Le Berlin Kid, la biographie, chez Québec Amérique, de Roger Coulombe, le Québécois qui a complété, un exploit, douze raids de bombardements au-dessus de Berlin, n’a rien, avec son zeste intimiste, du récit de héros de guerre convenu et banal.
Hélène de Billy, l’auteure, journaliste et écrivaine, tente de résoudre un mystère, celui d’une amitié brisée entre son père Godefroy et le vétéran, et, partant, d’en connaitre plus sur la guerre de Roger Coulombe. À l’aide de documents inédits, dont son journal personnel, de voyages, de rencontres inattendues, elle nous dévoile une personnalité singulière, complexe, tourmentée. Comme un bon suspense, les révélations se succèdent dans son enquête. « Que le pilote de guerre se le tienne pour dit, l’heure du jugement est arrivée ».
Né à Berthier-en-Bas, dans le comté de Montmagny, le 12 septembre 1920, en quête d’un « avenir brillant », Roger Coulombe se porte volontaire pour combattre les nazis, pilotant, dès le printemps 1943, un Avro Lancaster, « le plus beau, le plus parfait » des bombardiers lourds, pouvant transporter quatre fois plus de bombes que ses prédécesseurs.
« Trompe-la-mort » : il réussit, lors d’un retour de mission, en décembre 1943, un atterrissage sur une seule roue, il participe à une épopée insensée, une bataille coûteuse : plus de 55 000 aviateurs n’en reviennent pas, une entreprise de destruction : réduire Berlin, et d’autres villes, en ruines, entre août 1943 et mars 1944, sous les ordres de sir Arthur Harris, « Butcher Harris », le commandant en chef du Bomber Command, qui a promis « qu’il ne connaitrait pas le repos tant que l’Allemagne nazie respirait ».
Boosté aux amphétamines, effectuant, sous un stress constant, des voyages de plus de huit heures, Roger Coulombe joue à l’ange exterminateur, mettant ses scrupules de côté : « Malheureusement, il faut faire le travail pour gagner une guerre qui fera pleurer plus tard pour être trop moderne », persuadé qu’Hitler ne peut être anéanti sans ces terribles nuits de terreur.
Il aperçoit, un jour, lors d’un assaut sur Berlin, le visage d’un pilote allemand qui l’affronte de très près, avec son chasseur Focke Wulf 190. « Teuton ou pas, ce garçon était dans le même bourbier que lui. Il y avait des humains en face »,
La guerre n’est pas un jeu.
Il en fait, déjà, un amer constat, le 3 février 1943. Il apprend que son frère Roland, aviateur comme lui, est porté disparu, au cours d’un raid sur Hambourg. Le décès est, plus tard, confirmé. « Si son frère est mort, c’était sa faute » se trouble Roger. C’est lui qui l’a incité à s’enrôler.
Il a du mal à se retrouver, recouvre le salut en s’investissant, à fond, dans ses missions, solidifiant les liens avec son équipage.
Avec les cinq autres membres de l’équipe, il forme une famille, destinée à se serrer les coudes jusqu’à la fin. « Obstineux, chicaniers, un peu déjantés, les gars de « la gang à Coulombe » font penser à des musiciens en tournée ».
La « French Crew » comme on la surnomme aussi, majoritairement anglophones pourtant (seuls Coulombe et son navigateur Gérald « Gerry » Tremblay, originaire de Limoilou, parlent français), s’engueule fréquemment. C’est que le Berlin Kid a du tempérament, la guerre révélant des aspects de sa personnalité dont il ignore l’existence. Il se révèle impitoyable, exigeant une coopération totale de sa « gang ». « Jette-toi en bas si tu le veux, je ne te retiens pas », réplique t’il, un mois de novembre 1943, à son mitrailleur Joe, menaçant de se précipiter dans le vide lorsque son Browning s’enraye, « De mon côté, je file vers Berlin, avec ou sans toi »,
Il carbure aussi à la passion Roger Coulombe. Il vit une grande peine d’amitié lorsque « Gerry » Tremblay marie, en février 1944, Teresa Spakowski, une femme qu’il a remarqué le premier, une blessure qui ne guérira jamais.
Coulombe sort indemne de la bataille. Après trente raids nocturnes sur l’Allemagne (dont les douze au-dessus de Berlin), il est nommé, en mai 1944, instructeur dans une école d’entraînement. Il affronte, toutefois, un sentiment de vide intérieur. Il a « envie de pleure comme un enfant ». Il souhaite retourne au feu « pour éviter d’y penser ».
La guerre se termine cependant. Il postule pour devenir pilote de ligne à la TCA (Trans-Canada Airlines, l’ancêtre de Air Canada). On le recale… pour vue déficiente !
Le Berlin Kid ne se laisse pas abattre. Lui, fils de cultivateur, n’ayant que l’équivalent d’un secondaire quatre, parvient à franchir les portes de l’université. Il obtient un diplôme de médecine dentaire, en 1951. C’est là que son destin croise, pendant quelque temps, celui du père de l’auteure. Une amitié va naître, puis s’éteindre, ne survivant peut-être pas à la témérité du Kid.
Et le public tourne le dos aux héros de la veille. Au milieu des gens normaux, le vieux soldat Coulombe devient un étranger. Le vétéran ne parla pas lorsqu’on accuse son ancien patron, « Bomber » Harris, d’avoir mené une campagne de terreur (oubliant à quelle menace cette agression répondait).
Le vent tourne, finalement, au début des années 90, faisant sortir des cavernes de l’histoire les aviateurs du Bomber Command. Un livre est publié, parlant en bien du tempérament frondeur du Berlin Kid, suggérant, entre autres, à une « ordure de commandant anglais d’aller se faire tuer à sa place ». « Pour la première fois, il a l’impression que la guerre lui est rendue ». Pour la première fois, il commence à croire « qu’il s’est comporté comme un homme » lors de celle-ci.
Roger Coulombe meurt le 15 décembre 2010. « Il s’est longtemps interdit la tentation masochiste de l’apitoiement, du mea-culpa. Il a lutté sans relâche contre ses contradictions et contre ses propres fragilités ».
Donnant une « dimension sacrée à son existence », Hélène de Billy conte la quête de rédemption d’un homme qui « faisant tout bien, n’est jamais parvenu à trouver la paix ».
Le Berlin Kid
Juillet 1941. Roger Coulombe, 20 ans, originaire de Montmagny au Québec, s’enrôle dans l’Aviation royale canadienne pour aller combattre les nazis en Europe. Pilote, il deviendra le seul, parmi tous les aviateurs des Forces alliées, à compléter douze raids au-dessus de Berlin, un exploit qui lui a valu le surnom de Berlin Kid. Hélène de Billy, dont le père était proche du Kid, enquête sur ce personnage fascinant qui s’est taillé une réputation de trompe-la-mort aux commandes de son bombardier Lancaster durant la Seconde Guerre mondiale.
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