Il constate que son pays se délabre. Il cogne alors chez ses voisins en quête d’idée de rénovation. Du fruit des pérégrinations européennes de la fin du XVIIe siècle du tsar Pierre 1er, dit le Grand, naît une nouvelle capitale, Saint-Pétersbourg, et une flotte moderne et victorieuse des Suédois. Nous commémorerons le tricentenaire de son décès, le 22 janvier 1725.
Un siècle plus tard, au décès d’Alexandre 1er le 16 novembre 1825, tenace adversaire de Napoléon 1er et instigateur de la Sainte-Alliance en Europe, les Lumières n’éclairent toujours pas la Russie. Le nouveau tsar, Nicolas 1er, réprime même brutalement les tentatives de réformes libérales. Une décennie plus tard, le récit de voyage d’Astolphe de Custine, La Russie en 1839, forge durablement l’image d’un régime tsariste despotique.
Sun Yat-sen, dont nous commémorons le centième anniversaire de décès le 12 mars, tente de moderniser les institutions politiques de la Chine en fondant le Kuomintang. Il parvient même à renverser les Qing, la dernière dynastie impériale, au début des années 1910 en y substituant une république. Sans « mandat du ciel », le résultat, dix ans plus tard, mène au chaos et à un pays ingouvernable.
Son successeur à la tête du Kuomintang, Chiang Kai-shek, dont nous commémorons le cinquantenaire de sa mort le 5 avril 1975, fait figure de « grand perdant de l’histoire », lui qui, face aux troupes communistes victorieuses de Mao Zedong en 1949, part avec les reliquats de son armée se réfugier sur l’île de Formose. Le « généralissime », sous la protection des États-Unis, impose dès lors son carcan autoritaire sur les habitants de la minuscule et aberrante « République de Chine ».
Longtemps à la tête d’un régime autocratique lui aussi, régime qui fut renversé par d’autres despotes en 1974, l’empereur déchu d’Éthiopie, Haïlé Sélassié, prétendument lointain descendant des amours du roi Salomon et de la reine de Saba, décède également cette même année 1975, le 27 août, peut-être par ordre du pouvoir révolutionnaire. Sa dépouille, dissimulée dans les soubassements des toilettes du palais impérial, sera finalement exhumée en 1992.
Aussi tyrannique que le précédent, le surpassant même en brutalité, Franco, « Caudillo » de l’Espagne depuis la fin des années trente, meurt lui aussi cette même année 1975, un 20 novembre, à la suite d’une longue agonie. Son successeur désigné depuis 1969, le roi Juan Carlos, s’appuyant sur une classe moyenne surgie dans les années soixante, mène tranquillement le pays vers une transition démocratique.
Il était un praticien pas ordinaire ce Frantz Fanon, né il y a cent ans, un 20 juillet 1925, à Fort-de-France en Martinique. Il était un psychiatre « à l’écoute des damnés de la Terre ». Dans son Frantz Fanon : une vie en révolutions, publié aux éditions La Découverte l’an dernier, Adam Shatz nous présente le parcours de ce médecin promoteur d’une « psychiatrie désaliénée au service des humiliés », devenant lui-même un « acteur de la lutte anticoloniale ».
Lors de cette même année 1925, un 19 mai, naît Malcolm Little, connu plus tard sous le nom de Malcolm X, ardent combattant des droits civiques des Noirs américains. Il est mort assassiné à Harlem en 1965. Une traduction de son autobiographie posthume doit paraître, cette année 2025, aux éditions Hors d’atteinte. Un Je suis Malcolm X, paru en 2024 chez Bayard jeunesse, narre déjà au jeune lectorat la vie de ce leader de la Nation of Islam au message plus revendicateur et agressif que Martin Luther King.
Né un 20 novembre 1925, Robert Kennedy meurt lui aussi assassiné, trois ans plus tard que Malcolm X, un 6 juin 1968, à Los Angeles, alors qu’il entame sa course à la présidence américaine. L’écrivain français Marc Dugain évoque, dans son roman de 2018, Ils vont tuer Robert Kennedy, un complot lié à des « services secrets britanniques ». Cet homme, réputé plus brillant et énergique que son frère John, est également le père du nouveau secrétaire à la Santé de Donald Trump, Robert Kennedy junior.
Déterminée, comme le précédent, Margaret Thatcher est également née il y a cent ans, un 13 octobre 1925. Elle parvient au pouvoir en Grande-Bretagne en 1979. Les Britanniques vont alors, envers et contre tous, subir une décennie de « thatchérisme », de réformes radicales de l’économie et des mesures sociales. L’héritage, plus de dix ans après le décès, en 2013, de cette Miss Maggie, têtue fille d’épicier, divise toujours autant les commentateurs.
Il suscite également la controverse dès la sortie, en 1915, de son film Birth of the Nation, D.W. Griffith, dont nous célébrons les cent cinquante ans de sa naissance, dans le sud des États-Unis, le 22 janvier 1875. Le pionnier américain du cinéma, décédé en 1948, suscite à la fois l’admiration et l’aversion pour cette œuvre révolutionnant, par le montage et les gros plans, l’art narratif filmique, se voulant aussi glorification des débuts du Ku Klux Klan.
Il dérange également cet autre cinéaste, Pier Paolo Pasolini, qui fut retrouvé assassiné sur une plage d’Ostie, près de Rome, il y a cinquante ans, un 1er novembre 1975. Un roman graphique, L’ange et Pasolini de Denis Gombert et Arnaud Delalande, devant paraître cette année 2025 chez Denoël Graphic, nous fait revisiter cet épisode douloureux, ainsi que d’autres moments de la vie créatrice de cet homme complexe. Dans Polémique, politique, pouvoir, publié aux éditions Critiques l’an dernier, l’importun réalisateur, accusé d’obscénité, échange avec son collègue Gideon Bachmann sur leurs thèmes de prédilection : l’art, la poésie et la religion. Ces sujets sont fort bien mis en valeur, également, par Christophe Balagna dans ce L’humain et le sacré selon Pier Paolo Pasolini, édité en cette même année 2024 aux Presses universitaires de l’Institut catholique de Toulouse.

Tout aussi déconcertant par son style cinématographique est Robert Altman, dont nous célébrons, le 20 février, les cent ans de sa naissance à Kansas City. Il nous étourdit avec ses dialogues se chevauchant, ses scènes sautant d’un personnage à l’autre. N’importe, cet artiste subversif, décédé en 2006, dédaigneux des impératifs commerciaux, mais dont le M.A.S.H. connaît un immense succès populaire, est à remercier pour nous avoir légué ne serait-ce que son Nashville, une œuvre franchement percutante.
Davantage coup de poing, ne mentionnons que son explosif Wild Bunch, est la création de cette autre cinéaste américain, Sam Peckinpah, né également il y a cent ans, un 21 février 1925. Génie du montage, laissant pantois par ses scènes d’action, la « violence créative » de ce réalisateur hors pair influence une multitude de ses confrères et consoeurs depuis les années 1970.
Il ne participe à aucun des films de Peckinpah ce trop adorable Paul Newman, né lui aussi il y a cent ans, un 26 janvier 1925. Notre « Reggie Dunlop » national, aux irrésistibles yeux bleus, narre ses souvenirs dans cette Vie extraordinaire d’un homme ordinaire, édité à la Table ronde l’an dernier. Un Paul Newman de James Clarke, qui va bientôt paraître chez l’Imprévu, raconte également la carrière de cet inoubliable héros de Cool Hand Luke et Butch Cassidy and The Sundance Kid à qui l’on pardonne tout.
Aussi séducteur que le précédent et sachant aussi bien performer en play-boy, Tony Curtis, né Bernard Schwartz un 3 juin 1925 à New York (il décède en 2010), fête lui aussi ses cent ans. Il a été vu aux côtés de Roger Moore dans une série télévisée, Amicalement vôtre, puis a incarné un être troublé dans des films tels Sweet Smell of Success ou Spartacus. Marié pendant plusieurs années à la talentueuse Janet Leigh, ils auront une fille tout aussi brillante, la comédienne Jamie Lee Curtis.
Partenaire illustre de l’acteur précédent dans le merveilleux Some Like It Hot de Billy Wilder, Jack Lemmon, né lui aussi en 1925, un 8 février cette fois, excelle dans les rôles de « middle-class everyman » grâce à son physique banal. Nous pouvons notamment penser à son rôle brillant dans The Apartment du même Wilder. Il est aussi ce personnage anxieux, opposé à plusieurs reprises (The Fortune Cookie, The Odd Couple, …) à l’arrogant et superbe Walter Matthau.
Rock Hudson, né également en 1925, fait face, lui, à l’ingénue et insurmontable blonde Doris Day dans de délicieuses comédies romantiques des années 50 et 60, comme Pillow Talk et autres. Révélant son homosexualité dissimulée tout au long de sa carrière, son décès du SIDA en 1985, sera largement commenté.
Conquis par sa dégaine unique dans son rôle muet du High Noon (1952) de Fred Zinnemann, Sergio Leone permet enfin à un Lee Van Cleef dans la quarantaine (il est né il y a cent ans un 9 janvier 1925), à la carrière déclinante, de connaître enfin le succès avec ses apparitions dans Et pour quelques dollars de plus et Le Bon, la Brute et le Truand. Sur la tombe du comédien, décédé en 1989, est inscrit cet épitaphe fort juste : « Best of the Bad ».
« Best of the Ugly » aurait-on pu graver sur le tombeau de cet acteur francophone au physique ingrat, mais à la voix porteuse, vedette de La beauté du Diable de René Clair, Michel Simon, mort il y a cinquante ans, un 30 mai 1975. Exubérant dans le Boudu sauvé des eaux de Jean Renoir et émouvant dans Le vieil homme et l’enfant de Claude Berri, ce puissant comédien est né un 9 avril 1895 en Suisse.
Grand acteur shakespearien à la douce voix, Richard Burton est né il y a cent ans, le 10 novembre 1925 au Pays de Galles. Il fait fréquemment et injustement les manchettes par sa vie tumultueuse (deux mariages, dont le premier à Montréal en 1964, et deux divorces) et pas trop intime avec Elizabeth Taylor. Les Carnets intimes de l’amoureux de Liz, traduit chez Séguier en 2020, nous révèle un homme tourmenté, brisé par l’alcoolisme, mais apte à porter un regard ironique sur Hollywood.
Aussi énigmatique que son personnage de jardinier souffrant d’insécurité du Being There de Hal Ashby, Peter Sellers, né lui aussi il y a cent ans, un 8 septembre 1925 à Portsmouth en Angleterre, mena la vie dure à ses proches. Nous ne nous lassons jamais, toutefois, d’apprécier et de revoir ses multiples prestations comiques délirantes de cet acteur caméléon mort en 1980, que ce soit dans The Party ou Dr. Strangelove.
Il nous épate par ses talents acrobatiques dans son numéro du « Make ‘Em Laugh » du film Singin’ in the Rain, cet autre grand virtuose de la comédie, Donald O’Connor, est également né il y a cent ans, un 28 août 1925 à Chicago. Il fallut trois jours de repas à ce génial bouffon, décédé en 2003, pour se remettre de cette production stupéfiante.
Il en impose uniquement par sa prestance, tant dans On the Waterfront que dans In the Heat of the Night, cet autre comédien américain, Rod Steiger, formé à l’Actor’s Studio, est également né il y a cent ans, un 14 avril 1925. Cherchant « à faire vrai » dans le Dr. Jivago de David Lean, il va toutefois, de manière inexcusable, brutaliser sa jeune partenaire Julie Christie.
Cent ans, lui aussi, aurait eu Johnny Caron, né un 23 octobre 1925 et mort en 2005, incontestable icône de la télévision américaine des années soixante à quatre-vingt avec son Tonight Show. Le « Here’s Johnny » d’ouverture du show télévisé connaît une postérité, remercions-en Jack Nicholson et le Shining de Kubrick, encore plus remarquable.
Il va peut-être fêter ses cent ans de son vivant, le 13 décembre prochain, le comédien Dick Van Dyke né en 1925. Il est, dans les années soixante, l’heureux partenaire de Mary Tyler Moore dans son louangé Dick Van Dyke Show, tout en étant énormément apprécié par ses numéros dansants et chantants dans les comédies musicales Mary Poppins et Chitty Chitty Bang Bang.
Soufflera-t-elle aussi les cent chandelles de son gâteau anniversaire, l’actrice June Lockhart, née le 25 juin 1925 ? C’est elle, la maternelle Dr. Maureen Robinson de cette série télévisée culte des années soixante Lost in Space. Cette native de New York entame une carrière théâtrale dès l’âge de huit ans, faisant ses débuts au cinéma dans A Christmas Carol il y a près de neuf décennies, en 1938.
– Christian Vachon (Pantoute), 19 janvier 2025
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