Michaëlle Jean héroïne de bande dessinée? Eh oui! Elle est la vedette de Éléments de langage : Cacophonie en Francophonie, une savoureuse adaptation graphique, de près de deux cents pages, des tribulations de Bertin Leblanc, porte-parole de l’ancienne gouverneur générale du Canada devenue secrétaire générale de la Francophonie. Dessinée par Paul Gros, dont le trait caricatural à la Pétillon, rehausse le côté dingue des situations, cette œuvre publiée par de La Boîte à bulles propose une impertinente vue des coulisses de l’Organisation internationale de la Francophonie. On y déniche un Dany Laferrière, un Justin Trudeau, et même un Legault. Attention, ça va barder !
« Ça va pas être de la tarte », admet dès le départ, Bertin Leblanc lorsqu’il se pointe, en 2016, à sa nouvelle « job ». Ce dernier doit redorer l’image de l’Organisation, tout en tentant de faire son nid dans un environnement hostile de courtisans et conseillers. Sa patronne est du type ingérable, n’écoutant personne, mais elle est combative et déterminée, désireuse de rénover de fond en comble cette « Francophonie » poussiéreuse pour en faire un réel joueur au niveau mondial. Fort du soutien du Canada, elle a bon espoir, en 2018, de renouveler son mandat de quatre ans à la tête de l’Organisation.
Toutefois, elle doit surmonter deux obstacles. Elle voit les choses en grand, un peu trop au goût des journalistes de Québecor qui, bien déterminés à avoir sa peau, n’ayant que faire de ce besoin de prestige pour l’Organisation, enquêtent, enquêtent, enquêtent sur les « dépenses somptuaires » de Michaëlle Jean : le « luxueux » appartement parisien, le piano de « madame », le chauffeur « privé » de monsieur son mari,… « Tout ça ce ne sont que des balivernes, Bertin ! » ergote une secrétaire générale nonchalante. Erreur.
Sa volonté, par ailleurs, d’en arriver à une autonomie plus grande de la Francophonie déplait, sans qu’elle s’en doute, à la France, guère heureuse de voir surgir un réel concurrent à son aura en Afrique, ce « précarré bien français ». C’est en toute politesse que Macron, le nouveau locataire de l’Élysée, écoute Michaëlle Jean lui dire : « Je représente 300 millions de francophones ». Dès son départ, il se tourne vers ses conseillers : « Bon, celle-là n’a rien compris, vous allez me la dégager ».
Dès lors, Bertin Leblanc est le désolant témoin de trahisons, coup bas, double-jeu de toutes sortes.
Incapable d’éviter les pièges médiatiques (entre autres un maladroit « Je ne suis pas une princesse » prononcé à la radio montréalaise va se retourner contre elle), Michaëlle Jean perd le combat de l’opinion publique. « Ça va devenir très, très compliqué pour Québec et Ottawa de la soutenir ».
Entre-temps, Macron, vise à se débarrasser par un beau tour de passe-passe, « si tout se passe comme prévu », de l’épine Michaëlle Jean en prétendant remettre l’Afrique aux commandes de la Francophonie ».
Et lorsqu’elle se présente, en octobre 2018, au Sommet de cette Francophonie en Arménie, il ne reste plus beaucoup de cartes dans le jeu de la secrétaire générale sortante.
Bertin Leblanc nous fait finalement découvrir une Michaëlle Jean plutôt sympathique, aimant les gens, trop « dérangeante » au goût de certains, prête à bouleverser le protocole, dans un hôpital africain, pour aller rencontrer des victimes de viol (un sujet tabou là-bas).
C’est plutôt l’Organisation internationale de la Francophonie (« c’te patente là ») qui en sort fortement égratignée : une Francophonie prête à accueillir la candidature de l’Arabie Saoudite à titre de pays observateur, une Francophonie qui décide d’avoir à sa tête une ancienne ministre d’un président du Rwanda qui ne parle pas un mot de français (Macron : « il faut penser la Francophonie dans le plurilinguisme »).
« Une organisation qui ruse avec les valeurs et les principes est déjà une organisation moribonde » prononce Michaëlle Jean dans son discours d’adieu, à Erevan, alors que l’Arménie est en deuil d’Aznavour. « La bohème, ça ne veut plus rien dire tout » peut-on entendre, des paroles qui s’accolent bien à la Francophonie.
Éléments de langage. Cacophonie en Francophonie
Michaëlle Jean, secrétaire générale de l'Organisation internationale de la francophonie, fait preuve d'un fort dynamisme malgré des problèmes de communication qui freinent le renouvellement de son mandat. Tandis qu'elle perd peu à peu le soutien de la presse et des chefs d'Etat, son équipe et Bertin Leblanc, porte-parole de l'OIF, s'efforcent de défendre son bilan.
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