieux, gais, femmes, alouette ! » et « Le pouvoir québécois »), accompagnés de textes introductifs inédits.
Il nous entretient d’abord dans ses brèves chroniques (« Faire court est souvent plus difficile que faire long. ») de « ce qui lui tient à cœur », de sujets intimistes comme ces Noëls d’enfant (des souvenirs « paradisiaques »); le sport national de « chialer contre l’hiver »; les angoisses que lui suscite internet (« vais-je avoir la connexion ? »); son amour du français, « la plus belle langue du monde », où domine ce « e » à la « douceur romantique » (il n’a guère apprécié l’utilisation complainte du joual « hard inventé » du film Mommy). Il vante ce Maroc où il aime bien séjourner, un Maroc à son image, conservateur, mais ouvert au changement (« À vouloir tout, tout de suite, on n’obtient pas grand-chose »).
Christian Dufour aime bien observer notre planète, traiter dans ses textes du retour du nationalisme et de la perte de crédibilité de l’Occident et de ses valeurs. Dès 2013, dans son « Ogre russe », publié au Journal de Montréal, il s’inquiète de cette « pauvre Ukraine » qui ne peut s’éloigner « qu’à ses risques de la Russie ». Le développement « sans démocratie » de la Chine l’alarme aussi et il y voit une « société au potentiel liberticide illimité » (La Presse, 26 avril 2022).
Cette liberté qu’il chérit tant fut durement malmenée, selon lui, au Québec. « Un peuple faisant passer à ce point la sécurité avant la liberté, comme les Québécois l’ont fait durant la pandémie, n’a pas ce qu’il faut pour devenir indépendant. » Il ne se reconnaissait plus dans cette société à l’idéologie sanitaire hégémonique, basée sur l’absurdité du risque-zéro, « basée sur la peur de vivre », encourageant la délation de ces gens irresponsables « nous empêchant de revenir à une vie normale ».
Il est à présent revenu de ce « désamour », préférant témoigner du Québec comme une « société exceptionnellement tolérante en matière de valeurs et de mœurs ». La preuve : Christian Dufour, le marginal, dès le début des années 1980, fait son coming out et anime à CKRL L’heure gaie, la « première émission de radio gaie, en français, dans le monde », une émission « n’ayant rien de victimaire », davantage « jubilatoire que revendicatrice et militante ».
Elle bien lointaine, maintenant, cette attitude réjouissante, déplore-t-il. Aujourd’hui, c’est le règne de la victimisation systématique : « Homophobie, misogynie, on voit de l’injustice partout ». S’aventurant sur le « terrain miné » de la théorie du genre (« la liberté d’expression sur ce thème est considérablement réduite »), il y perçoit une humanité en perte de contact « avec son ancrage physique et animal ». (Note de l’éditrice : Pour toute question se rapportant à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre, nous vous recommandons de consulter le site Web de Gris Québec, un organisme se sensibilisation et de soutien pour les jeunes de la communauté LGBTQ+.)
Christian Dufour aime bien aussi débattre de cet autre sujet émotif : la question nationale, revendiquant aussi sa marginalité en se considérant ni fédéraliste, ni souverainiste. Il est peiné de ce reniement du Canada français, peiné de cette diabolisation de la période ayant précédé la Révolution tranquille. « À partir de la Révolution tranquille, une trop grande partie des élites et des intellectuels ont pris leurs désirs pour la réalité comme si le Québec avait commencé en 1960. » Ce combat là a échoué. Proposons plutôt un autre défi : « Nous sommes le peuple fondateur du Canada (…). Plus que jamais, le défi du Québec est de se faire reconnaître pour ce qu’il est au sein du pays : un statut à part. »
Christian Dufour dénonce l’imposture multiculturelle canadienne, ce dérapage à la Justin Trudeau continuant de siphonner « encore et toujours plus l’identité québécoise à son profit », refusant de reconnaître l’existence d’une société d’accueil francophone.
Le concept « plus fondamental que le fédéralisme ou la souveraineté », qu’il a défini dans son Défi québécois en 1989, d’une société distincte « porteu[se] de pouvoir pour le Québec et d’équilibre pour le Canada », permettant de nous réconcilier « avec notre passé canadien-français », lui apparait plus que jamais d’actualité en 2024.
Cette préservation du pouvoir fort du Québec (« les assisses de ce que nous sommes ») l’amène à lutter avec Pierre Sormany contre le mode de scrutin proportionnel, qui aurait « rendu systématique la formation de gouvernement de coalition », amoindrissant le pouvoir de notre État, un combat que son complice et lui ont remporté.
Christian Dufour, conservateur de bon aloi, croit aux valeurs fondamentales de la mesure et de l’équilibre, « à la base de la modération sans laquelle il ne saurait y avoir de véritables libertés pour les individus ». Christian Dufour croit aussi à la liberté pour sa patrie « de ne plus être asservie à un ordre colonial canadien niant l’essence de qu’est le Québec ». C’est pourquoi il mène une nouvelle bataille, celle « d’imposer la loi 101 aux cégeps », une « mesure structurante porteuse d’avenir ». Cela mérite discussion.
– Christian Vachon (Pantoute), 14 avril 2024
Plus que jamais la liberté
Les meilleurs textes de Christian Dufour dans La Presse et Le Journal de Montréal mis en contexte par des textes inédits.
Un document en six parties :
• Ce qui me tient à coeur
• Liberté en temps de pandémie
• Vieux, gais, femmes, alouette !
• Le monde en tourmente
• Pourquoi le Québec a échoué
• Le pouvoir québécois
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