Merveilleuses histoires d’un merveilleux pont

Christian Vachon - 1 septembre 2020

Michel L’Hébreux est un missionnaire modèle.  Directeur d’école à la retraite, il se dévoue corps et âme depuis plus de cinquante ans , avant même la publication, en 1986, de son premier bouquin sur l’histoire de cet ouvrage emblématique de notre région, pour nous faire apprécier cette merveille, le pont de Québec, donnant plus de deux milles conférences, échangeant avec des gens venant de tous horizons, les convertissant à sa passion.

Il recueille, ainsi, plus d’une centaine de témoignages nouveaux, inusités, révélateurs, sur cette « structure exceptionnelle de chez-nous », des témoignages riches d’aventures humaines, qu’il rassemble, ce printemps 2020, accompagnés de dizaines et dizaines de photos inédites, dans Curieuses histoires du Pont de Québec, publié chez l’éditeur québécois Septentrion.

On y démêle le vrai du faux dans ces histoires de boulon d’or et de joncs d’ingénieur fabriqués avec l’acier du pont.  On y découvre comment Duplessis fait bon usage, déjà, en 1952, de ce lien entre deux rives, supposément trop encombré, et de l’humeur des automobilistes, pour remporter, et pourquoi, en 2001, un projet d’éclairage finit par porter ombrage à la construction.

On en apprend un peu plus sur ce Joachim Von Ribbentrop, « un personnage controversé », futur ministre des Affaires étrangères du IIIe Reich, qui participe, non comme ingénieur mais en tant que manœuvre, à la construction du pont, en 1912 (il se distingue « par son entrain » parait-il).  sur les valeureux ouvriers opérant (c’est l’enfer !) à l’intérieur des caissons,  sur ces habiles équipes de riveteurs se lançant, au vol des milliers de rivets chauffés (1 066 740, au total, pour tout le pont), sur ces Mohawks, spécialistes du travail en hauteur, et joueurs de crosse ;  mais aussi sur ces dizaines d’Américains, provenant de sept États différents, recrutés par la Phoenix Bridge Co.,  venus travailler en permanence, dans les années 1900, à l’érection du premier pont,  et, parmi eux, cet ingénieur de New York, Theodore Cooper, engagé comme consultant, qui, inquiet des problèmes à la structure, envoie un télégramme pour arrêter les travaux, le 29 août 1907, le jour même où le pont s’effondre.

La catastrophe, qui fait soixante-seize victimes (quarante-et-un corps ne seront jamais retrouvés) sème la consternation à Kaknawake :  le village mohawk perd 33 de ces citoyens ce jour-là.  Les mère de clans décrètent, depuis, qu’il ne peut y avoir plus d’une « équipe de Mohawks à travailler ensemble sur le même chantier ».

La reconstruction du pont, jamais remise en question, est reprise en main par le gouvernement fédéral, puis par la St-Lawrence Bridge Co,,  utilisant le futur terrain de l’aquarium pour y installer leurs bâtiments.

Les cloches des églises sonnent, le 20 septembre 1917, lorsque la travée centrale est finalement fixée, faisant taire les encore trop nombreux sceptiques (la travée, lors d’un premier essai, le 16 septembre 1916, avait alors chutée).  Ces derniers sont définitivement confondus, le 21 août 1918, lors d’une « épreuve de solidité » : une locomotive tirant un convoi de 17 wagons, chargés de fer, traverse le pont.  Une seconde, cinq minutes plus tard, renouvelle l’expérience, remorquant, cette fois-ci, 35 wagons.  Le pont résiste.  Le pont mérite, à tous points de vue, les qualifications de merveille du génie civil.

Les preuves ? Michel L’Hébreux nous fait apprécier, par des photos prises lors d’une visite, en 1989, à l’intérieur d’une des monumentales membrures du pont, le principe ingénieux des piliers d’ancrage.  D’autres documents imagés nous font mesurer la taille monstrueuse des chevilles de la travée centrale (changées, une seule fois, en 1985, au cours de l’histoire du pont).

Ce pont, symbole du génie canadien, fascine, partout dans le monde, la communauté des ingénieurs.  Un ami de monsieur L’Hébreux a même croisé, photo à l’appui, un ingénieur australien qui s’est tatoué l’image du pont sur son bras.

La structure fait partie, dès 1925, du catalogue Meccano (la boîte numéro 7).   La Cunard l’utilise, en guise de décor, pour son navire Saxonia, en 1954.  Des centaines de bricoleurs la reproduisent (Curieuses Histoires nous présente une ribambelle impressionnante de ces créations) en cure-dents, en métal, en lego.

Le pont fut aussi une cible privilégiée des courses à l’exploit du Festival des sciences et génie de l’Université Laval.  En 1997, entre autres, une « joyeuse équipe », «défiant le froid polaire » d’un 30 janvier, y suspend une « reproduction parfaite d’une poutre d’acier, rouille incluse ».  Le canular sème « tout un émoi » dans la région.

Par cet exemple, et d’autres qui suivront,  Michel L’Hébreux, souhaitant, dans cet album,  mettre l’accent, et c’est amplement justifié, sur les grandeurs du pont,  ne peut éviter de nous parler de ses misères.

Le pont se dégrade (des photos, reproduites dans l’album, prises au cours des dernières années par l’ingénieur maritime Jean Hémond, ont de quoi faire frémir) depuis qu’au début des années 1980 le Canadien National (propriétaire de la construction) a mis un terme au cycle d’entretien (ce temps où la structure était partiellement orangée).  Est-il trop tard ? Pendant combien de temps allons-nous nous contenter de paroles, plutôt que d’actes, de politiciens ?

Quoi qu’il en soit, les milliers de personnes qui se sont déplacées pour le célébrer, le 22 septembre 2017, lors de la journée du centième anniversaire du pont, suffisent à nous persuader qu’un profond attachement persiste, dans notre région, pour ce merveilleux pont plein d’histoires curieuses.

Histoire

Curieuses histoires du pont de Québec

Michel L'Hébreux - Septentrion

Ce livre est le résultat de découvertes récentes effectuées par l'auteur qui s'intéresse à l'histoire du pont de Québec depuis plus de 50 ans. On y retrouve de nombreux faits inusités qui ont tous un lien avec le pont de Québec qui possède une histoire riche en curiosités et en anecdotes de toutes sortes. Cette nouvelle publication donne l'occasion à l'auteur de présenter des personnages qui ont été des témoins privilégiés ou même des acteurs de premier plan lors de certains événements associés à l'histoire du pont de Québec. Comme ces êtres exceptionnels ont livré des témoignages hors du commun, c'est un plaisir pour l'auteur de partager ces précieuses informations recueillies au cours des années, ce qui lui permet de leur rendre un hommage bien mérité. Nous souhaitons que ces nombreuses curiosités et anecdotes vous intéressent, vous divertissent et vous informent, puisque ce nouvel ouvrage de l'auteur constitue un heureux complément à ses livres précédents qui racontent l'histoire détaillée de ce pont exceptionnel. Directeur d'école à la retraite, Michel L'Hébreux s'intéresse à l'histoire du pont de Québec depuis son enfance. En plus d'écrire l'histoire fascinante de ce pont exceptionnel, il a donné plus de 2 000 conférences sur le sujet. Il a reçu plusieurs prix et distinctions et son travail a été reconnu à l'échelle nationale pour sa contribution à l'histoire du génie civil au Canada.

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