L’enfariné bel avenir de l’entomophagisme

Christian Vachon - 2 janvier 2021

Des grillons au réveillon, des chenilles à la vanille, soyons entomophages et sauvons l’Humanité ; c’est ce bel avenir que nous annonce le biologiste français Jean-Baptiste de Panafieu. Il a de bonnes raisons, et de belles solutions, pour nous faire avaler la chose, dans cette réédition mise à jour, et en format poche chez Babel, de son Les insectes nourriront-ils la planète ?, paru initialement en 2013.  Consommez des bibittes, c’est une bonne idée non seulement écologique, mais gastronomique et économique.

Notre Terre n’offre plus la place nécessaire pour un élevage deux fois plus important qu’aujourd’hui, qui génère déjà, directement ou indirectement, des polluants de toutes sortes : pesticides, nitrates, ammoniac. Se nourrir d’insectes, qui produisent des protéines et des graisses d’excellentes qualités, et n’exigent pas un recours massif aux hormones et aux antibiotiques, n’est que la suite logique.

En fait, la consommation d’insectes a toujours existé dans l’histoire de l’Humanité, partout, sauf en Europe.

La constitution physique d’Homo sapiens, de la structure de son intestin à celle de ses dents, indique clairement qu’il est omnivore.  L’homme est un mangeur opportuniste.  Dans une région tempérée, comme l’Europe, où les insectes sont de trop petite taille, il va préférer capturer les gros animaux.  Ailleurs, il aura recours à ces insectes, à la fois abondant et savoureux, une ressource, de plus, disponible toute l’année.

Dans toutes les régions tropicales du monde, les insectes sont utilisés, depuis des milliers d’années, à des fins alimentaires et médicinales.  Encore aujourd’hui, environ quatre milliards de personnes, soit plus de la moitié de la population, sont entomophages.  De fait, dans le monde, « si l’on parvient à mettre de côté notre européocentrisme », la consommation d’insectes semble bien être la norme, et non un exotisme exceptionnel.

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La mouche soldat noire, bientôt dans nos assiettes?

 

Dans plusieurs contrées africaines, les chenilles rivalisent avec les termites sur le plan culinaire.  La consommation d’insectes est aussi une pratique courante des communautés amérindiennes du Mexique –songeons au « ver rouge » dans les bouteilles de mezcal-, et les « bibittes » fournissent 70% des protéines animales dans l’alimentation des peuples d’Amazonie.  Au Japon, on savoure encore des criquets  au riz enrobés dans une sauce soja caramélisée.  La tradition insectivore demeure encore très vivante en Thaïlande où 150 espèces : des grillons, des larves de scarabées, des punaises d’eau douces, des mygales, se retrouvent en épicerie.   Toutefois, à bien d’autres endroits, on assiste, malgré tout, à un recul général de l’entomophagie, l’attrait de l’Occident, et l’enrichissement des sociétés, menant à des sources d’acquisition de protéines différentes : volailles, poissons…

Se nourrir d’insectes, c’est, donc, rien de révolutionnaire.  Mais comment nous convaincre nous, les Nord-Américains, les Européens, élevés dans le dégoût, beurk ! –c’est même enseigné dans la Bible-, de ces bestioles gluantes, rampantes, repoussantes, aux longues antennes et multiples pattes (curieux dégoût, alors qu’on apprécie tellement les crustacés) ?   En les offrant en farine !

D’ailleurs, nous mangeons, peut-être, depuis quelques années, indirectement, sans le savoir, des insectes.  Les farines d’insectes, en remplacement de la farine de poissons ou de soja, avec leurs impacts écologiques moindres, sont de plus en plus utilisés dans les fermes d’élevage ou en pisciculture (d’ailleurs, le plus logique, pour un poisson insectivore, comme la truite, est une nutrition à base d’insectes).

Rendre l’insecte « invisible » va permettre de faire de nous des entomophages, et ce n’est déjà plus un souhait.

Tandis que la FAO préconise le développement de petits élevages familiaux partout où l’insecte fait partie de l’alimentation traditionnelle, une industrie de farine d’insectes est en forte croissance en Europe, particulièrement aux Pays-Bas.

Quels sont les insectes privilégiés (seulement cinq mille, parmi le million d’espèces d’insectes, peuvent être considérés potentiellement dangereux, Panafieu nous fait la nomenclature des plus comestibles parmi les grandes familles, les grillons, entre autres, peuvent être consommés à tous les stades –nymphes, larves, adultes- de leur existence) ? Le grillon, la mouche soldat noire (déjà intégrée à l’alimentation des poulets et des porcs, les vers de farine.

Les avantages tant économiques qu’écologiques de l’élevage industriels des insectes sont énormes.  Deux kilos de végétaux suffisent pour obtenir un kilo d’insectes, « un facteur de conversion deux fois supérieur à celui des poulets ou des porcs, qui sont, parmi les animaux d’élevage traditionnels les plus efficaces en ce domaine ».  De plus, ces animaux à sang froid évitent les énormes dépenses énergétiques et se reproduisent vite, très vite :  une femelle grillon pond plus de 1 200 œufs en 3 ou 4 semaines, et produisent moins de déchets organiques que les porcs ou les vaches.

Tout en demeurant lucide –il est difficile d’envisager que l’ensemble de l’Occident se convertisse, même à moyen terme, à un régime strictement végétarien, il est possible d’envisager le remplacement partiel de la viande, dans l’alimentation, par cet « insecte invisible », sous forme d’ingrédient dans des produits que le grand public a déjà l’habitude de consommer.

Après tout, qui aurait-cru qu’Amérique et Europe se convertissent, déguisé en sushi, au poisson cru ?

Sciences

Les insectes nourriront-ils la planète?

Jean-Baptiste de Panafieu - Actes Sud / Babel

Jean-Baptiste de Panafieu aborde l'histoire de la consommation des insectes dans le monde, avant d'explorer les implications économiques et écologiques qu'entraîneraient de nouveaux projets d'élevage à grande échelle.



Et s'il y avait là la promesse d'une industrie florissante ? Et surtout l'une des nombreuses solutions attendues pour l'avenir de la planète ?

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