Gros tracas, au début des années 1670, au sein de la jeune colonie de la Nouvelle-France : les bonnes terres se font rares autour de Québec. Le temps n’est-il pas arrivé d’établir de nouvelles seigneuries de l’autre côté du fleuve ? L’occasion est favorable : la zone est « sécurisée » depuis cette paix relative avec les Iroquois. Bien des vétérans du régiment de Carignan-Salière, désireux de refaire leur vie ici, sont à la recherche de terres, et, surtout, on peut compter sur des arrivages massifs de « filles à marier », plus d’une centaine par années, entre 1669 et 1671, pour en assurer le peuplement.
Les Filles du Roy : pionnières des seigneuries de la Côte-du-Sud, une publication conjointe de l’éditeur Septentrion et de la Société d’histoire des Filles du Roy, nous dévoile le destin d’une trentaine de jeunes femmes qui peuplèrent ce territoire.
Fouillant les registres paroissiaux, les vieux fonds de notaires, ou, parfois, les archives judiciaires, Gabrielle Dussault, Yves Chevrier, Nicole Gélinas, Madeleine Baillargeon, et d’autres passionnées de généalogie et d’histoires régionales, nous décrivent, en une dizaine de pages, le cheminement de chacune des trente-sept « filles à marier ». De Marie Ariot à Marie Vauquet qui, avec leurs époux, tentent « d’ouvrir » ce pays à la colonisation, de Beaumont, à Rivière-du-Loup. Mission rude : « la forêt recouvre tout ». Mission accomplie : en 1709, il y aura plus de 150 familles installées sur ces seigneuries, à La Durantaye, Berthier-sur-Mer, Kamouraska, Île-aux-Grues, et autres endroits.
Elles se marièrent (plus d’une fois), ces filles, et eurent pour la plupart de nombreux enfants (six à sept, en moyenne). Mais furent-elles heureuses, comme dans les contes de fées ? Difficile d’en juger.
Les Filles du Roy, pionnières des seigneuries de la Côte-du-Sud est d’abord, comme les titres précédents de cette collection, un outil inestimable pour les amateurs de généalogie, répertoriant, sur trois générations, la descendance de ces femmes (elles vont avoir 1 306 petits-enfants, et 7 176 arrière-petits-enfants). De plus, à la fin du volume, un index des noms des descendants et descendantes de chacune des filles facilite le travail des chercheurs et chercheuses.
De ces femmes, souvent orphelines de pères, et ne sachant pas écrire, nous ne connaissons finalement, à part les noms de leur vaste progéniture, que la date de naissance (et ce n’est pas le cas de tous), l’année de leur arrivée en Nouvelle-France, et les biens immobiliers au moment de leur décès.
Mais, ici et là, se pointe de l’inattendu, du particulier, du remarquable : une Jacqueline Michel mariée à un André Mignier dit Lagacé, ancien soldat surnommé « La Gachette » ; une Jeanne Savonnet qui va engendrer des enfants de trois lits différents (quatre de son premier mari Jean Soucy dit Lavigne, six de son second Damien Bérubé, et un de son troisième époux François Miville) ; une Catherine de Baillon et une Marie Pasquier de Franclieu portant le titre de « demoiselle de qualité » à leur arrivée dans la colonie. Il y a également une Catherine Bruneau donnant naissance « en un lieu indéterminé » à une fille illégitime ; une Françoise Grossejambe, vivant avec son époux Julien Boissy à la seigneurie de La Durantaye, qu’une dispute de voisinage va obliger, avec leur famille de dix enfants, à déménager à Québec ; une Henriette Cartois se remariant à deux reprises, prompte à en découdre avec les tribunaux (dix-huit plaintes, entre 1674 et 1701, devant la Prévôté de Québec : des mésententes sur des truies, des pots à confitures, etc.).
Vie mouvementée, aussi, que celle de Marguerite Roussel. Résidente de l’île aux Oies, remariée en 1682 à un Étienne Burel (après le décès de son époux Mathurin Duchiron dit Deslauriers), cette dernière va quitter l’île pour s’établir à la basse ville de Québec, puis repartir en 1700, vers la Louisiane, avec son nouveau conjoint, étant bannie de Québec « pour toujours, sous peine de fouet », suite à une condamnation pour insultes et violence.
Certaines, parmi ces trente-sept femmes, ne parvinrent pas à peupler la Côte-du-Sud. Deux d’entre elles, Anne Barillet et Catherine Poisson, décédèrent peu de temps après leur arrivée, sans descendance.
Et trois de ces « filles » : Catherine Beuzelin, Marie-Madeleine Routy et Marie Vauquet , renoncent, repartent en France.
On les néglige trop souvent ces 10% des « filles à marier » qui « brisent le contrat », et parviennent à payer l’onéreux billet de retour. Il faut avoir une certaine dose de courage pour admettre un échec, refuser un destin de « pionnière ».
Les Filles du Roy : pionnières des seigneuries de la Côte du Sud
Qui sont ces jeunes femmes majoritairement pauvres et orphelines qui, entre 1663 et 1673, ont quitté la France et bravé la mer sur de frêles navires à voile pour venir se faire une vie dans cette lointaine Nouvelle-France ? Parmis ces femmes, certaines ont osé remonter le fleuve pour venir s'établir un jour sur la Côte-du-Sud. Arrivées dans le cadre du seul programme mis en place par la France pour peuple le Canada, elles font ici l'objet d'un recueil qui expose ce qu'a été leur vie en ce pays. Ce livre lève le voile sur ces « mères de la nation », femmes invisibles dans l'histoire, qui, avec d'autres pionnères, ont contribué à peuple et à développer l'Amérique française.
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