« Élémentaires mon cher Watson ! » : cette formule parait tellement indissociable du personnage de Sherlock Holmes. Pourtant, il ne l’a dit, nulle part, dans les 56 nouvelles, et quatre romans, écrits par son créateur Arthur Conan Doyle.
Cette vérité d’évidence, qui n’en est pas une, est répétée cent fois, mille fois, par habitude, parce qu’elle est belle, tout comme cette légende d’un Molière mort sur scène (il décède dans son lit, vingt deux heures après la quatrième représentation du Malade imaginaire), ou d’un orchestre du Titanic jouant Plus près de toi mon Dieu au moment du naufrage ( tout ce dont se rappellent les survivants, c’est qu’il exécutait du ragtime et la mélodie Autumn).
L’érudit Patrice Louis passe au crible quelques-unes (plus de soixante-dix cas) de ces évidences aussi fausses que des calendes grecques (le mot est latin, en fait, remonter aux calendes grecques, c’est remonter à une époque qui n’existe pas) dans C’est beau, mais c’est faux, une réédition, chez Arléa, de ce charmant exercice si simple, et pas du tout cruel (les affirmations, paraissant tellement vraisemblables, qu’il rectifie, ont comme seul tort d’être nullement fondées), de démystification, publié, une première fois, en 2003. Et que ce soit bien entendu, « une fois lues, ces corrections doivent être aussitôt oubliées ! ».
Sachez donc, avant d’en perdre le souvenir, que la mesure d’un marathon (42 kilomètres 195) n’est pas celle entre cette ville du même nom, en Grèce et Athènes, mais la distance, en Grande-Bretagne, entre le château de Windsor et le Stade olympique de Londres (telle qu’établie lors des Olympiques de 1908) ; que le béret basque a pour origine le Béarn (les bergers de l’endroit les tricotent depuis le XVe siècle) ; que le « fleur de lis », emblème des rois de France, n’a aucun rapport avec le végétal (il s’apparente, plutôt, à un volatile) ; que le vaisseau de Paris ne flotte pas (le « fluctuat », de la devise parisienne « fluctuat nec mergitur », ne veut pas dire « flotte » mais « il est battu par les flots ; que Chauvin, ce patriote excessif du temps de Napoléon, n’est sans doute que pure fiction, il fait même sa première apparition, dans un récit imaginaire, vingt-cinq ans après les guerres napoléoniennes ; que Dupont est loin d’être le nom le plus courant en France, il n’est que le vingt-deuxième (derrière Martin, Bernard, Thomas,…). Sachez, aussi, que 50% des Français ont un nom porté par moins de dix personnes.
Le « Et nous avons des nuits plus belles que vos jours » est un splendide alexandrin de Racine, mais il ne se retrouve dans aucune de ses tragédies (il imagine ce vers dans une lettre écrite en 1662), tout comme vous ne trouverez nulle part, dans le Cid de Corneille, les yeux de l’héroïne Chimène «exprimant l’amour » (ses yeux, en fait, ne sont appelés à témoigner que par deux fois, et nullement pour se montrer « énamourés »).
Les mots ont souvent l’origine nomade. Gadget n’a rien d’anglais (il est purement français), tout comme ces faux emprunts à l’anglais smoking (c’est un « evening jacket », en Grande-Bretagne, et un « tuxedo », aux États-Unis), lifting (« face-lift »), pull-over (« sweater »), camping-car (« motor-home »), happy-end (« happy ending »). La langue espagnole connait bien un « torero » et un « matador », mais ignore l’existence d’un « toréador », et si « mousmé » sonne arabe, c’est un mot japonais, usité par Pierre Loti.
Grigri, non plus, n’a rien d’africain. En fait, son origine est, pour l’instant, inconnue, comme ces autres mots sans paternité : anaconda, bigoudi, cloporte, gigolo, pantoufle, simagrée, turlutte, …
Une décade, c’est dix jours, pas dix ans, et des croque-morts ça s’assurent de bien faire disparaitre les défunts, sans, toutefois, mordre leurs orteils (le « croque » de croque-mort renvoie à son sens original : « voler », « escamoter », « subtiliser »).
Patrice Louis doute, également, de profiter de soldes avantageuses cette année (parce que ce « solde » est masculin –le « solde » féminin désigne le salaire des militaires), et nous invite à ne pas se fier à notre mémoire pour « commémorer les anniversaires », car vous commettez un pléonasme, une répétition inutile (autres crimes du genre ; « prévoir l’avenir », « consensus général », « panacée universelle », « grotte souterraine » , « gai luron »,…). On commémore un événement, et on célèbre un anniversaire.
Déclarez ces impôts, c’est un méfait grave. C’est une formule fautive, une hypallage (attribuer à certains mots d’une phrase ce qui convient à d’autres). Ce sont les revenus qui se déclarent, tout comme on réussit à un examen (et non un examen), on soigne un malade (et non une maladie), et on rend la vie à quelqu’un (et non rendre quelqu’un à la vie).
Enfin, qui saura, un jour, faire rimer le mot « triomphe » ? Prêt à entrer dans la légende ?
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