La grande messe des morts de Jacques Côté

Ouf ! Il était temps. Après plus de cinq ans d’attente, Jacques Côté, l’explorateur bien apprécié de l’univers criminel québécois, nous livre enfin une nouvelle œuvre de fiction. Publié chez Flammarion Québec, Requiem américain est une lugubre invitation à cette grande messe des morts se tenant, à la fin des années 90, dans la région montréalaise. À cette époque, une gang de bandits sont prêts à tout, même à entrer en guerre contre la société civile, pour prendre le contrôle du commerce de la drogue.

S’inspirant de ces tristes événements, Jacques Côté y campe le personnage d’Owen Hayden, un lieutenant de l’escouade antigang de la SPCUM au tournant de sa vie, tant professionnelle qu’intime. Ce dernier est quelque peu désespéré que le camp adverse, celui des Hells Angels, soit mieux équipé que lui pour cette guerre : les procès avortent sur des vices de procédures ; des descentes dans des bars ne permettent que le ramassage de menu fretin ; de la politicaillerie, des querelles provinciales-fédérales, retardent la mise en place d’une législation musclée ; les différents corps policiers : SPCUM, SQ, GRC, n’aimant pas qu’on s’immisce dans leur chasse gardée, se nuisent les uns, les autres…

Autre grand souci pour Owen Hayden : un frère cadet, Tom, qui a fait le choix de la vie criminelle, trônant maintenant presqu’au sommet de la hiérarchie des motards. Ce n’est, toutefois, pas la félicité totale pour ce frère ennemi qui parvient difficilement à maîtriser le « power trip » de son grand patron Marc Hamel (clone réussi d’un « Mom » Boucher), impatient d’éliminer toute concurrence (Mafia, Rock Machine,..) du marché lucratif de la dope.

Avec un tel matériel, Jacques Côté nous tricote un récit enlevant et crédible, nous promenant des palais de justice aux arènes de boxe, ou d’une vétuste manufacture de Rosemont à un chic appartement d’Habitat 67 ; un récit qui, à coup sûr, va ravir ce vaste lectorat fasciné par le monde criminel. Son Owen Hayden n’épargne ni son sang, ni sa sueur, ni ses larmes pour faire douter l’adversaire de sa puissance, confrontant les motards dans de riches restaurants, exploitant les moindres failles du camp ennemi : une maîtresse désobéissante, un bandit asthmatique, un vol mal foutu de dynamite, un témoin « tatoué » sur le point de parler, des infractions bénignes permettant de coffrer de grosses pointures.

Le minutieux et perspicace travail d’enquêteur d’Owen Hayden, et son équipe, inquiète. Et dans guerre totale, devenue fratricide, même les familles ne risquent plus d’être épargnées.

Attendons, impatiemment, la suite.