Savoureux cocktails de mystères de l’histoire

Masque de fer, Jack l’Éventreur, trésor des Templiers :  combien de ces mystères de l’histoire nourrissent, depuis des décennies, l’imaginaire des romanciers, des cinéastes, des bédéistes, d’Alexandre Dumas à Alan Moore, ou suscitent savants traités, et folles élucubrations, de générations de dilettante.  Pourrions-nous, enfin, apposer le mot fin à quelques-uns de ces épisodes énigmatiques ?

L’historien Jean-Christophe Petitfils relève le défi, cet hiver 2021, rassemblant quarante de ces chapitres ou affaires occultes de l’histoire, du mystère de l’Atlantide au décès de Lady Di, dans Les grandes énigmes de l’histoire, édité chez Perrin, recrutant une équipe de chercheurs, aguerris comme lui :  Olivier Wievorka, François Kersaudy, Thierry Lentz, Jean-Claude Martin, et plusieurs autres, afin de dissiper les halos de légende, et démêler rumeurs et vérités dans ce savoureux cocktail de récits énigmatiques.

Les mystères, tant de l’histoire de France (le duc de Bourbon, retrouvé pendu, à Saint-Leu, le 27 août 1830 : suicide, ou crime maquillé ?  Qui est à l’origine, lors du « rendez-vous tragique » de Caluire, le 21 juin 1943, de l’arrestation de Jean Moulin ? …), que du reste du monde (le roi Sébastien du Portugal, mort ou vivant après l’affrontement de Kjar el-Kébir, du 4 août 1578 ?  Que sait-on de Zhang Yu Feng, cette femme « qui lisait sur les lèvres de Mao » lors des derniers jours de sa vie ?…), sont regroupés en six grands thèmes :

– Des mystères archéologiques (une explication unique à l’effondrement de la civilisation maya ?  Que cache les étranges idoles de l’île de Pâques ?…) ;

– Des personnages mystérieux (la parenthèse énigmatique, de l’Égypte ancienne, du pharaon Akhenaton ;  la Mauresse de Moret, fille d’un amour adultère de Marie-Thérèse d’Autriche, reine de France ?…) ;

– Des morts et disparitions énigmatiques (les Hasbourgs ont-ils armé le bras de Ravaillac, assassin d’Henri IV ?   Zola, retrouvé asphyxié, chez-lui, le 29 septembre 1902 : un attentat dirigé contre lui par la ligue des Patriotes ?…) ;

– Des survivances problématiques (une fausse Jeanne d’Arc brûlée à Rouen ?  Un tsar Alexandre devenu l’ermite Fiodor ?…) ;

– Des secrets d’État et affaires étranges (la paternité douteuse de Napoléon III ;  les tractations, le 29 mai 1968, entre de Gaulle et le général Massu, après la fuite – «tout est foutu »- à Baden-Baden ;…) ;

– Et, enfin, bien sûr, des trésors cachés et sociétés secrètes (l’or de Rennes-le-Château, le Prieuré de Sion et son « énigme sacrée » :  une exploitation de bêtises ?   Un pouvoir occulte de la Cagoule grossi par l’imaginaire politique de la fin des années 1930 ?…).

Quelques mystères persistent au bout de ces enquêtes palpitantes :  rien ne prouve que le linceul de Turin, le « Saint-Suaire », a recouvert un certain Jésus de Nazareth, mais aucun faussaire, au Moyen âge, n’aurait pu reproduire une « telle empreinte », et chaque Bavarois, comme chaque historien ou psychiatre, à sa propre explication quant à la mort de Louis II de Bavière.

Ailleurs, des zones d’ombres s’évaporent :  on peut dire, avec certitude, que Jack l’Éventreur n’est ni un héritier de la Couronne, ni un peintre célèbre, ni Lewis Carroll, ni tout autre des 202 personnalités suspectées, en date de 2005 (ou 333, en 2018) ; que nul document crédible n’implique le KGB, ou une « filière bulgare », dans la tentative d’assassinat contre Jean-Paul II, en 1981 ;  qu’une boîte à chaussures, entreposée dans un vieux fonds d’archives du KGB, à Moscou, et contenant une mâchoire carbonisée, permettra de mettre, définitivement, aux incertitudes sur le sort d’Hitler (ou de son cadavre) après la chute de Berlin ; et que, en dépit des multiples rumeurs, l’excès de vitesse est l’unique cause de la mort « inattendue » de Lady Di.

L’Atlantide n’a jamais existé ailleurs que « dans la tête de Platon », et n’a, donc, « pas besoin de support historique ».  Aucun frère jumeau de Louis XIV ne se cache derrière un masque de fer, qui n’est, probablement, qu’un simple mystification de Cinq-Mars, lui permettant de gagner en prestige.

Des preuves par l’ADN réduisent à néant les spéculations proverbiales sur le sort de Louis XVII et d’Anastasia, fille de Nicolas II.

Malgré tout, si les mystères peuvent être résolus, « les légendes sont immortelles », et il n’y a pas à douter, entre autres,  que le sottisier déjà bien « garni » du destin des Templiers, et de leur trésor (« cette source inépuisable et ad nauseam de fantasmes récurrents » commente l’historien Alain Demurger) va continuer à s’enrichir.   Soyons franc, l’histoire ne peut lutter à arme égale contre un « flot incessant où tout est confondu » :  légende, imaginaire et faits réels.

–          Les grandes énigmes de l’histoire.  Jean-Christian Petitfils (dir,), Perrin