Empêtré depuis deux ans dans le scandale du Watergate, le président Richard Nixon annonçait sa démission à la télévision, devant plus de 200 millions de téléspectateurs, évitant ainsi le déshonneur d’une destitution par la Chambre des représentants. C’était le soir du 8 août 1974 : il y aura cinquante ans en 2024. Dix mois plus tard, son successeur Gerald Ford lui accordait opportunément son pardon présidentiel pour ses délits.
Qui de Staline ou de Trotski deviendra, le 21 janvier 1924 le véritable successeur de Lénine décédé ? Le premier prenait l’avantage dès la fin de mai de cette année-là, parvenant à faire condamner par le Comité central l’idée chère au second d’une révolution permanente. Une simple édification du socialisme dans un seul pays semble rassurer le reste du monde : Grande-Bretagne, France, Italie reconnaissent, dès cette même année 1924, l’URSS. C’était il y a cent ans.
Soixante-quinze ans plus tard, le 31 décembre 1999, dans une URSS redevenue Russie, le président Boris Eltsine quittait son poste pour raison de maladie, laissant sa place à son premier ministre, un personnage méconnu au nom qui faisait sourire : Vladimir Poutine.
Entrée en scène, aussi, d’Armand Jean du Plessis, cardinal de Richelieu, alors que le jeune roi Louis XIII l’appelait à son côté comme « principal ministre ». La date à retenir pour cela est le 29 avril 1624 : il y a bientôt 400 ans. L’historien Roland Mousnier, dans son L’homme rouge : vie du cardinal de Richelieu (1585-1642), paru en 2009 chez Robert Laffont, nous rappelait que ce génial politicien, cet « homme fort », vivait « dans la terreur de déplaire à Louis XII dont un mouvement d’humeur aurait pu lui faire perdre sa situation ».
C’était une autre « Terreur », pouvons-nous dire, qui allait faire perdre la tête à ce Louis XVI qui accédait au trône de France le 10 mai 1774 suite au décès de son grand-père, le roi Louis XV. Il fit son gros possible, pourtant, ce nouveau monarque pour gagner l’amour de son peuple.
Les ambitions déçues, tel est le tire d’une biographie de Valery Giscard d’Estaing, publiée par Mathias Bernard aux éditions Ekho en 2020, décrivant plutôt bien la présidence de cet homme élu à la tête de la République française le 10 mai 1974, il y aura cinquante ans. Promettant une « société libérale avancée » et une « modernisation de la France », il suscita malheureusement le désenchantement et ce sera « l’homme du passé », François Mitterrand, qui le remplacera sept ans plus tard.
Il y aura cinquante ans, également, des ères nouvelles s’annonçaient dans le sud de l’Europe.
D’abord, le 25 avril 1974, une révolution des œillets (les conjurés, des militaires soucieux de rassurer la population, glissèrent des œillets dans le canon de leurs fusils) mettait un terme à plus de quarante ans de salazarisme, un régime autoritaire initié par l’économiste de formation Oliveira Salazar en 1933. Deux titres parus en 2023 nous racontent l’événement : Sous les œillets la révolution : le 25 avril 1974 au Portugal, par Yves Léonard chez Chandeigne, et C’est le peuple qui commande : la révolution des Œillets : 1974-1976, de Victor Pereira aux éditions du Détour. Ces deux ouvrages nous décrivent en détail les bouleversements sociaux et la dynamique révolutionnaire qui vont décevoir, entre autres, le beau-père de Mathieu Sapin qui nous présente ce dernier dans son récit graphique, édité lui-aussi en 2023, chez Dargaud : Edgar : de Lisbonne à Paris, dans les pas de mon beau-père révolutionnaire.
Ensuite, en juillet 1974, en Grèce : le dénouement humiliant d’une crise à Chypre (l’armée grecque fut forcée de retirer ses troupes) mettait fin à plus de sept ans de « dictature des colonels ». Des élections libres allaient s’y tenir dès le mois de novembre.
Stupeur, aussi, dans le monde oriental : le 18 mai 1974, la première ministre Indira Gandhi faisait de l’Inde la sixième nation nucléaire en faisant sauter une bombe atomique souterraine dans le grand désert du Rajasthan. Le Canada ne cacha pas son mécontentement : un réacteur CANDU vendu à ce pays aurait permis de produire le plutonium indispensable à cet usage militaire.
Cherchant comme bien des navigateurs européens de l’époque le passage le plus rapide vers le Pacifique et les richesses de l’Inde et de la Chine, le florentin Verrazano, pour le compte du roi de France François 1er, rêvant au risque d’une excommunication d’une Nova Gallia, explorait pour la première fois les côtes (de la Caroline du Nord à la Nouvelle-Écosse, en passant par la rivière Hudson) de ce qui deviendront les États-Unis et le Canada. C’était en 1524 : il y aura cinq cent ans.
Cent ans plus tard, plus au sud, en mai 1624, une flotte hollandaise plus ambitieuse s’emparait de Salvador de Bahia, tentant d’évincer les Portugais du Brésil. Projet trop chimérique. Dès l’année suivante, des troupes portugaises allaient récupérer le vaste port commercial.
Plus d’une siècle plus tard, du coté du Pacifique, soit le 2 septembre 1774, c’était le navigateur britannique James Cook, rêvant lui aussi de grandeur pour sa nation, qui nommait des îles qu’il venait de « découvrir » New Caledonia. Dommage pour lui. Vingt ans plus tard, un autre explorateur, La Pérouse, en fera des possessions françaises.
Une sinistre ère s’amorçait, le 17 juin 1924, en Afrique du Sud : le parti national remportait la victoire aux élections. Celui-ci, au nom « de la défense des ouvriers blancs », renforçait la ségrégation raciale, une politique d’exclusion qui portera, dix ans plus tard, le nom d’apartheid.
Fin d’une époque, d’une dynastie millénaire, cinquante ans plus tard, sur ce même continent africain : le 12 septembre 1974, une junte militaire prenait le pouvoir à Addis-Abeba et annonçait la déchéance de l’empereur Hailé Sélassié, le dernier des Salomonides, de ces souverains se prétendant les descendants directs du fruit des amours bibliques entre le roi d’Israël et la reine de Saba.
Un de ses ancêtres, en 1424, Yeshaq (roi d’Éthiopie de 1414 à 1429), rêvant d’une nouvelle croisade, d’une coalition prenant en tenaille les pays musulmans, envoyait un émissaire auprès des souverains chrétiens d’Europe pour entamer des pourparlers. Peine perdue. « L’ambassadeur » fut capturé dès le début de son périple, en Égypte, et pendu l’année même au Caire.
Une institution plus que millénaire du monde islamique disparait également, il y aura cent ans, le 3 mars 1924. Mustapha Kemal, affairé à construire un État turc moderne et laïc (et soucieux aussi d’éliminer « un point de ralliement de l’opposition monarchiste ») faisait abolir, par son Assemblée nationale, le califat qui incarnait chez les sunnites, le pouvoir religieux. Le 101e calife, Abdulmecid, partit en exil. Atatürk, une bande dessinée réalisée par Marie Gloris et Andrea Meloni (2023, Glénat), nous présente les réalisations de ce réformateur.
Un Iznogoud rêvant d’être calife à la place du calife s’éleva ailleurs : le souverain hachémite Hussein ben Ali, roi du Hedjaz (et gardien des lieux saints Médine et La Mecque). Espoir chimérique. Dès la fin de cette même année 1924, il dû s’enfuir de son royaume alors que les forces d’Ibn Saoud, sous la bannière du wahhabisme (les restaurateurs de la véritable foi, qui n’eurent cure d’un califat) firent leur entrée, le 13 octobre, à La Mecque. Une Arabie Saoudite va ainsi être créée dès 1932. L’argent du pétrole, et non plus un calife, allait maintenant aider à propager le fondamentalisme musulman.
– Christian Vachon (Pantoute), 24 décembre 2023
Retrouvez toutes nos références
Notre catalogue complet
Commentaires