Des Plouffe aux Têtes à claques, la jubilante célébration de notre patrimoine télévisuel

Christian Vachon - 4 janvier 2021

Un énorme vide de notre historiographie est enfin comblé grâce à cette parution automnale, chez Fides, d’Une histoire de la télévision au Québec, fruit d’un immense labeur de Sophie Imbeault, enfant de la génération Passe-Partout, amoureuse folle de la série Duplessis.

L’historienne nous conte, en cinq chapitres, illustrés de plus d’une centaine de photos d’émissions phare, l’émergence de cette télévision québécoise, partie de rien en 1952, avec ses pionniers partant faire leur apprentissage à la BBC, en y retenant, surtout, que faire de la télé c’est vivre dans un état de qui vive continuel.

Elle est tout de même devenue, cette télévision, « le passe-temps préféré des Québécois », gavant notre mémoire collective de «Lyne-la-pas-fine », de fine cuisine d’Henri Bernard, de délires chromatiques de vestons de Mario Duquette.  Dès le début des années 60, 90% des foyers possèdent un téléviseur. Ciné-cadeau, pour les enfants, Bye Bye, pour les adultes sont des incontournables annuels.  Un gars, une fille, adapté dans près de trente pays, est devenue l’émission adaptée la plus exportée au monde.  On s’extasie devant les audaces d’un Minuit, le soir, d’une Série noire.  Cette télévision nous rend fiers.

Sophie Imbeault rend hommage à différentes personnalités, plus d’une soixantaine, qui, par leurs talents variés, « dans l’ombre ou à l’avant-scène », ont œuvré à faire une télévision qui se démarque d’ailleurs, les Janette Bertrand, Jean Duceppe, Bernard Derome, bien sûr, mais aussi le compositeur Herbert Ruff (1918-1985), créateur de mémorables musiques d’émissions pour enfants (Fanfreluche, Nic et Pic, …),  le comédien Léo Ilial (1933-1996), présent dans de multiples téléromans à saveur historique, ou autres (Les forges de Saint-Maurice, Les Berger, La Maison Deschênes,…), l’artisan Yvon Trudel (1934-2018), débutant, à Radio-Canada, en 1954,  comme commis de bureau, puis passant cameraman, et qui œuvre après, dans les années 80, à la réalisation du Temps d’une paix, avec le succès que l’on sait, le polyvalent Paul Houde, capable, avec brio, d’être tour à tour comédien, animateur et commentateur sportif, nous déridant à chacun de ses passages à 3600 secondes d’extase.

Des « Le saviez-vous ? », disséminés un peu partout dans cet attrayant album de 500 pages, nous offrent, entre autres, la nomenclature de « quelques expressions ou patois » de personnages de séries télé « passés dans le langage populaire » : «viande à chien », « Sainte-Fesse », « Cârosse », « Shit, Lola », et nous remémore ce temps où, en 1985, avec ses 1 038 000 auditeurs, Les Moineau et les Pinson était l’une des émissions préférées des Québécois.

Elle nous gâte, Sophie Imbeault, lorsqu’elle clôture chacun de ses chapitres par un petit encadré contenant d’ineffaçables ritournelles publicitaires de l’époque : « Pop-sac-a-vie-sau-sec-fi-co-pin », « Oui… Steinberg est de votre côté ! », « Allez Hop ! Cascade », « Mais où est Gaston? Il est parti prendre son Bovril ! », « Grosse cervelle, p’tite Tercel ! ».

Mais surtout, surtout, bénissons tout Sophie pour son remarquable répertoire –l’ouvrage fera référence- de plus de six cents émissions québécoise, qu’elle liste de façon chronologique, en incluant les années de diffusion, et une présentation sommaire, mais consistante, des sujets ou intrigues de celles-ci,  Et elle ne s’en tient pas qu’aux téléromans ou séries (Chambres en villeUnité-9, …), elle détaille les émissions jeunesse (Pop Citrouille, Watatatow,…), les émissions sportives et culturelles (La Bande des six, 110%, …), les émissions de variété et les jeux télévisés (Le Banquier, La fin du monde est à 7 heures,…), les émissions d’information, d’affaires publiques et de services (La semaine verte, La facture,…).

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Henri Bergeron anime l’émission ‘Les Beaux Dimanches’ de 1966 à 1983

 

Des lots d’images, de souvenirs, emmagasinés dans les pages de ce splendide bouquin.  Il n’appartient qu’à vous de les libérer.  J’en ai fait l’agréable expérience.  Moi qui appartiens à la génération Bobino, la première à être entièrement élevée « devant » la télé, celle qui voyait s’ouvrir les ailes du papillon de Radio-Canada, j’ai revu, avec bonheur, Les Beaux dimanches (1966-1984), Quelle famille (1969-1974)et le chien Macaire, Rue des Pignons (1966-1977) et la famille Jarry, Le Travail à la chaîne (1972-1981), Boubou (1971-1974) nous distrayant la semaine, à l’heure du dîner,  Pierre Nadeau nous initiant, dans son 60 (1972-1977), à l’actualité internationale.

Mais je n’y retrouve pas ni Les enquêtes Jobidon, avec le duo de détectives Marc Favreau et Yvon Dufour, ni cette émission de vulgarisation scientifique, destinée aux jeunes, Tour de Terre, avec Lise Lasalle et Jean Besré, qui enchanta mes samedis matin.

C’est que l’autrice a dû faire des choix.  Ce recueil ne prétend pas être exhaustif.  Un jour, peut-être, quelqu’un d’autre mènera à bout cette tâche.

Il est dommage, également, de ne pas connaître le nombre d’épisodes des téléromans ou séries.  Rappelons, à ce sujet, qu’une grande partie du patrimoine télévisuel, d’avant les années 80, est disparu à jamais.  Faute d’espace, et pour économiser, on effaçait presque tout pour récupérer les bandes.  Il n’existe, par exemple, plus aucun épisode complet de la série fétiche de Télé-Métropole, de la fin des années soixante, Cré Basile, avec Olivier Guimond et Denis Drouin.

Enfin, notre nostalgie télévisuelle inclut bien des images venues d’ailleurs, de France, du Japon, de Grande-Bretagne, des États-Unis.  Un Monde merveilleux de Disney a illuminé mon enfance.  Mais on contera cela une autre fois.

Histoire

Une histoire de la télévision au Québec

Sophie Imbeault - Fides

Le scénario est prêt, les décors sont en place. Entrez dans les coulisses d'un patrimoine incomparable, la télévision, qui a connu des débuts remarqués au Québec le 6 septembre 1952. Le temps de quelques pages, revivez avec nostalgie la magie de ces images qui se veulent éphémères, mais qui ont pourtant fait date.

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