Du vert-de-gris dans les Prairies

Christian Vachon - 19 mai 2022

              Il éveille, non sans raison, la curiosité, ce suspense du Canadien Wayne Arthurson Les traîtres du camp 133 (une traduction de Traitors of camp 133). Édité cet hiver chez Alire, ce récit fait toute la lumière sur cet épisode obscur de notre histoire :  plus de 35 000 prisonniers de guerre allemands, portant leur mémorable uniforme vert-de-gris, furent internés au Canada lors de la Seconde Guerre mondiale.

             Un essai, d’ailleurs, Trop loin de Berlin : des prisonniers allemands au Canada, d’Yves Bernard et Caroline Bergeron (Septentrion, 1995), nous avait fait revivre, à l’aide de nombreuses photos, documents et témoignages des survivants de ces camps, cet aspect méconnu de la guerre. On y apprend, entre autres, que plusieurs centaines de ces détenus furent hébergés, de l’été 1940 à l’hiver 1941, au site de Cove Field, sur les Plaines d’Abraham de Québec. Douze mille autres prisonniers furent envoyés, « loin de Berlin », dans l’Ouest canadien, aux environs de Lethbridge, en Alberta, recréant, là-bas, au camp 133, une ville allemande, une ville où ils gèrent les choses à leur façon, même la justice.

           Au cours de l’été 1944, donc, lorsqu’un officier est retrouvé mort, pendu (suicide ou meurtre ?), dans un baraquement de ce camp, c’est le sergent Neumann, un soldat allemand, autrefois policier de son patelin, qui, en tant que chef de la sécurité civile, mène l’enquête.

          Neumann ne souhaite pas faire de vagues, prenant garde, surtout, à ne pas attirer l’attention des autorités canadiennes, mais les circonstances déroutantes du décès du capitaine Mueller suscitent bien des remous, attisant les sempiternelles rivalités entre vétérans des campagnes d’Afrique et héros de la guerre sous-marine, semant même l’inquiétude chez des compatriotes à la loyauté confuse :  une poignée de soldats de l’Afrika Korps qui portaient, il y a peu, l’uniforme de la Légion étrangère française.

         Poursuivant ses recherches, le sergent Neumann va, peu à peu, soupçonner qu’un questionnement :  « qu’est-ce un bon Allemand ? » est intimement lié à la mort suspecte de l’officier, un questionnement ne laissant tout  particulièrement pas indifférent l’organisation SS omniprésente dans le camp.

       Il y a un potentiel emballant dans ce Traîtres du camp 133.  Dommage qu’une intrigue poussive, une tension inexistante, des dialogues fades et des personnages ternes mènent à un résultat guère éclatant.  Bref, un polissage supplémentaire aurait permis à ce « huis clos singulier » de briller davantage.

Roman policier

Les traîtres du Camp 133

Wayne Arthurson - Alire

Lethbridge, Alberta — juin 1944 Dans les camps de prisonniers de guerre des Prairies, ce sont les détenus eux-mêmes qui, sous la surveillance des gardes canadiens, gèrent les lieux dans le respect de la hiérarchie allemande. C’est ainsi que le sergent Neumann, est chargé d’éclaircir le meurtre – malhabilement camouflé en suicide – du capitaine Mueller qu’on a retrouvé pendu. Accompagné de son adjoint, le caporal Aachen, Neumann constate rapidement que la mort de Mueller attriste bien peu de ses compatriotes, car le capitaine était un fieffé communiste qui, en dispensant des cours de mathématiques aux jeunes soldats, en profitait pour remettre en question les stratégies militaires du Führer…

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