Célébrons les deux cent cinquante ans de la naissance de l’indémodable Jane Austen, le 16 décembre 1775 dans le Hampshire, en Angleterre, autrice qui est morte en 1817 et qui continue d’enchanter, siècle après siècle, par ses écrits nimbés d’ironie et de fines observations sociales, de nouvelles générations de lectrices toujours en quête d’un bon parti. Son Orgueil et préjugés vient tout juste d’être adapté en bande dessinée par Claudia Kühn et Tara Spruit chez Jungle. Elle se réincarne elle-même en personnage de fiction dans le Jane Austen et la beauté des mots de Catherine Bell, qui doit paraître chez Fleuve éditions cette année.
Injustement méconnu du lectorat francophone, mais hautement apprécié par ses compatriotes britanniques, P.G. (Pelham Grenville) Wodehouse, mort il y a cinquante ans, un 14 février 1975, pourfendait les imbéciles de toutes espèces de sa plume loufoque, dans la digne veine d’un Tom Sharpe. Dans son Hello, Plum! Autobiographie en digressions, récemment traduit aux Belles lettres, il s’amusait à évoquer indifféremment Shakespeare et les romans policiers, les chiens et le ramassage des escargots.
Planant au-dessus des conventions littéraires avec sa Montagne magique et ses autres œuvres féeriques, l’écrivain allemand Thomas Mann naissait il y a cent cinquante ans, un 6 juin 1875, à Lubeck. Dans ce Appels aux Allemands : messages radiodiffusés 1940-1945, édité aux Belles lettres l’an dernier, il tente d’appeler au sursaut ses compatriotes, lui-même rempli d’espérance. Nous pouvons apprécier cet être lucide, fervent démocrate, ayant dû fuir sa patrie dès 1933.
En cette même année 1875, à Prague, venait au monde Rainer Maria Rilke, explorateur lyrique de l’âme, mort en 1926, dont le recueil de dix lettres Lettres à un jeune poète continue, près de cent ans après sa publication posthume, en 1929, de recruter de milliers de fervents.
Être excessif, en guerre avec la décadence, se faisant publiquement seppuku, un 25 novembre 1970 à Tokyo, l’écrivain japonais Yukio Mishima naquit il y a cent ans, le 14 janvier 1925. Il invite par son œuvre (Confessions d’un masque, Le pavillon d’Or, …) à libérer le désir de ses entraves.
Chez Gallimard, on fête avec éclat les trois cents ans de la naissance de cet aventurier et play-boy vénitien, James Bond précoce aux cent conquêtes féminines et écrivain prolifique du nom de Giacomo Casanova par la publication, dans la bibliothèque de la Pléiade, d’une nouvelle édition en trois volumes de son Histoire de ma vie. L’an dernier, Robert Laffont, dans sa collection Bouquins, a également rassemblé des textes inédits traitant tant des femmes ou de la littérature grecque que du partage de la Pologne ou de la Révolution française, le tout sous le titre D’une plume indocile. Cet ouvrage nous révèle que ce libertin, faisant de sa vie un carnaval, peut être aussi un fin observateur de son temps.
Il charme bien des enfances par ses contes, le Danois Hans Christian Andersen, mort il y a cent cinquante ans, le 4 avril 1875. Ses écrits (soigneusement mis en valeur l’an dernier avec La petite sirène et autres contes dans la collection « MinaLima classics » de Flammarion jeunesse) dissimulent, en fait, d’impitoyables messages politiques (Les habits neufs de l’empereur), sociaux (Le vilain petit canard), ou moraux (La petite sirène).
Érudit, moqueur, sachant pratiquer l’art de la conversation, l’écrivain aux quarante oeuvres (Au plaisir de Dieu; Dieu, sa vie, son oeuvre), Jean d’Ormesson, invité quinze fois à l’Apostrophe de Bernard Pivot, mort en 2017, aurait eu cent ans le 16 juin 2025. Ce fils d’une famille noble, loin d’être conservateur, a eu le culot de faire admettre pour la première fois une femme, Marguerite Yourcenar, à l’Académie française.
Il avait aussi du toupet cet écrivain américain, Gore Vidal, né également en 1925, en publiant son The City and the Pillar (Un garçon près de la rivière) en 1946. Il s’agit du premier roman américain à mettre en scène des personnages aux tendances homosexuelles ne connaissant pas une fin tragique. Le romancier, qui sera également scénariste à la télévision puis à Hollywood, rédige jusqu’à sa mort, en 2012, des récits fort critiques de l’épopée américaine (Mary Breckinridge, Burr, Lincoln).
Un autre auteur américain, Edgar Rice Burroughs, né à Chicago il y a cent cinquante ans, un 1er septembre 1875, parvient à faire de sa création du début des années 1910, Tarzan, l’homme-singe, une icône culturelle. Son histoire est adaptée une nouvelle fois en bande dessinée, en deux volumes, par Corbeyran et Martinez chez Glénat l’an dernier. Plus de vingt-quatre titres de cette oeuvre, quelque peu entachée de suprématisme blanc, vont paraître. L’écrivain, décédé en 1950, ne s’aventure pas seulement dans la jungle, mais aussi sur une autre planète avec son Cycle de Mars mettant en scène John Carter (adapté également en bande dessinée par Fabrice Canena chez Hoëbeke l’an dernier).
Il fait figure de pionnier, Tony Hillerman, né en Oklahoma il y a cent ans, un 27 mai 1925, en introduisant l’ethnologie dans le polar avec ses policiers enquêteurs navajos Joe Leaphorn et Jim Chee. Une quinzaine de récits du romancier, mort en 2008, ont été traduits en français chez Rivages.
Elles ne laissent jamais indifférentes, les scènes navales violemment émouvantes du peintre britannique William Turner, né le 23 avril 1775. Cet esprit romantique lègue, au moment de son décès en 1851, plus d’un millier d’œuvres, huiles et aquarelles, tourmentées.
Un peu trop compromis avec le bonapartisme (il fut même un conventionnel votant la mort de Louis XVI), le peintre néoclassique Jacques-Louis David (Le serment des Horaces, 1784) doit s’exiler au lendemain de la restauration des Bourbons, dès 1814. Le créateur du grandiose Sacre de Napoléon meurt, quelques années plus tard, il y a deux cents ans, le 29 décembre 1825, à Bruxelles.
On commémore également, le 7 mars, le cent cinquantième anniversaire de la naissance du compositeur français Maurice Ravel, inventeur d’un Boléro immensément popularisé par des œuvres cinématographiques (10, Les uns et les autres, …). Une biographie de ce musicien écrite par Karol Bela, Maurice Ravel : en avant la musique!, doit paraître chez l’éditeur France Musique cette année.
Adepte non du majestueux, mais du minimalisme en musique, Erik Satie, dont la vie et l’œuvre sont évoquées aux enfants par Sandrine Andrews, aux éditions Palette, mourrait il y a cent ans, un 1er juillet 1925. Les Gymnopédies et Gnossiennes, imaginées respectivement en 1888 et 1899, par ce compositeur fantasque surnommé « Monsieur précurseur » par Claude Debussy, peuvent également être appréciées des jeunes dans cet album sonore Je découvre Erik Satie des éditions Didier-jeunesse.
Une biographie de B.B. King, écrite par Sebastian Danchin et publiée aux éditions Fayard, nous fait elle apprécier la vie de ce bluesman, expert guitariste, né dans l’État du Mississippi un 16 septembre 1925. Ce créateur, mort en 2015, à « l’écoute constante des modes », avait la réputation d’être profondément respectueux de son public.
Né lui aussi il y a cent ans, un 6 juillet 1925 au Michigan, Bill Haley, décédé en 1981, se distingue particulièrement en signant, sans doute, l’acte de naissance du rock’n’roll en 1952 avec son Rock Around The Clock. L’air va obtenir, en 1955, une large diffusion par le film Blackboard Jungle.
Un parcours exceptionnel : de danseuse à héroïne de la Résistance française, fille du Mississippi, née en 1906 à Saint-Louis au Missouri, Joséphine Baker est à l’honneur. Nous commémorons son décès, il y a cinquante ans, le 12 avril 1975. Les Mémoires de cette vedette des années du music-hall, aux Folies Bergère, ont été rééditées chez Libretto l’an dernier. Jean-Louis Bocquet et Catel ont illustré, par leur roman graphique Joséphine Baker paru chez Casterman, la vie de cette « première star mondiale noire ». Un Joséphine Baker : une artiste en lutte pour la liberté, de Stéphanie Ledu et Marie Toury, paru dans la collection « Les p’tits docs »chez Milan Jeunesse, fait goûter aux jeunes les actions au sein de la Résistance, lors de la Seconde Guerre mondiale, de cette artiste franco-américaine.
Aussi remarquable est cette chanteuse égyptienne à la voix unique, Oum Kalsoum, morte elle aussi il y a cinquante ans, un 3 février 1975. Par son talent, sa volonté, son charisme, elle a fait dire à l’écrivain Mahfouz : « Les Arabes ne s’entendent en rien, sauf à aimer Oum Kalsoum ». Un roman graphique de Martine Lagardette, Oum Kalsoum, l’arme secrète de Nasser, paru chez Oxymore l’an dernier, nous relate les coulisses diplomatiques d’un événement exceptionnel : le concert unique de la célèbre chanteuse de l’Orient donné à l’Olympia de Paris en novembre 1967.
L’année 2025 est aussi l’occasion de célébrer les cent cinquante ans de la naissance de Carl Jung en Suisse, un 26 juillet 1875. Il est le fondateur de la psychologie analytique, le père de « l’inconscient collectif ». Une réédition chez Albin Michel, dans sa collection « Espaces libres », de L’homme à la découverte de son âme de ce chercheur qui, allant « trop en profondeur », diverge de Freud, nous ouvre les portes de la compréhension des archétypes, des rêves et des mécanismes de projection qui « traduisent nos vies profondes ».
Le cours de Gilles Deleuze sur Spinoza, de novembre 1980 à mars 1981, a fait l’objet d’une publication aux éditions de Minuit l’an dernier. Un Extra-ordinaire abécédaire paru chez L’Harmattan nous introduisait, cette même année 2024, au système de pensée de ce philosophe né à Paris il y a cent ans, un 18 janvier 1925, et mort par suicide en 1995, lui qui a consacré sa vie à conceptualiser l’esthétique. Les PUF (Presses universitaires de France) consacrent, cette année commémorative, un nouveau « Que sais-je » sur Gilles Deleuze, rédigé par Igor Krtolica.
Elle s’avouait plus théoricienne de la politique que philosophe, la réputée Hannah Arendt, morte il y a cinquante ans, le 4 décembre 1975, à New York. Les origines du totalitarisme, l’oeuvre marquante de cette audacieuse penseuse née le 14 octobre 1906 est l’objet, cette année, d’une réédition en trois volumes (Sur l’antisémitisme, L’impérialisme, Le système totalitaire) aux Points. Elle doit fuir le nazisme dès 1933, et évoque par la suite la notion « banalité du mal », qui suscite bien des débats.
L’anthropologue Carlos Castaneda, né au Pérou il y a cent ans, un 25 décembre 1925, nous invitait, dès la fin des années 1950, à ouvrir les portes de la perception par les enseignements chamaniques. Le message de ce praticien des cultures et substances primitives, mort à Los Angeles en 1975, sera largement diffusé lors des décennies suivantes.
« It ain’t over till it’s over » : le gérant des Mets et ancien receveur vedette des Yankees de New York, Yogi Berre, dont nous célébrons, le 12 mai 2025, les cent ans de naissance, prononçait ces sages paroles en 1972. À notre tour de déclarer, en annonçant une autre liste de célébrités (des acteurs et politiciens) à commémorer la semaine prochaine, que ce n’est pas fini tant que ce n’est pas fini.
– Christian Vachon (Pantoute), 12 janvier 2025
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