Nicole, Marie Madeleine et quelques autres pionnières de Varennes et Verchères

Christian Vachon - 3 novembre 2022

  Il y a plus de trois cents ans, Nicole Philippeau et Marie Madeleine Guilleboeuf ont fait un long, un très long voyage, en navire, à travers l’océan.  Elles sont parties, dotées par Louis XIV (c’est la solution que le roi a trouvée pour peupler cette lointaine, et bien secondaire, colonie), pour dénicher un mari en Nouvelle-France.  Affaiblies et bien maigres à leur arrivée à Québec, « remises sur pied » par les Augustines, ou les Ursulines, elles repartent (cinq ou six jours de canotage, souvent périlleux, sur le fleuve) vers Ville-Marie.

                  De nouveau, quelques semaines plus tard, ayant trouvé époux, elles s’éloignent vers l’est de Montréal et de Longueuil, partant s’installer dans ces nouvelles seigneuries (une brève accalmie, entre les années 1660 et 1680, dans les guerres contre les Iroquois, permet de coloniser de nouvelles terres) de Varennes et de Verchères, fondées par d’anciens officiers du régiment de Carignan-Salière.

                 Elles, et vingt-deux autres « filles à marier », vont faire prospérer ces grandes étendues de prairies, idéales pour nourrir le bétail. Pour la plupart, « constamment enceintes » (seize enfants pour Marguerite Collet, à Varennes, dix-sept pour Nicole Philippeau), elles auront de nombreux descendants (97 arrière-petits-enfants pour Catherine Fourrier, à Varennes,  231 pour Jeanne Mansion et 345 pour Marie Madeleine Guilleboeuf, à Verchères).

                Marie Royal et Michelle Desfonds (avec les précieuses collaborations d’Yves Chevrier, Diane Thibault, Gabrielle Dussault, et de quelques autres, à la rédaction des biographies) nous font connaitre ces aventurières dans Les Filles du Roy pionnières des seigneuries de Varennes et de Verchères(le cinquième volume de cette collection, créée à l’initiative de la Société d’histoire des Filles du Roy), publié chez Septentrion, des femmes qui, sans posséder le pedigree mythique et prestigieux d’une Madeleine de Verchères (« l’héroïne de 1692 »), ou d’une Marguerite d’Youville (la fondatrice des Sœurs de la Charité –les Sœurs Grises –), ont besogné dur pour assurer l’avenir, ne seraient-ce qu’en les peuplant, des deux seigneuries.

              Certes, on le découvre, elles n’ont pas toutes fait prospérer, par leur descendance, Varennes et Verchères. Marie Madeleine Canard meurt noyée, sans enfant, en 1672, près de Boucherville (la barque et le canot sont, pendant des décennies, malgré leurs inconvénients hasardeux, les modes de transport les plus pratiques pour se rendre d’un lieu à l’autre), avant même d’arriver à Varennes. Louise André, habitante de Varennes (ayant sans doute 43 ans lors de son mariage avec Nicolas Bossu) et Marguerite Charpentier, épouse de Toussaint Lucas, à Verchères (une intrigante « fille à marier » ayant, en 1668, à son arrivée en Amérique, plus de 57 ans !) n’auront, non plus, pas d’enfant.

           On ignore, également, les destins de Catherine Isambert, mariée à un Louis Denis (le couple n’est plus recensé, à Varennes, en 1681), et de Marie Anne Leroy, épouse de Mathieu Binet, puis d’Abel Simon (est-elle retournée en France, avec mari et enfants), ainsi que de leur descendance.

           Jeanne Quentin, Parisienne d’origine, veuve de Jean-Pierre Chanas, quitte Varennes et retourne en France, sans doute après 1678, avec ses deux enfants, Pierre Michel Chanas, et Marie, née d’un père inconnu.

          Charlotte Pecquet, pionnière de Verchères, veuve de René Richard, quitte elle aussi la Nouvelle-France, probablement en 1678, repartant vers sa patrie d’origine, avec ses quatre enfants, dont un est un bébé, un garçon illégitime, dont le père est un certain Henri Catin, un valet de cuisine du gouverneur à Québec. Elle doit payer, avant son départ, une amende de trois livres pour « sa conduite inconvenante et irrespectueuse » (elle a déposé, à la porte du Château Saint-Louis, devant Henri Catin, le fruit de leurs ébats, en lui disant :  « Tiens voilà ton enfant, fais-ce ce que tu voudras »). Elle bénéficie, toutefois, voguant vers son destin incertain, des quarante livres qu’un juge a ordonné à Henri Catin de payer « pour nourrir l’enfant ».

        Un bouquin qui, finalement, lève le voile sur bien des sacrifices et triomphes silencieux, et bien des petites misères pas si discrètes, de certaines des premières habitantes de la colonie.

Histoire

Les Filles du Roy pionnières des seigneuries de Varennes et Verchères

Société d'histoire des Filles du Roy - Septentrion

Qui sont ces jeunes femmes majoritairement pauvres et orphelines qui, entre 1663 et 1673, ont quitté la France et bravé la mer sur de frêles navires à voile pour venir se faire une vie dans cette lointaine Nouvelle-France ? Parmis ces femmes, certaines ont osé remonter le fleuve pour venir s'établir un jour à Varennes et à Verchères. Arrivées dans le cadre du seul programme mis en place par la France pour peuple le Canada, elles font ici l'objet d'un recueil qui expose ce qu'a été leur vie en ce pays. Ce livre lève le voile sur ces « mères de la nation », femmes invisibles dans l'histoire, qui, avec d'autres pionnères, ont contribué à peuple et à développer l'Amérique française.

Acheter

Commentaires

Retrouvez toutes nos références

Notre catalogue complet