Peut-on modérer nos transports à Québec?

Christian Vachon - 4 octobre 2021

Peut-on « modérer nos transports » à Québec, prendre du recul et débattre raisonnablement, en gardant la tête froide, de tramway et de troisième lien sans passion, ni hargne? C’est ce que proposent ces arbitres de la chose municipale, Jean Dubé, Jean Mercier et Emiliano Scanu, dans Comment survivre aux controverses sur le transport à Québec?, publié chez l’éditeur québécois Septentrion en ce début de septembre 2021.

En deux cents pages, et quatre chapitres, solidement documentés, ils circonscrivent les positions des uns et des autres dans ces controverses interminables, identifiant les présuppositions, les non-dits, dressant le portrait fidèle d’une population tiraillée entre le désir de bien faire et de se transporter de façon durable et soutenable pour l’environnement d’une part (faire de Québec « une ville plus verte et moins axée sur le tout-à-l’auto »), et la commodité et le confort de l’automobile privée, d’autre part (qu’on se le dise : « les gens heureux aiment utiliser l’automobile pour se déplacer »).

Jean Mercier, professeur au département de science politique de l’Université Laval, nous offre d’abord une « mise en contexte » où l’on constate que, loin d’être uniques, les débats sur le transport à Québec reflètent ce qui se passe ailleurs, et qu’ils se trouvent aux confluents de trois enjeux devenus majeurs dans le monde entier, soit de l’urbanisation croissante, et l’extension des banlieues, la mobilité « et même l’hypermobilité de nos sociétés », et les préoccupations environnementales. Plus loin, au chapitre 4 («Comprendre les positions des participants aux débats »), l’observateur Mercier commente une guerre culturelle, particulière virulente, entre les partisans de Québec Solidaire et les auditeurs des radios privées.  Les supporteurs du troisième lien « ont l’impression que l’appel aux experts amène inévitablement un appui au réseau structurant de transport et une critique du troisième lien », souligne Jean Mercier, « ils n’ont pas tout à fait tort.  Mais pourquoi ? ».

Le sociologue Emiliano Scanu, dans son « Évolution du débat sur le transport urbain à Québec, 2009-2021 », nous entraîne dans un aller-retour, sentant parfois l’improvisation, d’un projet de tramway, au SRB (service rapide d’autobus), puis réapparition du tramway, alors que surgit cette idée d’un troisième lien, « incontournable » selon les dires du maire de Lévis Gilles Lehouillier.

L’économiste Jean Dubé (chapitre 3 :  « Choix de localisation. Infrastructures de transport et impact économique: quels effets peut-on anticiper d’un troisième lien ? ») cherche à nous éviter de mauvaises décisions. Faut-il trancher entre les choix individuels ou sociaux ? Peut-on revendiquer autant de routes et d’autoroutes?  Dans ce projet de troisième lien, entre autres, on a fait de l’analyse à l’envers :  « on a décidé d’un projet pour ensuite tenter de le justifier ». L’analyste Dubé y va, alors, d’une proposition :  pourquoi pas un lien souterrain pour le transport en commun ?

En conclusion, les trois experts se questionnent sur cette supposée stratégie payante de la CAQ de vouloir satisfaire les uns et les autres, et mettre sur le même pied les deux projets (réseau structurant et troisième lien), une stratégie qui risque de perpétuer le statu quo et faciliter encore l’extension des banlieues, tout en ne mettant pas un terme à la lourde ambiance médiatique.

Mais se pourrait-il, avec un solide appui populaire, lors des élections municipales de novembre prochain, au réseau structurant, « qu’on assiste à une certaine accalmie ? ». Que, dans quelques années, nos rames de tramway, à Québec, affectent la ville, « sa culture, la façon de s’y déplacer ? ».

Les auteurs nous avertissent: si les passages favorables au transport en commun, dans leurs textes, sont plus présents que les propos favorisant l’automobilité, c’est que « les partisans d’un changement d’orientation en transport prennent appui sur les concepts de développement durable appliqués au transport urbain une société moderne comme la notre », évoque Yvon Charest, initiateur de la campagne de soutien au réseau structurant « J’ai ma passe », en postface de l’essai, «se doit d’être plus égalitaire et équitable envers l’ensemble de la population et non pour un certain nombre d’utilisateur de la route ») ».

« Cette vision des choses implique beaucoup d’éléments, beaucoup d’explications que ce soit dans ses dimensions environnementales, économiques ou sociales.  L’espace accordé à ces propos est,  donc, proportionnellement plus grand ».

Dans sa postface, l’intervenant Jérôme Landry y fait contrepoids. La solution durable passe-t-elle vraiment par un tramway? « Là-dessus l’administration Labeaume a échoué à en faire la preuve de façon claire : elle n’a offert aucune garantie aux citoyens qu’un tramway les fera arriver plus vite au bureau le matin ? ».  Les utilisateurs du tramway seront les mêmes usagers que ceux du parcours Métrobus, déjà très souple. Alors que les voitures deviennent moins énergivores et plus respectueuses de l’environnement, le transport en commun, « ça va rester bon pour les autres ».

L’avenir va t’il le confondre?

 

 

Pour aller plus loin, l’équipe de Pantoute recommande également la série-documentaire Point tournant.

Essais québécois

Comment survivre aux controverses sur le transport à Québec?

Jean Dubé, Jean Mercier, Emiliano Scanu - Septentrion

Depuis maintenant plusieurs années, la région métropolitaine de Québec se trouve devant deux grands projets de transport urbain, soit celui du Réseau structurant du transport en commun, d’une part, et celui du Troisième lien, qui doit relier les centres villes de Québec et de Lévis, d’autre part. Même si au final, les deux options pourraient voir éventuellement le jour, mais à des moments différents, les opinions ont souvent tendance à être très polarisées entre les supporters de ces deux projets de transport. Il est vrai qu’au-delà des questions pratiques, les deux projets font appel à deux visions différentes de l’avenir de ce que doit être le vivre-ensemble dans les villes. En réalité, ce qui se passe à Québec est un reflet, plus intense par ailleurs, des choix qui se présentent dans toutes les villes du monde, prises entre la commodité et le confort de l’automobile et les exigences des principes du développement durable, appliqués au transport urbain.

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