Bordeterre

Inès, 12 ans, d’un naturel bagarreur, est toujours prête à fondre sur ceux qui se moquent de son frère.  Tristan, 16 ans, est d’un tempérament beaucoup plus calme et posé. Il préfère la compagnie bien ordonnée de ses mots croisés à celle plus chaotique des jeunes de son âge qui le jugent à son bégaiement.

Alors qu’ils sont tous les deux à la poursuite de leur chien, qui a profité d’un moment d’inattention pour se faire la malle dans les landes normandes,  leurs regards accrochent les contours d’un mirage. À peine esquissé dans la superposition des couches d’air, se dessine la silhouette d’un château. Un édifice imposant, aux tourelles d’une blancheur délavée, qui serait définitivement plus à sa place dans un conte de fée qu’en périphérie du camping des Flottiers. Et puisque la curiosité est par nature plus forte que la prudence, Inès et Tristan avancent vers l’illusion pour  débouler aussitôt dans le joyau du second plan ; la majestueuse ville de Bordeterre. Si Inès est toute habitée par la frénésie de la découverte, flairant avidement toutes les bizarreries qui s’offrent à elle, Tristan est, quant à lui, beaucoup plus réservé. Deux visions diamétralement opposées qui marquera leur quotidien dans la ville.

Inès, rebaptisée Ignace du lac par un noble qui la tire d’un mauvais pas, est rapidement nommée cordiste de Bordeterre. Son rôle : plonger dans le lac zéro, portail vers la dimension du même nom, pour y repêcher le quartz essentiel au bon fonctionnement de la ville. Devenue la protégée de Philadelphe de Saint-Esprit, chef de la Garde, elle vit une vie de luxe, parsemée de brioches au sucre, au sein du château. Le quotidien de Tristant s’avère beaucoup moins reluisant. Habitant le quartier défavorisé de Bordeterre, surnommé Bordetôle, il y fera la connaissance d’Alma. C’est elle qui le sensibilisera à la condition des laissés pour compte de la société ; ceux que l’on surnomme les transparents. Or, la révolte gronde au sein du peuple qui ose rêver d’un avenir meilleur. Ce sera à Tristan, Inès et  à la bande du Débordement d’organiser l’offensive afin de détrôner, une fois pour toute, les bourgeois de Bordeterre.

Dire que je mange littéralement de la littérature fantastique n’est pas loin de la réalité. Ma culture littéraire s’est affinée très tôt au contact des J.K. Rowling, Philip Pullman et Eoin Colfer de ce monde. Voilà pourquoi tomber, encore aujourd’hui, sur une œuvre fantastique profondément originale est un tel évènement dans ma vie de lectrice parfois blasée par les clichés du genre. Et dire de Bordeterre qu’il s’agit d’un roman original, m’apparait être un tantinet réducteur. Ce roman, c’est une entreprise de grande envergure menée de mains de maîtres par la blogueuse française et autrice Julia Thévenot ( faites vous plaisir et allez zieuter son blogue de littérature jeunesse : https://allezvousfairelire.com/). Il s’agit d’un roman fantastique de grande envergure; truffé d’idées surprenantes et ancrée dans univers étonnament étoffé. L’écriture est, quant à elle, brillante et inventive. Chaque page témoigne de l’amour sincère que l’autrice porte aux  mots et aux réparties cinglantes; le tout encapsulé dans un système de magie qui se nourrit des paroles des plus grands paroliers et poètes de notre plan.

Mais la cerise sur le sundae reste cette panoplie de personnages atypiques qui crèvent les pages du roman. Des personnages de papier qui nous semblent pourtant si réalistes et qui nous conduisent dans les détours d’une histoire aux multiples ramifications. Une intrigue au rythme soutenue qui emballe l’imaginaire et nous fait tourner les pages juste un tout petit peu plus vite.

Bordeterre c’est l’ambiance révolutionnaire et ces grands idéaux. C’est la solidarité et la fratrie. C’est l’amour et la violence qui se mènent une chaude lutte au travers des pages. En somme,  Bordeterre est un roman magnifique de justesse qui se doit d’être lu.