Taïwan : demain la guerre?

Christian Vachon - 12 février 2024

Taïwan survivra-t-elle en 2027 ? Il faut le souhaiter. Et Valérie Niquet, spécialiste des questions stratégiques de l’Asie, nous offre mille raisons de l’espérer dans son essai Taïwan face à la Chine :  vers la guerre, publié chez Tallandier dans sa collection « Texto » cet automne 2023 (une mise à jour de son ouvrage édité une première fois en 2022). Surtout, l’autrice nous prodigue mille raisons de chérir cette île.

Comment, en fait, ne pas aimer Taïwan ? Valérie Niquet nous conte comment ce territoire qui, historiquement, n’a quasiment jamais été contrôlé par la Chine continentale (à peine 5% des habitants, actuellement, se sentent Chinois) est passé, sans heurt, d’une dictature à une démocratie authentique en quelques décennies. Rappelons-nous que Hollandais et Japonais se sont enracinés plus longtemps que Chinois sur cette île qu’on appelait autrefois Formose, dernier refuge des nationalistes chinois mis en déroute par les communistes en 1949. Niquet nous fait apprécier, de plus, un petit État prospère, champion de l’innovation technologique, un des plus grands fabricants au monde de semi-conducteurs.

Taïwan n’est pas qu’une question chinoise. Taïwan représente l’avenir, « la modernité fondée sur l’esprit d’ouverture ».

Et le succès de Taïwan est de moins en moins acceptable à Pékin. L’existence d’un monde alternatif, la preuve qu’un changement de régime est possible et positif, est un défi insupportable pour l’actuel président chinois, le despote Xi Jinping.

« Il n’y a qu’une seule Chine, » professe-t-il régulièrement. Et il gesticule, exhibe ses gros bras à l’aide de manœuvres militaires. Les capacités guerrières de la République populaire chinoise s’accroissent de façon remarquable en quantité et en qualité. Le déséquilibre des forces augmente. Face au demi-million de combattants chinois, Taïwan ne peut y opposer que 88 000 soldats.

Une lutte de David contre Goliath donc ? L’île, nous fait découvrir Valérie Niquet, possède tout de même des atouts. D’abord, un détroit de Formose difficile à franchir, une opération complexe (il faut détruire toute la flotte, tant aérienne que maritime, de Taïwan), une réussite coûteuse. Et il faut également parier sur une non-implication américaine.

Un jeune femme dans un manteau beige marche sur une rue peinturée aux couleurs de l'arc-en-ciel sur laquelle Taipei est écrit en blanc. Elle fait dos à la caméra. D'autres passants, plusieurs avec des parapluies, marchent autour d'elle. En arrière-plan, de grands édifices vitrés et deux voitures jaunes.
Ximending à Taipei est une attraction touristique célèbre auprès des touristes internationaux et des jeunes. Crédits photo : Volksabstimmung.

La Chine, de plus, ne fait pas peur aux Taïwanais. Le caractère répressif du régime chinois, son autoritarisme, nourrissent le sentiment indépendantiste. À la dernière élection présidentielle, tenue en janvier 2024, les habitants de l’île ont élu le candidat du parti démocrate au grand déplaisir de Pékin. Ce parti osera peut-être, un jour, franchir la ligne de l’indépendance formelle.

En cas d’invasion, donc, les Taïwanais vont assurément résister, adopter une « stratégie du porc-épic » et mobiliser toutes les capacités dont l’île dispose pour interdire l’occupation.

Pour l’instant, son coût humain et économique étant trop prohibitif, la guerre « demeure encore improbable ». La Chine espère une victoire sans combat, en augmentant les pressions, en isolant diplomatiquement Taïwan, en manipulant l’opinion publique : elle ne fait que corriger une anomalie de l’histoire en « récupérant » l’île. Heureusement, cette stratégie ne mène actuellement nulle part. Les Taïwanais demeurent fortement hostiles à une réunification pacifique avec le régime chinois, même sous un mode « un pays, deux systèmes »; l’exemple de Hong Kong et de sa « large autonomie » n’est, d’ailleurs, guère encourageant.

D’autres scénarios, même s’ils peuvent paraître utopiques, sont toutefois envisageables, suggère la spécialiste des relations internationales. Une victoire, par exemple, du modèle taïwanais, « une convergence des régimes à la suite d’un processus graduel de démocratisation à la taïwanaise sur le continent ».

Et il y a bien sûr l’hypothèse de la « séparation à l’amiable », Pékin confessant son échec. Cela mènerait à l’aboutissement de cette visibilité croissante de Taïwan sur la scène internationale. Il faut mettre fin à cette aberration de la non-reconnaissance du régime de Taipei, cesser de traiter cette petite île démocratique comme une paria.

Une autre impossibilité que ce scénario ? « La Chine est fragile, » souligne Valérie Niquet. Sa population vieillissante aspire à la stabilité.

Dans les deux cas de figure, « c’est la paix », un espoir tant pour les Taïwanais que les Chinois, « qui pourrait l’emporter ». Et un avenir meilleur pour tous.

– Christian Vachon (Pantoute), 11 février 2024.

Essais étrangers

Taïwan face à la Chine

Valérie Niquet - Tallandier

L'auteure questionne la probabilité d'une guerre imminente dans le détroit de Taïwan. Elle décrit l'histoire, les spécificités sociales et politiques ainsi que les enjeux géopolitiques de cet Etat non officiellement reconnu par l'ONU. Xi Jinping souhaite y affirmer la puissance de la Chine.

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