Le remède-miracle éprouvé du docteur Diouf

Christian Vachon - 30 octobre 2023

Boucar Diouf possède un radical remède-miracle à la déprime, à l’anxiété et à l’amertume. C’est un remède qui lui permet quotidiennement de prendre le dessus sur « le hamster qui trottine constamment » dans son cerveau; un remède qu’il a découvert tout jeune, bien avant son amour de la biologie; un remède qu’il a éprouvé en enseignant à ses étudiants et ses étudiantes; un remède qui a pour nom l’humour.

Il nous fait profiter des bienfaits de ce remède dans Ce que la vie doit au rire, remercions-le ! Il s’agit d’un réjouissant ouvrage de plus de 260 pages, égayé de nombreuses illustrations de Philippe Béha et publié aux éditions La Presse. Dans ce livre, Boucar atteste que « le rire, c’est comme les essuie-glaces : ça n’arrête pas la pluie, mais ça permet d’avancer ».

Comme tout bon scientifique, le « docteur » Diouf pose, en première partie de son essai, un diagnostic sur les dons du rire. Dès les premiers mois de notre existence, nous confirme-t-il, le réflexe de rire surgit et fouette dès lors le système cardiovasculaire, stimule le système immunitaire et digestif, agit comme un antidote au cortisol, cette hormone du stress « devenue une malédiction moléculaire », en se comportant comme un système de refroidissement, en vidant le surplus d’énergie qui s’accumule dans notre cerveau, toujours prompt à se nourrir « d’oiseaux de malheur ». Le rire est doublement don, donc : pour la santé physique et pour la santé mentale.

Excellent praticien, le « docteur » Diouf se nourrissait, en ces temps maussades de pandémie, de gags de ce genre pour rehausser son moral : « Mon voisin commence à disjoncter avec le confinement, je l’ai vu parler à son chien. Je l’ai raconté à mon aspirateur, on était morts de rire ».

Le rire désarme et possède une incroyable propriété auto-amplificatrice. En 1962, par exemple, une épidémie de « rigolade hystérique », débutant avec trois collégiennes dans un pensionnat, aurait frappé une commune complète de la Tanzanie.

Le rire séduit et la plupart des femmes, sachez-le, sont très sensibles à la drôlerie : « le circuit de la récompense du cerveau féminin est plus adapté et plus sensible à l’humour que celui des hommes ».

Le diagnostic établi, le « docteur » Diouf peut maintenant appliquer le traitement : des dizaines de pages sur des sujets sérieux (le climat, l’intégration, la sexualité, la chasse, …) abordés avec drôlerie; des dizaines d’anecdotes de sa vie enrobées d’humour.

Une femme portant un t-shirt bleu foncé ri à gorge déployée en regardant droit devant elle.
Femme riant, fixant l’observateur, pendant la célébration du nouvel an à Don Det, Laos. Crédit : Basile Morin

Entre autres : Boucar, dans les années 90, se fait accoster par une petite fille :

« – Hé !  Monsieur !  Est-ce qu’on t’a trempé dans le chocolat ?

– Oui, et je me suis liché les doigts ! »

« [A]ucune muraille ne peut résister au pouvoir du rire », après tout;

Boucar qui devient un peu las, en ces années-là, de sa gueule « trustable » de « fumeur de pétard » : « Si je m’appelle Boucar, au lieu de Bouchard, ce n’est pas parce que j’ai fumé mon ‘H’ dans ma jeunesse »;

Boucar s’amusant de ces noms coquins, au Québec, semblant être créés uniquement pour attirer des touristes : Baie-des-Chaleurs, Cap-Rouge, Grande-Entrée, Les Boules, … ;

Boucar qui, en tant que francophone au Sénégal, se sent proche du Nouveau-Brunswick : « Beaucoup d’Africains pratiquent la circoncision, et les Acadiens ont le Cap-Pelé »;

Boucar souhaitant qu’on se procure de l’essence dans une essencerie, comme du fromage dans une fromagerie;

Boucar vantant les particularités imagées et poétique de « péter au frette »,  son expression québécoise préférée (« chauffer au gaz pour ne pas péter au frette »);

Boucar « s’ancrant » au Québec en 1991 pour étudier la fonction « defrost » de l’éperlan (le « poulamon » : « il produit des protéines antigel dans son sang »);

Boucar qui souhaite offrir une « dose de marmottine » (le sommeil de la marmotte est « le plus profond des hivernants du Canada ») à tous ces gens qui détestent l’hiver;

Boucar qui envisage une « africanisation progressive des peuples du Bas-Canada » en implantant la polygamie sénégalaise (« mon grand-père était très poli, politisé et polygame »), et qui, lorsqu’il apprit que Bonhomme Carnaval se pavanait avec sept duchesses, « cru un moment qu’il était un musulman »;

Boucar qui entrevoit changer sa familiale en sportive « en se faisant couper le Canal-Famille »;

Boucar tentant d’expliquer la séduction à son fils : « la séduction est un triathlon dans lequel il faut nager, galoper, puis s’envoyer en l’air »;

Boucar avouant n’être pas en mesure de confirmer si le homard souffre quand on le plonge dans l’eau, sachant qu’il n’arrive même pas « à décoder le non-verbal de sa conjointe »;

Boucar constatant une évolution régressive chez l’Homo sapiens : l’Homme a libéré ses mains de la communication gestuelle, « il les remobilise à nouveau par le téléphone mobile »;

Boucar réticent à s’abonner à Twitter sachant bien, pourtant, que des milliers de gens le suivraient. Le problème, « c’est que je ne sais pas où je m’en vais. Alors, ce n’est pas une bonne idée de me suivre »;

Boucar, le plus Africain des Québécois, le plus Québécois des Africains, qui nous confirme enfin que l’autodérision (qui ne doit « jamais mener à l’auto-dévalorisation ») est le remède-miracle à la montée des intolérances.

« Interdire de rire des différences, c’est réprimer l’expression des mini-frustrations sociales ».

À consommer sans restriction pour annihiler les idées noires !

– Christian Vachon (Pantoute), 29 octobre 2023

 

Essais québécois

Ce que la vie doit au rire

Boucar Diouf - La Presse

« L’humour est le moyen par lequel j’arrive à prendre le dessus sur le hamster qui trottine constamment dans mon cerveau », écrit Boucar en ouverture de ce livre en deux parties. Dans la première, il nous explique, avec l’éloquence et la fantaisie qu’on lui connaît, les bienfaits du rire sur la santé, physique et mentale. Dans la seconde, il retrace, à travers de petits textes humoristiques, le chemin qui a fait de lui le plus Québécois des Sénégalais. En effet, pour le conteur biologiste, l’humour est un outil de charme qui bâtit un pont entre les cultures, un trait d’union qui lui permet de relier l’Afrique et le Québec, une arme de séduction massive pour dynamiter les préjugés.

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