Les goûts agréablement amples de l’authentique cinéphile

Christian Vachon - 28 avril 2025

François Lévesque est un authentique cinéphile n’hésitant pas à avouer dans son Histoires de films – Prise 2 qu’il peut aussi bien s’extasier d’un austère Sacrifice de Tarkovski, que jouir d’un orgasmique When Harry Met Sally, s’émerveiller du ton autodérisoire du « vrai faux testament » d’Agnès Varda dans Les plages d’Agnès, que célébrer la résilience du triomphant « Karaté Kid » Daniel La Russo. Son livre, publié chez Sommet toute, contient une trentaine de courts textes tirés de sa série « A posteriori le cinéma » parue au Devoir en 2023 et 2024, ainsi que des inédits sur des films à redécouvrir.

Les films d’horreur, Scanners et autres, ont nourri sa passion du cinéma dans sa jeunesse. Il expose dans son texte « Le deuxième âge d’or de John Carpenter » comment le créateur de la série Halloween a su induire dans ses chefs-d’œuvre du terrifiant un tension sourde par une musique minimaliste qu’il compose lui-même. François Lévesque nous vante la « monstruosité merveilleuse » du Cronos de Guillermo del Toro, et, fin connaisseur, se permet d’affirmer que, cinquante ans plus tard, l’imité, mais jamais égalé The Exorcist de William Friedkin effraie plus que jamais.

Il invite également à revoir, en nous titillant par des anecdotes (des secrets de tournage, des « commentaires de personnes plus brillantes que lui »), ces belles réussites du cinéma « grand public » que furent, entre autres, l’Amadeus de Milos Forman (refaisant de Mozart une idole de la culture pop deux siècles après sa mort), le saisissant Saving Private Ryan de Spielberg (disant la vérité sur la guerre en authentifiant le chaos), le phénomène The Sixth Sense, premier et dernier succès consensuel de Night Shyamalan, Footlose, ode à la jeunesse qui va tant déplaire à la critique et tant ravir le public et The Truman Show, prophétisant, en 1998, les téléréalités, avec cette petite nuance du scénariste Andrew Niccol : « Truman fuyait les caméras, alors que notre société court vers elles ». Il ne faut pas oublier non plus le Never Ending Story de l’Allemand Wolfgang Petersen qui, bien que léguant cette chanson thème de Giorgo Moroder, épouvantable ver d’oreille, enchante depuis quarante ans le jeune public par cette revanche d’un jeune enfant traumatisé sur ses bourreaux. Enfin, j’applaudis chaudement, Lévesque présente ce réconfortant cocktail de nostalgie aigre-douce, le A Christmas Story de Bob Clark, mettant en vedette cet « inénarrable » héros de 9 ans, Ralph « l’éternel incompris ».

Caméra Debrie 35mm Parvo, Model L, 1927. Crédits photo : Fletcher6.

François Lévesque en profite pour mettre également en valeur des films injustement négligés à leur sortie à l’époque tels que The Company of Wolves, une relecture féministe des contes de fées signée Neil Jordan, le Carlito’s Way, morceau de bravoure de Brian de Palma, déroutant film de gangsters comprenant une « HAL-LU-CI-NANTE » séquence dans un bar clandestin et le In the Cut de Jane Campion qui renverse les conventions du thriller érotique : l’homme et non la femme est maintenant fétichisé.

Le cinéphile Lévesque déterre aussi quelques classiques enfouis : The Rope, tour de force technique (dix plans séquence donnant l’impression d’un seul plan ininterrompu) et risqué (deux hommes, les personnages principaux, forment manifestement un couple) de la fin des années quarante d’Alfred Hitchcock et le moderne et audacieux The Bigamist, avec ses femmes flouées mais solides. Ce film du début des années cinquante est de la réalisatrice Ida Lupino, une rareté pour les femmes de remplir ce rôle en ce temps-là.

Et, bien sûr, l’apprécié critique du Devoir n’oublie pas de souligner les anniversaires de ces réussites d’ici et d’ailleurs : les vingt-cinq ans du succès surprise de Tonie Marshall Vénus Beauté (Institut) (« un sommet narratif et technique ») et du Tout sur ma mère (« la mère de tous les films ») de Pedro Almodovar; la sortie, il y a quarante ans, de La femme de l’hôtel, film charnière entremêlant réalisme et onirisme, de Léa Pool; et ce Rendez-vous d’Anna, « la plus autobiographique des fictions » de Chantal Akerman, une cinéaste boudée en 1978, mais célébrée 45 ans plus tard.

En guise de dessert, après ces consistantes analyses de films, François Lévesque nous propose quelques entretiens avec des cinéastes où, notamment, Denys Arcand dévoile comment son enfance participe à la genèse de son Jésus de Montréal, Francis Ford Coppola tente de redorer son bien mal-aimé Parrain III, Sarah Polley s’impose comme une femme de parole et de cinéma, et Denis Villeneuve confirme son amour des déserts.

De quoi séduire les passionné·es de cinéma.

– Christian Vachon (Pantoute), 27 avril 2025

Arts

Histoires de films : Prise 2

François Lévesque - Somme Toute / Le Devoir

François Lévesque poursuit dans les pages du Devoir une série, « A posteriori le cinéma », qui consiste à revenir sur l’histoire d’un film, en prenant prétexte d’un anniversaire (exemple : les 50 ans de la sortie de L’exorciste). Après un premier livre publié en 2023, ce deuxième tome présente une trentaine de nouveaux textes du Devoir, chacun en version augmentée. L’auteur propose aussi une vingtaine d’entrevues et de portraits de réalisateurs, dont des textes sur Denis Villeneuve, Denys Arcand, Francis Ford Coppola ou encore Coralie Fargeat (La substance). Incontournable pour les amateurs de cinéma.

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