Qui commémorer au Québec et au Canada en 2024 : Des amuseurs, des créateurs, des batailleurs

Christian Vachon - 29 janvier 2024

Le militantLe volontaireLe maître : les titres des trois tomes de la biographie d’Olivar Asselin (rédigée par Hélène Pelletier-Baillargeon) publiés entre 1996 et 2010 aux éditions Fides résument fort bien la carrière de ce fervent nationaliste. Nous commémorerons le cent-cinquantième anniversaire de la naissance, à Saint-Henri, le 8 novembre 1874, du co-fondateur du Devoir avec Henri Bourassa. Le pamphlétaire, décédé en 1937, soucieux de « restauration sociale », accompagna souvent le geste à la parole, notamment en défendant l’honneur des Canadiens-français dans les tranchées de la Grande Guerre ou en giflant, au Parlement, un Louis-Alexandre Taschereau qui deviendra premier ministre du Québec.

Le 11 mars, nous soulignerons le vingt-cinquième anniversaire de décès de Camille Laurin, le père de la Charte de la langue française. C’est déjà pas mal, mais il n’est pas que cela ! Dans un ouvrage collectif publié aux Presses de l’Université Laval en 2010, L’œuvre de Camille Laurin : la politique publique comme instrument de l’innovation sociale, les Guy Rocher, Fernand Dumont, Fernand Harvey et autres nous rappellent que la politique linguistique ne constitue qu’un élément de cet homme « épris de justice sociale ». Ce brillant législateur, né à Charlemagne le 6 mai 1922, formé à la psychanalyse à Boston puis à Paris dans les années cinquante, se convertit à l’indépendantisme dans les années soixante afin « d’apaiser la psyché collective et individuelle des Québécois ».

En cette même année 1999, un 12 août, décéda un infatigable trublion de la scène municipale montréalais : Jean Drapeau. Métro, Expo, il suscita la jubilation chez les citoyens de sa ville, dont il fut le maire et le maître pendant près de trois décennies, jusqu’à ce qu’un rêve olympique se transforma en cauchemar.

Agissant, dérangeant, il l’était également Louis Laberge, l’incontournable président de la FTQ de 1964 à 1991 et dont nous honorerons, le 18 février, le centième anniversaire de sa naissance à l’Assomption. Il n’était pas qu’un perturbateur syndical « Ti-Louis », bien au contraire : son Fonds de solidarité FTQ, qu’il créa en 1983, permit à bien des entreprises québécoises de croître.

Elle adorait les « idées rebelles », l’artiste Marcelle Ferron, née il y a cent ans, elle aussi, un 29 janvier 1924 à Louiseville. Un chic album de Marie Barguirdjian publié chez Edito, Marcelle Ferron : une vie colorée, souligne cet événement en nous offrant le portrait d’une femme bouillonnante, amoureuse des couleurs (dont elle gave ses vitraux) et aimant débattre de tout : des graves sujets politiques aux petits tracas du quotidien. Sa foisonnante correspondance avec les autres membres du clan Ferron (Jacques, Marcelle, Madeleine, Paul et Thérèse), publiée chez Boréal en 2016, sous le titre Le droit d’être rebelle, en témoigne également.

Frédérick Back, né lui aussi il y a cent ans, un 8 avril 1924 à Sarrebruck (dans une Sarre alors partie de la France), était un ardent amant de l’environnement et du patrimoine, magnifiant ses passions par d’étincelants films d’animation : Crac !, L’homme qui plantait des arbresLe fleuve aux grandes eaux. Ce peintre de formation, décédé en 2013, établi à Montréal dans les années d’après-guerre, œuvra aux studios de Radio-Canada dès les débuts de la télévision, en 1952, réalisant en autres les décors de Pépinot ou le générique de Bagatelle.

« Le roi du rire », c’est ainsi qu’on encensait Gratien Gélinas et ce, bien avant son Tit-Coq ou son Bousille et les Justes. On soulignera le vingt-cinquième anniversaire de sa mort, le 16 mars 1999 à Oka. On se rappellera de son immense succès populaire, dès la fin des années trente, tant sur scène qu’à la radio, notamment grâce à ses Fridolinades (une anthologie regroupant neuf spectacles présentés entre 1938 et 1945, ainsi que des sketches inédits de 1956 et de 1964, compilée par Anne-Marie Sicotte, a été publiée chez Fides en 2018). Gélinas était un fin satire social à l’aide de son personnage Fridolin. Pièces de théâtre, une intégrale illustrées de celui qu’on qualifie de grand-père de la dramaturgie québécoise est aussi disponible, depuis 2018, chez Fides.

Tout aussi estimable fut la carrière de Paul Hébert, tant devant que derrière les planches. On célèbrera, le 28 mai, le centième anniversaire de sa naissance à Thedford-Mines, en 1924. Co-fondateur du Théâtre du Trident à Québec en 1970, metteur en scène remarquable de Charbonneau et le Chef en 1973, ce comédien décédé en 2017 fut formé à l’Old Vic de Londres à la fin des années quarante et suscita l’adoration du public par sa personnification du Charles Beauchemin dans Race de monde et de Siméon Desrosiers dans le Temps d’un paix.

Immensément apprécié, il l’était aussi Jean-Louis Millette, cet acteur au registre formidablement polyvalent, allant du naïf Paillasson de La Ribouldingue au chaleureux chanoine Odilon Caron de Montréal PQ, en passant par le grotesque Oscar Bellemare de Symphorien. On commémorera, le 29 septembre, le vingt-cinquième anniversaire de son décès, en 1999. Quelques temps avant sa disparition, cet étonnant comédien, fondateur du Théâtre de Quat’sous avec Paul Buissonneau en 1963, a accordé une série d’entretiens fort émouvants à Daniel Pinard, publiés sous le titre Jean-Louis Millette : portrait d’un comédien aux éditions Trois-Pistoles en 2000.

Une photo en noir et blanc montre un homme habillé d'un veston carreauté et d'une chemise foncée penché vers trois jeunes femmes avec qui il discute.
Paul Berval dans les années 1960-1970, fonds Antoine Desilets

Les Québécois et Québécoises l’apprécièrent tant sur scène qu’à la télévision, ce Paul Berval qui suscitait le fou rire à coup sûr ! On célèbrera, le 20 janvier, le centième anniversaire de sa naissance à Longueuil, en 1924. Associé pour toujours à Fred Caillou et son vibrant Yabadabadou !, l’humoriste mort en 2004 anima une revue de l’actualité au cabaret Le Beu qui rit, dans les années soixante, qui sera aux sources du Bye Bye télévisé.

Mystifiant l’auditoire par ses longues jambes, devenant alors Marlene Dietrich, Brigitte Bardot ou Marilyn Monroe, il fit fureur dans les cabarets montréalais sous le nom de Guilda, ce Jean Guida de Montellaro. Ce fils de comte italien est né il y aura cent ans, à Paris le 21 juin 1924, et s’établit à Montréal en 1955. Cet « artiste transformiste », décédé en 2012, dont les fréquents passages à la télévision dans les années soixante et soixante-dix ne suscitaient jamais l’indifférence, pava la voie aux drag queens par ses plumes et paillettes.

Icône du petit écran, avec son « En avant la musique ! », Louis Bilodeau est né lui aussi il y a cent ans, un 9 décembre 1924, à Montréal. Frère de Pascal Rollin et de Jacques Bilodeau, il anima plus de 900 Soirées canadiennes à partir de Sherbrooke, de 1960 à 1983. Elles étaient une invitation à visiter et sont suivies encore aujourd’hui, en reprise, par des milliers téléspectateurs. Rappelons-nous des danses, des chansons, des anecdotes qui ont marqué une des multiples localités du Québec. En 1977, cet artisan de la télévision, eut même l’occasion d’officier à une Soirée canadienne sur la scène de l’Olympia à Paris,  une « soirée » où performa Ti-Blanc Richard… et Jo Dassin.

Autre légende de la télé québécoise, René Lecavalier, l’animateur au ton très retenu des premières décennies de La soirée du Hockey, décéda il y aura vingt-cinq ans, un 6 septembre 1999. Né en 1918 à Montréal, il commenta pourtant, à ses débuts à la radio de Radio-Canada, les activités culturelles avant d’amorcer, au début 1950, ce virage sportif le rendant célèbre.

Monsieur Lecavalier décrivit, bien sûr, lors de ces années cinquante, les exploits du vigoureux défenseur du Canadiens Doug Harvey, né Douglas Norman Harvey un 19 décembre 1924, à Montréal. Ce multiple gagnant du trophée James-Norris, remis au meilleur défenseur de la Ligue nationale de hockey, fut pourtant stupidement échangé aux Rangers de New York contre 1 dollar en 1961 et Lou Fontinato. Le dirigeant général du CH, Frank Selke, n’avait pas pardonné à Harvey d’avoir tenté de former une association des joueurs, avec Ted Lindsay des Red Wings de Détroit, quelques années auparavant.

Un 12 janvier 1924, il y a eu cent ans, décédait un autre athlète aux exploits un peu plus excentriques : Alexis Lapointe, dit « le Trotteur ». Né en 1860 dans une famille nombreuse de La Malbaie, il se persuada, dès le début de son adolescence, d’être un étalon sous forme humaine. Il parcourut alors les routes du Québec, affrontant à la course chevaux, trains et même les premières automobiles. Il dansa ensuite sans arrêt dans des bals nocturnes. Ce personnage folklorique revit, depuis, dans une chanson des Aïeux, en bande dessinée (dont un Alexis le Trotteur de Jocelyn Bérubé et Guth Des Prez publié chez Planète Rebelle en 2012) ou dans un récit jeunesse de Martine Latulippe publié chez Auzou en 2018.

Elle avait l’imagination foisonnante Suzanne Martel, née Chouinard. Sa naissance avait lieu il y a cent ans, à Québec, le 8 octobre 1924. Martel est l’autrice d’un des premiers récits de science-fiction québécoise Surréal 3000, publié à l’origine en 1963 et depuis réédité chez Héritage dans sa collection « Véga Junior » en 2021. Ce roman raconte l’histoire d’un garçon vivant dans une ville souterraine et qui osera explorer un tunnel interdit. Cette lecture est encore au programme dans bien des institutions scolaires secondaires ! La romancière, décédée en 2012, a aussi livré un roman historique Jeanne, fille du Roy, tout aussi bien apprécié aujourd’hui.

Nous célèbrerons, enfin, le 30 novembre, le cent cinquantième anniversaire de naissance de l’autrice de ce Anne of the Green Gables (Anne, la maison aux pignons verts), adoré partout dans le monde : Lucy Maud Montgomery, née à Cavendish en 1874. Écrivaine prolifique (plus d’un millier d’écrits : romans, nouvelles, poésies, essais) morte en 1942, la réputée Canadienne était orpheline depuis toute petite. Elle fut élevée par ses grands-parents dans son Île-du-Prince-Édouard, et elle survécut à une enfance solitaire grâce à la présence de son amie imaginaire, vivant dans une pièce féérique tout près de sa chambre.

– Christian Vachon (Pantoute), 28 janvier 2024

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