Il fut un temps où, au Québec, on se lassa de René Lévesque à la barre d’un gouvernement à la dérive. L’historien Jean-Charles Panneton nous l’évoque dans le troisième tome de son Gouvernement Lévesque : De l’éclatante victoire de 1981 au beau risque, publié chez l’éditeur Septentrion, effectuant la radiographie minutieuse d’une fin de règne piteuse.
À l’aide des journaux de l’époque, d’entrevues inédites, d’une multitude de biographies et des procès-verbaux du Conseil exécutif, le chroniqueur Panneton reconstitue fidèlement, sans complaisance, « mais sans céder à la tentation de l’effet facile », les hauts et les trop nombreux bas de ce second mandat. L’approche éminemment factuelle manque toutefois singulièrement d’éclat.
Respectueux du résultat référendaire de mai 1980, mettant, pour un moment, l’option en veilleuse, René Lévesque et son équipe remportent une retentissante victoire électorale le 13 avril 1981, en misant sur le slogan « Il faut rester fort ». Croyant au « oui au changement », ils reviennent cependant abattus d’Ottawa, au lendemain de l’hyper-dramatisé épisode de « La nuit des longs couteaux » du 4 novembre 1981. L’arrogant Pierre Elliott Trudeau va rapatrier de Londres la constitution du Canada et la modifier, sans la signature du Québec. Cet affrontement aurait pu mener à une élection référendaire, mais, en ce début des années quatre-vingt, le débat constitutionnel passe au second plan. Les préoccupations économiques dominent.
Le navire gouvernemental navigue au cœur d’une tourmente financière. Le temps n’est plus aux vastes et emballantes réformes socio-économiques, comme lors du premier mandat. Il y aura tout de même Corvée-Habitation, le nouveau Code civil et le programme de revitalisation des centre-ville. La priorité est toutefois de récupérer une marge de manœuvre budgétaire en procédant, entre autres, à des coupes salariales chez les employés de l’État. Des professeurs de cégeps vont se souvenir longtemps de René Lévesque, le « Boucher de New Carlisle ». Le chômage grimpe, le taux de popularité du gouvernement baisse et baisse.

Le premier ministre demeure toutefois convaincu d’être l’homme de la situation, n’ayant pas de successeur en vue (surtout pas Jacques Parizeau), et il est confiant de redonner l’image d’un gouvernement efficace. Il se dit prêt à revisiter la social-démocratie et à redéfinir le rôle de l’État. Nous devons être « plus pragmatique[s] et économique[s] ». L’avenir du Québec « repose maintenant sur les jeunes entrepreneurs ». Vive le Québec inc. !
Et lorsqu’à Ottawa, à la fin de l’été 1984, le premier ministre conservateur fraîchement élu Brian Mulroney appelle à la réconciliation avec les nationalistes québécois, René Lévesque se sent apte à jouer le jeu du fédéralisme, à effectuer ce grand et audacieux bond en avant du beau risque. C’est que Mulroney souhaite impatiemment intégrer le Québec, avec honneur et enthousiaste, dans une nouvelle constitution, reconnaissant son caractère distinct. Au sein du cabinet et du parti de Lévesque, les réalistes vont triompher des orthodoxes. Sept ministres, dont Jacques Parizeau, et cinq députés vont toutefois démissionner, fragilisant davantage le gouvernement.
Rien n’y fait. Malgré de brèves embellies, l’électorat continue de se détourner du Parti québécois, misant sur un Parti libéral ayant à sa tête un Robert Bourassa miraculeusement de retour. Les Québécois le préfèrent même à René Lévesque dans les sondages. Au sein de la population, on croit plus que jamais que la relance économique passe par le PLQ.
Constatant cette profonde désaffection des Québécois, bien au fait des soubresauts naissant d’une contestation au sein de son parti, René Lévesque n’a plus le goût de continuer. Il annonce publiquement, au soulagement de plusieurs, son départ le 20 juin 1985.
Le Parti québécois avait-il l’espoir de l’emporter avec ce Pierre-Marc Johnson, ce chef nouveau style, moins brouillon, mais bien terne ? Il se fait battre à plate couture par le PLQ, le 2 décembre 1985, parti qui obtient 56% des suffrages et 99 sièges sur 122.
Le temps festif du renouveau se termine. René Lévesque, tassé par les Québécoises et les Québécois, entre tranquillement dans la légende
– Christian Vachon (Pantoute), 13 avril 2025
Le gouvernement Lévesque T. 03 : De l'éclatante victoire de 1981 au beau risque
Le 13 avril 1981, malgré un premier échec référendaire, l'électorat québécois donne à René Lévesque et son équipe un mandat populaire solide, l'un des meilleurs scores électoraux de l'histoire du Parti québécois. Mais rien n'y fait sur le front constitutionnel. Malgré la stratégie québécoise d'un éphémère front commun des provinces et des tentatives judiciaires pour ralentir le rapatriement de la Constitution, rien n'empêche la marche inexorable de Pierre Elliott Trudeau. Confronté aux premiers effets d'une économie chancelante, le gouvernement de René Lévesque doit alors concentrer tous ses efforts à résoudre la crise qui s'annonce. Une série des mesures jugées novatrices pour l'époque seront mises en place tout en procédant à d'importantes compressions budgétaires, dont des coupes salariales chez les employés des secteurs public et parapublic. À l'automne 1984, l'arrivée du gouvernement de Brian Mulroney à Ottawa pousse le chef de l'État québécois à faire le choix pragmatique du beau risque, provoquant la démission de plusieurs ténors de l'équipe ministérielle et de vieux compagnons de route, dont Jacques Parizeau et Camille Laurin. C'est le début de la fin pour la carrière politique de René Lévesque. Historien et politologue, Jean-Charles Panneton est un auteur prolifique dont les travaux ont mis en lumière des figures marquantes de l'histoire du Québec, notamment Georges-Émile Lapalme et Pierre Laporte. Chroniqueur régulier aux émissions Aujourd'hui l'histoire et Dessine-moi un matin sur la chaîne ICI Radio-Canada Première, il partage son expertise et sa passion avec un vaste auditoire. Son premier tome sur le gouvernement Lévesque a été finaliste au Prix du livre politique de l'Assemblée nationale du Québec.
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