Quatre types fabuleux aussi bienfaisants que le Christ

Christian Vachon - 7 octobre 2024

Plus importants que Jésus-Christ les Beatles ? Peut-être pas, mais aussi estimables certainement. Suffisamment, en fait, pour que l’historien français Bertrand Lemonnier les introduise (en compagnie des Périclès, Thomas More et autres personnalités remarquables) avec son essai Les Beatles : de l’histoire au mythe, dans la collection « Biographies et mythes historiques » de l’éditeur Ellipses. Par cet essai, il tente de trouver une explication à leur si « exceptionnelle postérité », car, le constat est patent, il y a un monde avant et après les Beatles, comme il y a un monde avant et après le Star Wars de Lucas.

Le phénomène ne surgit pas par magie, souligne l’historien qui prend soin de replacer cette conquête du monde par les Beatles dans le contexte politique, social et culturel des années 1940, 1950 et 1960.

Les Beatles, c’est d’abord « une histoire anglaise », l’histoire d’une Grande-Bretagne sortant de l’austérité, partant à la rencontre de l’Amérique; d’une jeunesse ouvrière, à Liverpool tout particulièrement, passionnée de musique populaire américaine et « qui goûte enfin à l’abondance ». Les Beatles, c’est l’épopée de deux jeunes musiciens autodidactes, John et Paul, qui se rencontrent un 6 juillet 1957 et qui vont évoluer constamment avec les « deux pièces rapportées », George puis Ringo. Et cette route du succès va passer par le chemin détourné de l’Allemagne : « Pas de Hambourg, pas de Beatles ».

Pas de triomphe des Beatles, non plus, sans Brian Epstein, leur gérant qui leur donne une identité visuelle. Le génial Epstein s’aperçoit aussi que ces Boys de Liverpool possèdent des qualités peu habituelles chez un groupe rock : la simplicité, la rigueur, la singularité, chacun des membres ayant une personnalité propre. Il y a John, le rebelle; Paul, le mignon; Ringo, le pitre et George, le tranquille. Provoquant un état de transe chez les jeunes filles anglaises, les quatre garçons ont bien l’intention d’étendre cette épidémie au reste de la planète. À partir de 1964, le phénomène Beatles devient une « histoire monde ».

La photo est en fait composée de quatre images. Disposées en carré, les quatre photos choisies montrent les membres des Beatles en cadre resserré, montrant seulement la tête et le coup. Les clichés en noir et blanc sont pris sur le vif, les quatre jeunes hommes arborant parfois un sourire, parfois le visage de quelqu'un qui parle. De gauche à droite et de haut en bas, les photos représentent John Lennon, Paul McCartney, George Harrison et Ringo Starr.
Photographie de The Beatles lors de leur arrivée à New York City en 1964.

Le marché américain, alors inaccessible aux musiciens britanniques, s’ouvre et les Beatles ne vont pas seulement s’y engouffrer, mais le dynamiser. L’Amérique, avec ses vedettes déclinantes, semblait avoir refermé « la parenthèse transgressive du rock’n’roll »; les Beatles, avec leur sexualité joyeuse et innocente, tout en s’éloignant assez rapidement des préoccupations adolescentes par leurs textes, redonnent à ce rock un nouveau souffle. Ils finissent par toucher « un très large public de tout âge et de toutes conditions » à travers le monde. Profitant des intuitions symphoniques de George Martin, les Beatles révolutionnent la musique, inaugurant par la même occasion « l’ère du gigantisme dans l’histoire de la musique populaire américaine ». Ils sont aussi à l’avant-garde dans de multiples autres phénomènes culturels : psychédélisme, méditation transcendantale, « globalisation de la culture jeune ».

Les Beatles quittent la scène, en 1970, au sommet de leur popularité  (Ringo : « On a arrêté, parce qu’on en avait assez. On était allés aussi loin qu’on le pouvait ensemble. ») Ce groupe qui, dans une période très brève, n’a cessé de se métamorphoser tant musicalement que visuellement, résiste au temps. Il entre définitivement dans l’histoire culturelle.

Rien d’aussi excitant, ni Pink Floyd, ni Michael Jackson, ni Bono, n’est apparu après les Beatles. Ils sont partout : dans l’art graphique, les films, les livres. Ils sont devenus le vecteur d’un art populaire « qui fait le lien entre la culture de masse audio-visuelle et les Beaux Arts ». Leur musique possède encore un poids réel dans notre vie. Leur patrimoine commun dépasse largement le cadre anglo-saxon. Non, ils ne risquent guère de disparaître de l’histoire.

Les Beatles, surtout, aussi bienfaisants que le Christ, nous fournissent un réconfort constant. Regarder leur film Hard Day’s Night, tourné en 1964, en ces temps où ils espéraient séduire le monde, c’est s’offrir quatre-vingt dix minutes de bonheur retrouvé. Le film nous permet de renouer, grâce à ces quatre types fabuleux qui aiment jouer de la musique ensemble et s’amuser à défier les tabous, avec une époque heureuse. À nous de transmettre cet héritage, cet art de vivre des Beatles.

– Christian Vachon (Pantoute), 6 octobre 2024

Essais étrangers

Les Beatles

Bertrand Lemonnier - Ellipses

A l'occasion du soixantième anniversaire du premier concert des Beatles en France, cette biographie propose une approche historique du groupe en le remettant dans le contexte social, culturel et politique de l'Angleterre des années 1950 et 1960. L'auteur aborde notamment les aspects techniques et les composantes musicologiques, qui demeurent essentiels à la compréhension de son succès.

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