La misère est le seul héritage qui se transmet de génération en génération pour les membres de la famille qui habite une maison aux allures hantées, dans un village quelque part en Castille, isolé et figé dans le temps et l’histoire :
« Mon arrière-grand-mère est morte entièrement dévorée par la haine, comme son mari. Lui a fini emmuré dans la maison qu’il avait bâtie pour l’enfermer, et elle rongée par sa jalousie à l’égard de sa propre fille. Ils sont tous deux morts de pur dégoût de pur mépris de pure hargne. Elle a bien fait de le laisser derrière ce mur, le réduisant à un crcrcrcrcr de cuillère contre la brique, mais ce crcrcrcrcr s’est introduit dans sa tête parce que dans cette maison tout se glisse en toi et te gratte te gratte te gratte. Les autres membres de la famille ont eux aussi succombé à la haine, pas la leur mais celle d’autrui. » (p.107)
Dans ce premier roman de Layla Martinez, on sent le poids de l’oppression intergénérationnelle, la lourdeur de la dictature franquiste et des conflits non résolus. Les rapports de classe et la vengeance sont également au cœur du récit qui, à travers un style qu’on pourrait qualifier proche du réalisme magique (qui peut nous faire penser à l’écriture d’Irene Solà), nous plonge à l’intérieur de cette maison – et histoire – troublante. Le titre même du roman, Carcoma, désigne à la fois le ver à bois et un type de souci constant, et c’est ce qu’on sent : une angoisse, une tension constante, qui nous permet de sentir les frustrations et les émotions des personnages. Un gros coup de cœur de la littérature espagnole contemporaine.
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