Qui commémorer, dans le monde, en 2023 ?   Colette, Picasso, Morris et les autres

Que commémorer, dans le monde, en 2023 ? Bien sûr, les cinquante ans du décès, le 8 avril 1973, du fantasque peintre Pablo Picasso. Et pourquoi pas, aussi, célébrer les cent ans de la naissance, un 27 octobre 1923, de cet autre artiste avant-gardiste, l’américain Roy Lichtenstein, décédé en 1999, celui qui a fort su prouver, dès les années soixante, que le comics est du grand art.

Il y a cent-cinquante ans, le 11 avril 1873, un autre grand génie, Sergueï Rachmaninov, naît. Le compositeur et pianiste, décédé en 1943, nous raconte son parcours tumultueux, de la Russie aux États-Unis, dans ce Rachmaninov par lui-même : réflexions et souvenirs d’un maître du piano (Buchet Chastel, 2022).

Modelant le fer comme un artiste, l’ingénieur Gustave Eiffel, le créateur de la Tour parisienne, meurt, lui, il y a cent ans, le 27 décembre 1923.

N’oublions pas non plus de souligner les deux mille ans de la naissance, à l’an 23, de Pline l’Ancien, auteur d’une mémorable Histoire naturelle, curieux de tout, jusqu’à en mourir, en allant observer de trop près l’éruption du Vésuve. Son enfance nous est narrée par Mori Yamazaki et Tori Miki dans Pline, une série manga publié chez Casterman.

Du côté littéraire, il y a bien des personnalités à commémorer. D’abord les cent-cinquante ans de la naissance, un 28 janvier 1873, de Colette. Un Cahier de l’Herne sera consacré, cet hiver 2023, à cette écrivaine, décédée le 3 avril 1954, pleine d’audace et rebelle.

Prix Nobel de littérature, en 1971, le poète et militant communiste chilien Pablo Neruda décède (est-il, au lendemain du coup d’État par Pinochet, réellement mort du cancer ?), il y a cinquante ans, le 23 septembre 1973.

Il y a cent-cinquante ans, le 17 janvier 1873, naît l’essayiste Charles Péguy, fauché, un 5 septembre 1914, dès les premiers jours de la Première Guerre mondiale.

L’écrivain allemand Ernst Jünger survit, lui, aux cinq années terribles de cette Grande Guerre, et meurt, plus que centenaire le 17 février 1998. Dans ses Essais, rassemblés en 2019 dans la Pochothèque, le controversé vétéran de deux guerres mondiales tente de rationaliser la modernité triomphante, alors qu’Alfred Jarry, dont nous soulignons les cent-cinquante ans de la naissance – né le 8 septembre 1873, il décède en 1907 – s’est contenté lui, excellemment, dans son Ubu roi, d’en évoquer l’absurdité.

Le fabuliste italien Italo Calvino nous partage aussi une vision du monde pleine d’humour (Le vicomte pourfendu, Le chevalier inexistant). Décédé en 1985, nous célébrerons le 15 octobre prochain les cent ans de sa naissance, survenue 1923.

Il y a cent ans également (le 10 septembre 1923) naquit en Espagne Jorge Semprun. Fougueux écrivain et résistant, brillant scénariste du Z de Costa-Gravas, il tentera jusqu’à sa mort, survenue en 2011, de réconcilier « l’écriture et la vie ».

Le 31 janvier, nous célébrerons aussi le centième anniversaire de naissance de Norman Mailer, homme reconnu pour son franc-parler. Une réédition bienvenue, cet hiver 2023, chez Pavillon poche, de son Nus et les morts, critique acerbe de la virilité, nous permettra d’apprécier l’immense talent de ce bouillant écrivain décédé en 2007.

Un professeur de l’université d’Oxford, du nom de John Ronald Reuel Tolkien, lègue au monde, lors de son décès, il y a cinquante ans, un 2 septembre 1973, une incomparable œuvre mythique.

Si nous louons Tolkien pour son Seigneur des anneaux, louons aussi l’inventif dessinateur Morris, né Maurice de Bevere, en Belgique, il y a cent ans, un 1^er décembre 1923 – il décède en 2001 –, pour son Lucky Luke.  Espérons la parution prochaine, chez Dupuis, du cinquième tome de l’Intégrale de cette grande œuvre humoristique.

Savant génial – il invente la première machine à calculer – et philosophe, Blaise Pascal naît, il y a quatre cent ans, un 19 juin 1623. Les Pensées de ce moraliste (« Le cœur a ses raisons que la raison ne connait point ») sauront accaparer les longues soirées d’hiver du bon et honnête Achille Talon.

Cent ans plus tard, un 5 juin 1723, naît, en Écosse, le père philosophique (on aime ou on n’aime pas) du capitalisme Adam Smith, utopiste du commerce mondial et de la « main invisible ». Un Monde selon Adam Smith :  essai sur l’imaginaire en économie d’Anders Fjeld et Matthieu de Nanteuil, paru aux PUF, en 2022, nous propose une relecture de son œuvre.

Cent cinquante ans plus tard, un 8 mai 1823, décède un autre philosophe, grand théoricien de la liberté individuelle, John Stuart Mill. Ses principes de l’utilitarisme, du bonheur comme seule fin de l’action demeurent-ils pertinents ?  Un John Stuart Mill, libéral utopique :  actualité d’une pensée visionnaire, par Camille Dejardin, paru chez Gallimard, en 2022, dans sa collection Bibliothèque des idées, tente d’y répondre.

Utopiste, il l’était sans doute, croyant au progrès, à une paix européenne, ce Napoléon III, le « neveu »,  dont commémore, le 9 janvier 1873, les cent-cinquante ans de décès.  Une Apologie de Napoléon III, de Maxime Michelet, aux éditions Passés composés, tente, une nouvelle fois, de réhabiliter ce grand perdant, dont la carrière, il faut l’admettre, ne se résume pas –il fut « l’architecte d’une France moderne et progressiste » – à des dérives autoritaires.

Victime d’une guerre malheureuse (qui l’incitera, dès la fin de l’hiver 1968, à ne pas se représenter à la présidence américaine) est, lui-aussi , Lyndon B. Johnson (« LBJ »), dont on commémore, le 22 janvier, le cinquantième anniversaire de son décès.

Triomphe et trahison peut, ainsi, se résumer la vie du révolutionnaire mexicain Pancho Villa, le « Centaure du Nord »,  un personnage dont l’assassinat, il y a cent ans, le 20 juillet 1923, ne fait que grandir l’aura légendaire.

Salvador Allende, lui, préfère se donner la mort (une nouvelle autopsie, en 2012, le confirme définitivement0, un 11 septembre 1973, il y a cinquante ans, lorsque Pinochet, et sa bande de militaires, mettent fin aux espoirs d’un Chili égalitaire et progressiste.

Visionnaire l’était aussi –il rêvait d’une nation juive réellement socialiste – David Ben Gourion qui décède cette même année 1973, un 1^er décembre, premier premier ministre de l’État d’Israël, dont il proclame l’indépendance, le 14 mai 1948, dès l’obtention du vote majoritaire aux Nations Unies.

Visionnaire, horriblement visionnaire, est également Pol Pot, dont sa conception d’un monde nouveau, au Cambodge, après la prise du pouvoir par ses Khmers Rouge, en 1975, entraîne la mort de plus de 1,7 millions d’habitants. On ne s’attriste pas trop de son décès, il y a vingt-cinq ans, le 15 avril 1998.

Colossale figure médiatique des années 70, le controversé Henry Kissinger, le « Diplomate du siècle » comme l’intitule une biographie très récente de Gérard Araud, chez Tallandier, fêtera, peut-être, lui-même ses cent ans, le 27 mai 2023.

Monstrueusement célèbre, elle aussi – elle fait des tournées sur cinq continents –, et scandaleuse est Sarah Bernhardt, la « Divine » comédienne, dont on commémore, le 26 mars, les cent ans de son décès, en 1923.

« Monstre sacré », dans les années cinquante, grâce à ses interprétations légendaires à la Scala de Milan, est également Maria Callas, née, il y a cent ans, un 2 décembre 1923. Celle qui est connue sous le nom de « La voix », décède un 16 septembre 1977.

« The Voice », c’est ainsi, également, qu’on identifie, tout au long de sa mythique carrière de près de soixante ans, le chanteur Frank Sinatra, mort, il y a vingt-cinq ans, un 14 mai 1998.

Le décès, très jeune (il a, à peine, 33 ans), un 20 juillet 1973, de Bruce Lee, fait de lui, aussi, un personnage tout aussi mythique. Ce comédien et cascadeur, né à San Francisco, mais élevé à Hong Kong, initie l’Occident aux arts martiaux – « l’invincibilité à mains nues –  grâce, entre autres, à sa Voie du Jeet Kune Do, que réédite, en cette année commémorative 2023, l’éditeur Budo.

Il lègue, lui, un flamboyant héritage cinématographique (The Grapes of Wrath,  The Quiet American, The Searchers, The Man Who Shot Liberty Valance) le réalisateur américain John Ford, décédé, un 31 août, cette même année 1973.  Le portraitiste d’une Amérique des gens dignes :  ouvriers, militaires, pionniers, reste, toute sa vie, fidèle à sa famille d’acteurs et de techniciens.

Les westerns de John Ford, et d’autres, inspirent les Sept samouraïs du fabuleux cinéaste japonais Akira Kurosawa, mort, il y a vingt-cinq ans, le 6 septembre 1998.

Il y a cent ans, enfin, un 4 octobre 1923, nait Charlton Heston, comédien collectionneur de rôles grandiose, ne laissant jamais personne indifférent :  Moïse, Ben Hur, l’astronaute captif de Planet of the Apes. Il ne laisse personne indifférent, également, jusqu’à sa mort, un 5 avril 2008, par son appui public à la NRA, faisant oublier qu’il fut, dans les années 60, un profond supporter des droits civiques.