Ce qui mérite d’être commémoré au Québec en 2025 : Des jésuites en mission à des villes en fusion

Christian Vachon - 3 février 2025

Le 15 juin 1625, il y a quatre cents ans, les premiers jésuites, les pères Charles Lalemant,  Enémond Massé et Jean de Brébeuf, débarquent à Québec. Ils sont bien décidés à transmettre le message du Christ au cœur de l’Amérique. Au moment de leur départ forcé quatre ans plus tard, à la suite de la « Catastrophe » (la prise de Québec par les frères Kirke en 1629), le bilan n’est guère reluisant : vivant pendant plusieurs mois au dépens des Récollets qu’ils devaient suppléer, ils ne parvinrent pas à sédentariser les Autochtones afin de les évangéliser. Lors de leur retour dans les années 1630, ils firent beaucoup mieux, selon eux.

Bien résolus à forcer le retrait des troupes britanniques du nord de l’Amérique, les rebelles américains s’emparaient de tout le Canada à la fin de 1775, il y a deux cent cinquante ans. Ils avaient le soutien, ici et là, d’une partie de la population. Pensons à la Beauce et à la Côte-du-Sud, par exemple. On l’apprend dans Un pays rebelle : La Côte-du-Sud et la guerre de l’indépendance américaine, publié chez Septentrion en 2023, un livre écrit par le chercheur Gaston Deschênes qui rappelle comment des Sudcôtois ont facilité l’installation des « Bostonnais » et ont même repoussé les « royalistes » qui essayaient de les déloger. Même Montréal céda, mais la trop fortifiée Québec tient, les rebelles l’assiégeant en vain. Pour en finir, ils montent à l’assaut de la cité, l’attaquant de deux côtés à la fois, en pleine poudrerie, un 31 décembre 1775.  C’est l’échec devant les barricades. Au printemps 1776, à l’arrivée des renforts britanniques, ils devront décamper.

Autre succès des conservateurs, dirigés alors par Boucher de Boucherville, face aux libéraux de Joly de Lotbinière, leur permettant de former un troisième gouvernement majoritaire consécutif depuis 1867. Lucie Desrochers, dans son Sir Henri-Gustave Joly de Lotbinière : Un premier ministre improbable, édité chez Septentrion en 2021, narre la carrière de ce seigneur de Lotbinière, amoureux de la nature et fort bref premier ministre du Québec en 1878. Cette victoire se passe lors de l’élection provinciale du 7 juillet 1875, il y a cent cinquante ans. Dès l’automne de cette même année, face aux pressions de l’Église, les conservateurs réélus abolissent le ministère de l’Instruction publique créé il y a quelques années à peine, en 1868. Un ouvrage collectif, L’école au Québec, publié aux Presses de l’Université Laval en 2023, nous permet d’entrevoir comment, pendant près d’un siècle, la scolarisation sera assurée par des comités catholiques et protestants mis en place dans les différentes régions du Québec.

L’Église catholique, en la personne de monseigneur Ignace Bourget, démontre déjà, quelques semaines auparavant, le 2 septembre 1875, sa toute puissance en empêchant l’inhumation dans la partie « honorable » du cimetière Côte-des-Neiges de Montréal de Joseph Guibord, l’un des fondateurs de cet « odieux » Institut Canadien, osant rendre accessible des ouvrages mis à l’index dans sa bibliothèque ouverte au public. Le tout est fait à l’aide d’une foule de paroissiens hostiles. Sa veuve et des amis du défunt vont alors intenter une poursuite judiciaire contre la paroisse montréalaise. Nous pouvons lire la plaidoirie de leur porte-parole, l’avocat Joseph Doutre, dans ce Plaidoyer pour Guibord, publié chez Liber en 2008. Ils auront gain de cause des années plus tard, mais, en attendant, le très dérangeant corps de Guibord sera enterré le 16 novembre 1875 sous forte escorte policière dans une partie « désacralisée » du cimetière. Du ciment sera coulé sur la tombe pour éviter les profanations.

Cent ans plus tard, en 1975, c’est au tour de l’adoption du système métrique de susciter une forte réaction populaire. Le gouvernement fédéral, pourtant, procède prudemment, se donnant une décennie pour effectuer la transition. Le 1er avril 1975, c’est d’abord la température qui est maintenant communiquée en degré Celsius (l’eau gèle à 0 degré, non plus à 32). Le kilomètre doit s’imposer en 1977, le litre en 1979, le kilo beaucoup plus tard. Une bonne partie de la population résiste encore et toujours. L’échéance est reportée, puis abandonnée. La conversion devient volontaire.

Le 4 octobre de cette même année 1975 est inauguré en grande pompe l’aéroport de Mirabel. Le premier ministre Pierre Elliott Trudeau prévoit pour cet étincelant aérodrome international, situé à 58 kilomètres de Montréal, un achalandage annuel de 60 millions de passagers en 2025.  Immense ambition. Misérable gâchis. La zone aéroportuaire, supplantée par Dorval et démolie depuis, n’accueille déjà plus aucun passager en 2005. Plus de 80 000 acres de terrain, les magnifiques terres fertiles de Sainte-Scholastique, dont 17 000 seulement seront finalement utilisés, ont été appropriés pour rien. A-t-on choisi le bon site ? Que s’est-il passé dans le dossier de la navette ferroviaire ? Jacques Roy tente d’y répondre dans La saga des aéroports de Mirabel : Des leçons à tirer maintenant et pour l’avenir, publié aux éditions JFD en 2023.

La tour de contrôle de l’aéroport de Mirabel

Une catastrophe majeure est sans doute évitée, cette même année 1975, avec l’établissement de la RIO (la Régie des installations olympiques) par le gouvernement libéral de Robert Bourassa. La RIO prend le contrôle, à la place de l’administration municipale du maire Jean Drapeau (qui sera interdit de présence sur le chantier) de la gestion des travaux sur les sites des jeux olympiques montréalais de 1976. Le maire avait auparavant, le 9 juillet, renoncé à l’autofinancement (par des monnaies, timbres et loteries) de ces jeux. Les coûts se multipliaient et les retards s’accumulaient. Ce seront les contribuables fumeurs qui assureront finalement le financement par une taxe sur les cigarettes. Le maire Drapeau, toutefois, aura une autre idée grandiose, le 18 septembre de cette même année : acheter le paquebot « France » pour en faire un casino flottant.

Autre coup d’éclat, lors de cette année 1975, du gouvernement Bourassa : la signature, le 11 novembre, d’un accord avec les Cris et les Inuits sur la Baie James. C’est le premier traité autochtone moderne. En concédant une large autonomie politique et administrative aux communautés autochtones (entre autres, le droit exclusif de chasse, pêche et piégeage) et une compensation financière de 234 millions de dollars, le Québec obtient le droit de développer les ressources hydrauliques et minérales du territoire. En fait, invisible depuis près de deux siècles, les Autochtones réapparaissent dans notre histoire.

Le 19 janvier de cette même année 1975, Radio-Québec (devenue Télé-Québec) s’immisce également dans la vie des Québécois en faisant son entrée en ondes. Les téléspectateurs de Montréal et Québec uniquement peuvent syntoniser cette chaîne en utilisant, c’est un peu compliqué, la roulette UHF de leur appareil. La lecture de Nous sommes Télé-Québécois de Danielle Stanton, des éditions La Presse, pourrait nous en apprendre un peu plus sur le contenu de cette première programmation, sachant que  les iconiques Oraliens et 100 tours de Centour, produits par Radio-Québec au début des années 70, étaient diffusés par Radio-Canada et que les Passe-Partout, Minute et quart de Gérard D. Laflaque et Télé-Service vont surgir quelques années plus tard.

Un horrible fait divers fait alors les manchettes en ce même début d’année 1975. Évadé d’un pénitencier, le bandit Richard Blass met le feu au bar montréalais Gargantua le 21 janvier, entraînant la mort de treize personnes, dont douze non liées au monde criminel. Blass a contraint les « témoins gênants » de son « compte à régler », dont trois femmes, à s’entasser dans un petit réduit et a bloqué la porte par un juke-box. Tous vont mourir par asphyxie. Une chasse à l’homme spectaculaire s’ensuit (inspirant, en 1991, le film Requiem pour un beau sans-cœur de Robert Morin, avec, dans le rôle-titre, Gildor Roy). Trois jours plus tard, à Val-David, les policiers retrouvent le criminel, le criblant de vingt-sept balles de mitraillette. Michel Viau et Jocelyn Bonnier ont adroitement recréé le parcours violent de cet individu, fauché à 29 ans, dans leur roman graphique Blass. Le chat sur un toit brûlant paru chez Glénat en 2020.

L’an 2000, il y a vingt-cinq ans, est particulièrement mouvementée au Québec, suite à la présentation du livre blanc sur la réorganisation municipale par la ministre d’État aux affaires municipales et à la Métropole du gouvernement du Parti québécois, Louise Harel. Une bonne partie de la population n’est guère enthousiaste à « changer les façons de faire pour mieux servir les citoyens », contestant ce projet de fusion forcée de soixante villes pour les regrouper en cinq entités : Montréal, Québec, Lévis, Longueuil et Hull-Gatineau. La grogne grimpe. Le Bloc Québécois en paie même le prix lors d’une élection fédérale. En vain. Le 20 décembre, la loi 170, abolissant les 60 villes et menant à leur fusion en 5 entités, est sanctionnée à l’Assemblée nationale. Le citoyen est-il mieux servi depuis ?

– Christian Vachon (Pantoute), 2 février 2025

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