Dire oui à Parizeau

Christian Vachon - 18 avril 2023

Jacques Parizeau se vend-il bien ? C’est à quoi, entre autres, s’interroge le professeur Alain Lavigne, fervent explorateur depuis plus de dix ans de la communication électorale des politiciens de notre passé récent (Duplessis, Lesage, Bourassa, Lévesque). Dans ce merveilleux petit essai illustré, publié cet hiver 2023 chez Septentrion, nous devenons acheteur de ce soi-disant « mal aimé » de la vie politique québécoise. Parizeau : oui au marketing d’un pays réussit ce tour de force en moins de deux cents pages !

Car, en plus des mémorables slogans et pièces publicitaires (couvrant six élections et deux référendums) présentés dans ce copieux bouquin, Alain Lavigne nous fait apprécier le parcours d’exception de Jacques Parizeau, de l’homme et des ses idées, entre son arrivée au Parti québécois en 1969 et le référendum de 1995. Ces slogans, rappelons-le, sont signes d’une orientation politique ferme : souvenons-nous des « On a besoin d’un vrai gouvernement » et du mélodieux jingle « À partir d’aujourd’hui demain nous appartient » de Stéphane, lors de l’élection de 1976;  du « Oui et ça devient possible » et des affiches avec la marguerite, entre autres, symbolisant cette possibilité, au moment du référendum en 1995.

L’ouvrage se divise en deux grandes parties : une première, de 1969 à 1984, s’achevant par son « Non » ferme, menant à son départ du gouvernement au choix du « beau risque ». La seconde, « Le retour », va de l’élection de 1987 au référendum de 1995. Nous faisons d’abord connaissance avec Parizeau, le bras droit de René Lévesque, « le second ». L’appellation « Monsieur », qu’on lui applique fréquemment, ne vient pas de cette « hauteur élitiste » qu’on lui attribue, mais de ce titre attribué au frère du roi Louis XIV, « le second personnage de la cour », le « bon soldat » obéissant, acceptant les compromis, non sans maugréer toutefois. Il se résigne notamment à mettre en sourdine, au temps de l’étapisme, du « chaque chose à son temps », l’option de la souveraineté, bien qu’il n’hésite souvent pas d’en parler ouvertement dans son comté.

Une photo en noir et blanc de Jacques Parizeau en 1976. L'homme est assis, le visage accoté sur ses mains. Ses mains sont croisées et ses deux index reposent sur sa bouche.
Jacques Parizeau en 1976.

Nous adorons surtout ce Parizeau, « l’intellectuel » misant d’abord sur le contenu plutôt que le contenant (« les idées mènent le monde »), finissant tout de même par reconnaître « que l’image en politique constitue, à certains moments déterminants, un ingrédient essentiel de l’activité politique ».

Il en devient largement conscient lors de son retour en politique, suivant les conseils de sa nouvelle épouse Lisette Lapointe, désireuse de transformer « son homme », sa « petite veste » de banquier prospère. Il consent même, deux jours avant le référendum du 30 octobre 1995, à ce qu’un numéro de l’hebdo grand public Dernière heure soit consacré à sa vie privée avec, en page couverture, La vie amoureuse de Jacques Parizeau : « Il m’a séduite avec un gigot d’agneau ».

Il y a, enfin, lors de cette campagne référendaire, ce Parizeau prêt à payer le prix de l’effacement, acceptant de s’éclipser face au « conciliant et rassurant » Lucien Bouchard, ce garant du maintien du lien avec le Canada après la souveraineté. Cela démontre sa lucidité sur son allure de « grand conquérant ».

Bien sûr, impossible d’oublier ce Parizeau mal à l’aise avec la rectitude politique (une attitude « qui empêche de bouger ») contre laquelle il s’est toujours opposé, un comportement qui, par un discours où il est question d’argent et de votes ethniques, va lui faire rater sa sortie politique.

Malgré tout, Alain Lavigne nous vend fort bien ce Parizeau, curieux mélange de « patriote de l’ancienne vague » et « d’économiste technocrate », de « faux-snob », inventeur d’une langue dite « parizienne ». C’est cette langue, justement, qui lui permet de faire jaillir, lors d’une prise de bec avec un ministre libéral, une « auto-pelure-de-bananiser », qui est capable de transformer un discours du budget « en véritable spectacle, voire une œuvre littéraire ». Parizeau, c’est ce « faux-humble » qui, malgré les obstacles, ne s’est jamais détourné de ses idéaux de « compétence, d’énergie, et de clarté ».

Oui, il est possible d’aimer Jacques Parizeau.

– Christian Vachon (Pantoute), 16 avril 2023

Essais québécois

Parizeau

Alain Lavigne - Septentrion

Jacques Parizeau a été de tous les épisodes du marketing de l'indépendance. Avec Lévesque, il incarne la crédibilité économique du projet de souveraineté. Il fait sa marque par sa compétence et sa clarté. Devenu premier ministre, il ajoute à ces qualités le leadership et le caractère. Parizeau accepte de se conformer à toutes les règles de la joute politique. Il écoute ses stratèges, mais jamais au prix de la création d'un Parizeau «robotisé» et de la rectitude politique. Alain Lavigne dévoile comment ont évolué le marketing de la souveraineté et celui de la marque Parizeau entre son arrivée au Parti québécois, en 1969, et le référendum de 1995.

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