Pour que Beyrouth puisse renaître

Christian Vachon - 29 mars 2021

4 août 2020, 18 heures 07.  L’explosion, la stupeur, l’horreur, l’incompréhension :  pas encore Beyrouth.

Beyrouth qui ne nous laisse jamais indifférente.  Beyrouth qu’on aime, ville carrefour, ville cosmopolite, à l’idéal de New York, mais où le français résiste.

Beyrouth qui attriste.  Beyrouth ville martyre, défigurée, où tout semble toujours à recommencer.

Dans Pour l’amour de Beyrouth, un ouvrage collectif, édité chez Fayard, à la fin de l’année 2020, dont les profits seront versés à l’association OffreJoie «qui travaille à la reconstruction de la ville et panse les traumatismes de ses habitants », trente-cinq personnalités témoignent, parfois brièvement, parfois plus longuement, des liens intimes qu’ils entretiennent avec cette ville.

S’y retrouvent des écrivains (J.M.G. Le Clézio,  Dany Laferrière, …), des musiciens (Renaud Capuçon,…), des cinéastes, des comédiennes (Isabelle Adjani, Fanny Ardant), et autres artistes de la Francophonie.  S’y retrouve aussi, bien sûr, des Libanais et Libanaises talentueux :  l’essayiste et romancier Amin Maalouf, le grand couturier Elie Saab, l’éditrice Tania Hadjithomas Mehanna, et bien d’autres.

« À qui la faute ? ».  Katherine Pancol, fait suivre ce questionnement d’un « ça suffit ! », tout comme Tahar Ben Jelloun (« (Le Liban) a besoin d’un nettoyage à sec d’une classe politique (…) pour réparer l’homme et le pays »), la consultante en relations internationales Nahida Nakad (« (notre) notre système politique et économique mène au désastre (…) un pays peut-il mourir alors que son peuple est toujours vivant ?  (Ce peuple) doit être aidé à se débarrasser de ses dirigeants »), et le comédien et écrivain Jacques Weber (« Au lent travail des civilisations successives se sont substitués l’inconséquence crapule des gouvernements, la déflagration et la fin de l’insouciance et de la cupidité »), dénonçant l’incompétence, l’absence de responsabilités et la corruption des dirigeants libanais, tandis que d’autres osent, enfin, incriminer une certaine puissance étrangère faisant obstacle à tout changement (Alexandre Jardin, Marc Lambron : « (« (Le Liban), un protectorat iranien verrouillé par le Hezbollah »).

L’auteur Charif Madjalani tente de nous faire comprendre que « c’est compliqué » ;  « On a dit et on dira encore beaucoup de choses sur les causes de la catastrophe (…).  (Peut-être que l’histoire de l’État libanais) n’aura été qu’un longue faillite ».

Peut-être, aussi, « qu’il y a trop de gens qui aiment ce pays » ; de gens qui aiment ses sites millénaires, ses terrasses, ses crêpes à l’eau de rose, ses bibliothèques, son sens de la fête ; de gens qui aiment ce Liban, pays de lumière, de beauté, où « la mer nous attend, le matin, et le ski, l’après-midi » (Louis Chedid) ; ce Liban depuis (trop ?) longtemps une terre d’accueil pour les Palestiniens, les Syriens, ou, dans les années 1920, pour leur permettre de « reprendre haleine », les aïeux arméniens de l’écrivaine Sophie Fontanel.

File:Beyrouth vue aérienne.jpg
Vue aérienne de Beyrouth.

Beyrouth, « c’est tout et son contraire, une ville raffinée et vulgaire, une ville de saints et de pirates » (la designer Maria Ousseimi), une ville « au pragmatisme joyeux », au « chaos assumé », au «sourire philosophe » d’une « acceptation désabusée d’une corruption généralisée » (Alexis Michalik).

« Ça suffit ! », répète aussi la romancière Diane Mazloum, « parce que, après ça, si le Liban ne change pas, s’il ne grandit pas ; alors je ne suis plus Libanaise ».

Les Libanais se retrouvent, aujourd’hui, « sur une crête étroite », avertit Boris Cyrulnik, « du chaos social (risque d’émerger soit) une dictature idéologique (soit) une nouvelle société épanouissante ».

Peut-on encore parier sur ce glissement heureux ?  «Nous sommes tant à aimer ce pays impossible » rappelle, avec conviction, Laurent Gaudé, « (portant une) utopie en lui (…), où l’Orient et l’Occident s’embrassent, tantôt avec douceur, tantôt avec ferveur ».

Les cendres d’une explosion ont-elles enseveli, définitivement, un monde lumineux ?

Essais étrangers

Pour l'amour de Beyrouth

Coll. dir. Sarah Briand - Fayard

Suite à l'explosion qui a touché Beyrouth le 4 août 2020, trente personnalités, artistes libanais et français, racontent le lien intime qu'ils entretiennent avec la ville.

Acheter

Commentaires

Retrouvez toutes nos références

Notre catalogue complet