Le fil de midi

Écrit en 1969 et récemment ré-édité aux Éditions Le Tripode, Le fil de midi s’inscrit d’emblée dans le vaste projet d’écriture d’une « autobiographie des contradictions » mené par l’autrice Goliarda Sapienza. Introspectif et intime, ce livre retrace la thérapie psychanalytique qu’elle a traversée à la suite d’une tentative de suicide, puis d’une « cure » aux électrochocs dont elle et sa mémoire n’en sont ressorties que plus meurtries. Son psychanalyste – infantilisant, méprisant souvent, et tentant constamment d’imposer ses grilles analytiques et interprétations freudiennes au vécu de la narratrice – tente de l’aider à retrouver ses souvenirs, ses rêves, ses mots, son soi.

Or, Sapienza nous livre ici le récit de l’échec de cette tentative. L’ouvrage retrace ainsi le fil d’une parole en train de se faire, comme l’apprentissage d’une contre-parole libératrice (ou presque). Filant une langue fragmentée, errante, comateuse – quoique survoltée, emportée, combative – l’écrivaine explore son chaos intérieur. Tout en se posant comme sujet fort de l’écriture, elle réfléchit aux idéologies dogmatiques, questionne les relations de genre et sonde ses rapports conflictuels avec les hommes.

Si L’art de la joie a su séduire de nombreux·euses lecteur·ices par sa luminosité, Le fil de midi, quant à lui, saura séduire par son indicible étrangeté.