Tabous, fantasmes, préférences : tout est affaire de culture. D’un continent à l’autre, d’un pays à l’autre, d’une région à l’autre, les jeux de l’amour divergent ; à tel endroit, on tolère encore la zoophilie, à tel autre, les femmes peuvent avoir plusieurs maris. « Et vous, dans votre coin, comment pratiquez-vous l’amour ? ».
Le journaliste scientifique Antonio Fischetti pose cette question indiscrète partout dans le monde, allant d’étonnement en étonnement. Toutes sortes de particularités sexuelles existent sur la planète et ces dernières en disent un brin sur les sociétés. « En fait », souligne-t-il, « pratiques et positions sont à peu près universelles. Mais si les ingrédients sont toujours les mêmes, la façon de les accommoder est infinie ».
Cet explorateur de l’intime nous en livre un incontestable constat dans Sac à dos et libido. Les pays racontés par leur sexualité. Publié cet automne 2022 chez JC Lattès, ce recueil actualisé d’une quarantaine de ses brèves chroniques, rédigées depuis une dizaine d’années pour le magazine AR, offre un tour du monde, plus que coquin, de la géographie sexuelle.
Fischetti entame son voyage en Europe, alors qu’on visite, en Islande (« À Reykjavik, tout tout tout sur lezizi »), le « Phalloligical Museum », le seul musée, au monde, fondé en 1991, consacré au phallus. Du pénis de l’éléphant, à celui d’une baleine, « on va de surprise en surprise ».
Décomplexés, les Européens ? Les Allemands, du moins : ils pratiquent le naturisme depuis une centaine d’années (« Allemagne : tous à poil »). La Fédération allemande de naturisme, créée en 1918, est la plus ancienne du monde.
En Italie, par contre, on calme les ardeurs. Un mur sépare encore, sur la plage, à Trieste sur la côte Adriatique, les hommes des femmes (« Italie : plage à part à Trieste »). Les femmes aiment bien ; cet « espace de liberté » leur permet d’échapper aux dragueurs.
Ailleurs aussi, sur le continent, on entrave la libido. Aux Pays-Bas, depuis 2018, des groupes militants veulent virer les prostituées du célèbre « Red Light District » d’Amsterdam (« À Amsterdam, le quartier rouge menacé »), tandis que le Danemark a cessé, depuis 2015, d’autoriser les relations sexuelles avec les animaux (« Les militants de la zoophilie »). Cette pratique reste, toutefois, permise ailleurs dans le monde, notamment au Mexique, au Japon, et, surtout, au Brésil, « le plus gros producteur de vidéos pornos animaliers ».
L’Asie offre, aussi, bien des attraits pour quiconque sachant apprécier les jeux de l’amour. C’est quelque part, dans les hauts plateaux de l’Himalaya, qu’on peut dénicher le sublime aphrodisiaque, le yarsagumba, une brindille de quelques centimètres de longueur, « le produit naturel médical le plus cher du monde », dangereusement surexploité (« Baisse de régime pour le viagra de l’Himalaya »).
Et Thaïlande, après un perturbant détour à Pattaya (« Pattaya, le Las Vegas du sexe » : « un spectacle qu’on n’oublie pas : on peut être dégoûté, on peut aussi être fasciné, voire les deux à la fois »), une chambre vous attend, à un hôpital de Bangkok, pour une chirurgie sexuelle (« Thaïlande : le pays des transsexuelles »), ou pour un blanchiment, par faisceau laser, de votre pénis.
D’autres pratiques singulières se rencontrent sur le continent asiatique. La polyandrie (« Plusieurs maris pour une femme ») existe au Tibet (ce n’est, toutefois pas, « une femme qui profite de plusieurs hommes, mais plusieurs frères qui partagent la même épouse »), tandis que chez les Na, une ethnie du contrefort de l’Himalaya chinois, règne une société matrilinéaire où les femmes, même dans le jeu de la séduction sexuelle, « ont toujours le dernier mot » (« Chine : la femme reine chez les Na »).
Enfin, dans certains endroits, au Japon, en Indonésie, en Corée du Sud, les femmes « ayant des difficultés à travailler » peuvent bénéficier de congés menstruels.
En Afrique, comme ailleurs, les jeux de l’amour varient d’une région à l’autre. Au Rwanda, entre autres, « il faut que le vagin vibre, l’homme doit faire jaillir l’eau », l’eau sacrée des femmes « qui a donné naissance au lac Kivu », sinon il sera frustré « et sa partenaire sera vexée ». À d’autres endroits sur le continent, au Cameroun, en Afrique du Sud, on encourage une intimité féminine « dénuée de la moindre humidité », un « dry sex » (« Le sexe à sec »), un type de rapport où les femmes, pour assécher leur vagin, utilisent des techniques « très agressives » pour « augmenter le plaisir de l’homme ».
Si en Colombie (« Quinze ans l’âge de féminité ») une fête, la « quinceanera » sert à célébrer ce passage où la jeune fille, à quinze ans, peut « officiellement » se comporter comme une femme, un rite moins encadré, mais tout aussi populaire, et autant chez les jeunes garçons que les jeunes filles, persiste aux États-Unis, pour fêter en grande pompe, et bien arrosé d’alcool, cette arrivée à l’âge adulte : le « Spring Break » (« Sea, sex and gueule de bois »).
Et lorsqu’il s’agit de trouver une épouse, les hommes du Caucase ont une bien étrange, et choquante, façon d’y parvenir : il la kidnappe tout simplement (« Caucase : la mariée était volée »). Certes, c’est souvent un jeu, mais pas toujours. Au Kirghizistan « 22% des femmes affirment avoir été kidnappées par des hommes qu’elles ne connaissent pas ».
Finalement, guide attentionné, Antoine Fischetti invite le voyageur à se méfier des mots, à porter attention au vocabulaire local. En Égypte, une « position du missionnaire » est nommée « à la française » (« faransawi »). Au Brésil, une biscotte (« biscote ») désigne aussi une « fille facile » (« qui se croque facilement »), tandis qu’au Québec, si jouer « avec un p’tit cul » n’a rien de vulgaire, un « j’aimerais que tu me présentes tes gosses » peut porter à bien des ambiguïtés.
Sac à dos et libido. Les pays racontés par leur sexualité.
Publiées sous le titre Chroniques du queutard dans le magazine Aller retour, les textes de cet ouvrage, ici actualisés, offrent un panorama de la sexualité à l'échelle mondiale, l'auteur s'étant fait une spécialité de voyager pour explorer les pratiques sexuelles de son pays de destination. Au-delà du folklore, il explique les implications sociales des relations amoureuses et sexuelles.
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