Que commémorer, dans le monde, en 2023 ? Quand l’Amérique s’emballe

Christian Vachon - 5 janvier 2023

 Le 16 décembre 2023, ce sera le 250e anniversaire du Boston Tea Party, ce moment festif où l’Amérique s’emballe ; où, en jetant quelques centaines de caisses de thé britanniques à la mer, une quarantaine de « Fils de la Liberté » proclament ainsi publiquement que « ça suffit ces lois venues d’ailleurs ».  La réaction furieuse de Londres pousse, alors, treize des colonies américaines à l’indépendance, un récit que nous content les experts historiens Bernard Cottret (La révolution américaine, chez Perrin, 2004) et André Kaspi (Révolution américaine, 1763-1789, chez Gallimard, 2013).

             « L’Amérique aux Américains », le président américain James Monroe transforme cette devise en dogme lors d’un discours, inspiré, en grande partie, par son secrétaire d’État John Quincy Adams, tenu, le 23 décembre 1823 (les 200 ans de la « Doctrine Monroe »). Toute intervention européenne, entre autres, contre l’indépendance des républiques sud-américaines, sera considérée comme inconvenante. Cette protection, par le « grand frère » américain, des « petites sœurs » latino-américaines sera des plus équivoques : le cinquantième anniversaire du coup d’État au Chili, le 11 septembre 1973 (« l’autre » 11 septembre) nous en offre un triste exemple.

            Le président américain énonce aussi, lors de son « speech » du 23 décembre 1823, que les États-Unis « ne se mêleront d’aucune guerre des puissances européennes ». « Non colonialisme, non interventionnisme » :  America First. Le peuple américain souhaite poursuivre sa quête du bonheur sans se préoccuper du sort du reste du monde. Elle est, toutefois, bien délaissée, deux cents ans plus tard, cette doctrine Monroe. Ainsi, le 27 janvier 1973, les États-Unis tentent de se sortir définitivement du bourbier vietnamien (les 50 ans de la signature, à Paris, des accords de paix au Vietnam : La chute de Saigon d’Olivier Todd, paru dans la collection Tempus, en 2005, démontre comment le Nord-Vietnam sort vainqueur de tout cela en manipulant l’opinion internationale).

         Au mois d’octobre de cette même année 1973 (les 50 ans de l’attaque-surprise de l’Égypte de Sadate et de la guerre du Kippour), les Américains vont empêcher l’écrasement d’Israël à l’aide d’un pont aérien de matériel militaire, et forcer les Soviétiques à se tenir tranquilles dans la région en mettant le pays, le 24 octobre, en état d’alerte nucléaire.

          Les membres de l’OPEP (l’organisation des pays exportateurs de pétrole), toutefois, le prince Fahd d’Arabie Saoudite en tête, réagissent fort mal à cet interventionnisme américain en appliquant un embargo total sur les exportations de pétrole (les 50 ans de la première « crise du pétrole »), une mesure qui étouffe les économies occidentales. C’est la fin des « trente glorieuses ».

         Cent ans plus tôt, dans l’Empire d’Autriche-Hongrie, c’est une crise financière (les 150 ans, au mois de mai 1873, du « Krach de la Bourse de Vienne) qui met le terme, aussi, à de belles décennies d’euphorie économique, plongeant une bonne partie de l’Europe (seule la Grande-Bretagne s’en tire plutôt bien), et les États-Unis, dans une longue période de récession économique.

         Ça s’emballe aussi, énormément, en cette année 1973, à l’intérieur même des États-Unis. La crise du Watergate s’enfle, s’enfle. Au mois de février, une commission d’enquête sur la campagne pour l’élection présidentielle est créée au Congrès américain. Le 30 avril, fortement compromis dans les malversations et dissimulations entourant le cambriolage à l’hôtel Watergate, Haldeman, Ehrlichman, et John Dean, les principaux conseillers du président, démissionnent.  Le 17 novembre 1973, tentant de rassurer le peuple américain, lors d’un discours télévisé, par son célèbre « I’m not a crook »  (« je ne suis pas un escroc »), Richard Nixon obtient un effet tout à fait inverse.

        Ça s’emballe encore plus violemment, deux cents ans plus tôt, en Russie (les 250 ans de l’insurrection de Poutgachev). Un ancien cosaque du Don, prétendant être le tsar Pierre III, tué dix ans auparavant, prend la tête d’une vaste révolte des moujiks contre l’impératrice Catherine II. Cette grande guerre paysanne, qui sert de tableau à La fille du capitaine d’Alexandre Pouchkine, cruelle des deux côtés, échoue finalement (la tsarine Catherine va même renforcer le servage), et Poutgachev sera décapité, et taillé en pièce, à Moscou, en 1775.

      Ça s’emballe, également, en Allemagne, cent-cinquante ans plus tard. France et Belgique occupent la Ruhr pour non-paiement des réparations des dégâts de la Grande Guerre de 14-18. L’ouvrage Poincaré, la France et la Ruhr (1922-1924), histoire d’une occupation, de Stanislas Jeannesson, édité aux Presses universitaires de Strasbourg, en 1998, nous explique comment on en est arrivé à cette solution pour faire payer l’Allemagne), la monnaie s’effondre (les 100 ans de l’hyperinflation :  on gonfle la masse monétaire pour répondre à l’endettement de l’État), et, le 9 novembre, à Munich, une fusillade met fin prématurément à une tentative de prise du pouvoir par un groupement autonomiste bavarois (les 100 ans du « Putsch de la Brasserie »). Un des leaders de cette insurrection, du nom d’Adolf Hitler, tire profit de sa condamnation pour accumuler un énorme capital politique, rédigeant en prison son Mein Kampf (lire, à ce sujet, Hitler et le putsch de la Brasserie, Munich, 8-9 novembre 1923, de Didier Chauvet, publié chez l’Harmattan, en 2012).

    Ça remue, plutôt que ça s’emballe, et brutalement, cette même année, au Japon. Un séisme (les 100 ans du tremblement de terre du Kanto), le 1er septembre 1923, d’une magnitude de 7,9 à 8,4, dans la plaine du Kanto, cause plus de 100 000 morts (la plupart provoquées par les incendies), et mène à la destruction de plus de 370 000 maisons à Tokyo et Yokohama.

    Ça s’emballe, politiquement, en Argentine, cinquante ans plus tard. Juan Peron revient d’exil pour rediriger le pays (les 50 ans du retour de Peron à la présidence de l’Argentine, le 23 septembre 1973), un séisme politique occasionnant, quelques mois plus tard, un autre séisme politique plus tragique :  la dizaine d’années de dictature militaire que subit le pays, suite à la mort de Peron, le 2 juillet 1974.

    En Irlande du Nord, vingt-cinq ans plus tard, ça se calme, plutôt que ça s’emballe, avec la conclusion du processus, engagé en 1993, impliquant Londres, Dublin, et des groupements nationalistes et unionistes, menant à l’autodétermination des habitants et au désarmement des milices (les 25 ans des accords de paix en Irlande du Nord, le 10 avril 1998), et mettant fin à plus de 25 ans de troubles meurtriers. Un Ne dis rien : meurtre et mémoire en Irlande du Nord, de Patrick Radden Keefe, chez Pocket, nous retrace, à partir d’un enlèvement de l’IRA, en 1972, la sombre histoire de ce conflit.

     Les catholiques du nord de l’île, devenus, depuis, majoritaires, semblent, pour l’instant, se satisfaire des conclusions de cet accord de paix. Quant à l’Église, elle s’emballe, vigoureusement, il y a 250 ans plus tôt, avec ce « bref » Dominus ac Redemptor du pape Clément XIV, touchant un ordre des Jésuites, avec ses 23 000 membres, devenus trop encombrant (les 250 ans de la suppression de l’ordre des Jésuites). Les Jésuites : histoire et dictionnaire, de Pierre-Antoine Fabre, qui doit paraître, chez Bouquins, en 2023, va nous expliquer comment la papauté en est venue à cette interdiction, puis au rétablissement de l’ordre quelques décennies plus tard.

    Et ça s’emballe, ça crie, ça célèbre dans les rues de Paris, et d’ailleurs en France, ce jour du 12 juillet 1998 (les 25 ans de la première Coupe du Monde des Bleus), après cette victoire, en finale du Mondial,  de 3 à 0 de l’équipe française, menée par Zidane, contre le Brésil, le plus grand moment d’allégresse, au pays, depuis la Libération d’août 1944,  Les Français et la Coupe du monde 1998, d’Hugh Dauncey, paru chez Nouveau Monde éditions, en 2002, va vous en convaincre.

Histoire

La révolution américaine

Bernard Cottret - Perrin

Cinq ans avant la Révolution française, Mirabeau saluait dans les événements d'Amérique «la révolution la plus étonnante». Cette révolution, en effet, fut pour les Etats-Unis un acte fondateur.

Les étapes qui, de 1763 à 1788, conduisent les treize colonies à l'indépendance et à la République - et leurs populations à la liberté - revêtent à la fois un caractère d'exception et une portée universelle. Là-bas est née, à la lumière de la raison, mais aussi par la violence, la première démocratie du monde et s'est développée une civilisation d'un type nouveau : celle qui, par la Déclaration d'indépendance du 4 juillet 1776, reconnaît à tous les hommes, comme un droit inaliénable, la «quête du bonheur».

La révolution américaine est ainsi à la source des sociétés modernes.

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Histoire

La Révolution américaine, 1763-1789

André Kaspi - Gallimard

La révolution américaine, commencée avec l'indépendance proclamée en 1776, a plus de deux cents ans.

Mais elle ne cesse de nourrir, à travers toutes les vicissitudes, le rêve et le messianisme d'une nation qui veut encore être « le meilleur espoir du monde ». Pragmatique et inspirée tout ensemble, la révolution américaine est d'abord une prise de conscience collective : une communauté d'hommes définit et revendique ses droits contre l'arbitraire.

Mémoires, lettres, journaux et actes officiels racontent ici la naissance d'une nation qui invente sa propre histoire.

Ce retour aux sources aide aussi à comprendre la sensibilité des États-Unis d'aujourd'hui. L'esprit de 1776 souffle encore.

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Histoire

La chute de Saigon

Olivier Todd - Perrin

Le 30 avril 1975, les troupes de la République «démocratique» du Viêt Nam entrent dans Saigon, tandis que les hélicoptères évacuent dans la panique des réfugiés du haut des toits de l'ambassade américaine. Ce jour-là s'achève une guerre de trente ans menée par les communistes vietnamiens et des nationalistes afin de chasser les Français, puis les Américains de la péninsule indochinoise.

Riche en révélations, cet ouvrage retrace les quatre derniers mois de la tragédie. Olivier Todd fut en effet l'un des rares journalistes occidentaux à avoir observé de près ce qui se passait à Hanoi, à Saigon et dans les maquis du Vietcong, et à comprendre aussi combien l'opinion internationale était manipulée.

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Histoire

Poincaré, la France et la Ruhr (1922-1924) : histoire d'une occupation

Stanislas Jeannesson - Presses Universitaires de Strasbourg

La crise de la Ruhr, en 1923, entre la France et l'Allemagne, marque l'aboutissement d'une période de tensions et révèle l'ampleur des différends accumulés depuis le traité de Versailles. Elle se situe aussi à un carrefour de conflits et d'intérêts, financiers, économiques et stratégiques, qui en font, au-delà du cadre franco-allemand, l'événement des relations internationales d'après-guerre.

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Histoire

Hitler et le putsch de la brasserie

Didier Chauvet - L'Harmattan

Le 8 novembre 1923, Hitler déclenche à Munich un putsch qui, bien que s'étant le lendemain soldé par un fiasco, va énormément compter dans l'histoire ultérieure du mouvement nazi. Dans son étude, Didier Chauvet revient dans un premier temps sur les tentatives de sédition qui ponctuèrent les cinq premières années de la République de Weimar ; il explique notamment comment, suite à la faillite du putsch de Kapp en Prusse, la Bavière devint à partir de l'été 1920 un lieu de concentration des forces d'extrême droite. (...)

Histoire

Ne dis rien: meurtre et mémoire en Irlande du Nord

Patrick Radden Keefe - Pocket

Un soir de décembre 1972, à Belfast, Jean McConville est enlevée par des hommes de l'IRA sous les yeux de ses enfants. A partir de cette affaire, le journaliste retrace, en s'appuyant sur les témoignages de protagonistes, l'histoire du conflit nord-irlandais, des manifestations pour les droits civiques de la fin des années 1960 aux traités de paix des années 1990 en passant par les attentats.

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Histoire

Les Jésuites : histoire et dictionnaire

Pierre-Antoine Fabre - Robert Laffont/ Bouquins

Le volume comprend une partie historique qui permet de rendre compte des grandes évolutions de l'institution jésuite en tant que corps collectif. La partie dictionnaire met quant à elle en évidence l'extraordinaire diversité professionnelle des membres de cette Compagnie qui s'est voulue présente sur tous les terrains de la pensée et de l'action.

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Histoire

Les Français et la Coupe du monde 1998

Hugh Dauncey et Geoffrey Hare - Nouveau Monde

La Coupe du monde de football de 1998 a été un grand moment de fièvre collective et est entrée dans l'histoire des passions françaises. Cinq chercheurs se penchent sur ce qu'elle représente dans les histoires du sport, de la société et des médias. Ils l'observent sous ses facettes politique, sportive, économique et médiatique.

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