L’héritière de Pandore

Eden Giraud - 17 mai 2024

Clori est une prêtresse de Pandore. Son but est de haute importance : garder le vase de Pandore fermé coûte que coûte. Du moins, c’est ce qu’on lui répète depuis toujours. Lorsqu’elle apprend qu’elle a été trompée par le tourisme et par la société de consommation, elle ouvre le vase, la relique de Pandore, en refusant le rôle que la société lui a imposé. Un problème surgit suite à l’ouverture du vase : les maux de l’humanité se déversent réellement sur la terre. En conséquence, elle part en quête afin de rattraper et de renfermer les maux, accompagnée des allégories de la paresse et de l’espoir.

Nous allons ainsi suivre Clori et ses alliées à travers son exploration du monde, son voyage initiatique à la recherche des maux, et au passage pour réparer sa « bêtise ». Surtout, nous allons la suivre dans sa poursuite du sens de la vie et de la place qu’elle souhaite occuper. La thématique mythologique, avec la reprise du mythe de Pandore, mêlée à un vocabulaire contemporain et des dialogues familiers, crée une rupture de la sacralisation des mythes. Ce décalage apporte un certain humour à ce mythe adapté de manière actuelle. En effet, les personnages résonnent remarquablement avec notre époque et nos problématiques, créant ainsi un mythe moderne.

Cette réécriture est aussi l’apologie de la puissance des femmes dans les mythes et une réflexion sur ce qui semble établi. L’opposition entre le bien et le mal est plus floue qu’elle ne le semble et les alliées comme, par exemple Espérance, sont assez inquiétantes. L’Espoir, qui est censée être un personnage positif accompagnant Clori dans sa quête, peut en fait être bien plus complexe que ça, voire néfaste pour notre protagoniste. D’ailleurs, ses apparitions sont effrayantes : ses expressions et la manière dont elle dévore les monstres sont angoissantes et nous poussent à nous demander si ce n’est pas elle le véritable problème qui empêche Clori d’avancer. Cette réécriture établit des constats moins définis et nous pousse à la réflexion pour sortir du manichéen et de la tradition du bien et du mal, du héros et de l’antagoniste.

C’est aussi une belle et douce métaphore sur le passage de l’enfance à l’âge adulte, avec la découverte des maux de la société et des tracas quotidiens. Dans cette version, Pandore n’a jamais ouvert la boîte, mais les maux sont quand même présents à travers l’humanité et chacun a son lot de problèmes à gérer. Clori ne peut pas sauver tout le monde, elle a déjà bien assez à faire avec ses problèmes et son histoire d’amour à sens unique. En soi, tout le monde, à un moment donné, ouvre son vase et les maux qui en sortent sont une métaphore de la pression et du poids qui repose sur les épaules des individus passant à l’âge adulte.

« – Que vais-je faire ?
– Tu pourrais penser un peu à toi. Ça te ferait du bien. . . »

Le dénouement de cette BD nous offre une morale semblable au mythe, mais cette morale nous pousse à prendre soin de nous, à être tolérant avec nous-mêmes, d’être qui nous souhaitons et de ne pas céder à ce que la société attend de nous. Et aussi, un peu, de se méfier des apparences et de la positivité toxique de l’Espérance ! Les dessins appuient admirablement le mythe, ils sont remarquablement expressifs et les scènes sanglantes sont transformées en merveilles, avec des fleurs de sang qui rappellent la vie plutôt que la mort. Les paysages sont très colorés et, à contrario, les visages sont d’une blancheur immaculée créant un contraste assez intéressant dans la construction des planches et des corps. On sent les diverses inspirations de Fabio Mancini, entre le comics, l’animation et les codes de la BD qui créent un rendu unique.

En plus d’une adaptation du mythe bien connu de la boîte de Pandore, cette BD est un petit point mythologique revisité au goût du jour, avec un humour fin et recherché… j’ai adoré le démon claquette-chaussette !

BD étrangère

L'héritière de Pandore

Fabio Mancini -

Pandore n'a jamais ouvert le vase mais a fondé un culte autour de ce dernier, transmis à ses successeuses. Fraichement désignée prêtresse, la jeune Clori découvre qu'il s'agit d'une supercherie au service d'un business de vente de poteries-souvenirs. Elle se rebelle et ouvre le vase, se voyant alors contrainte de parcourir le monde antique pour y chasser les fléaux libérés.

Acheter

Commentaires

Retrouvez toutes nos références

Notre catalogue complet