Un homme, une femme

Lui, il est militaire, partant bientôt en mission à l’étranger. Elle, elle est infirmière, travailleuse humanitaire rentrée depuis longtemps (pour toujours ?). Ils entament une conversation dans Un café à Coëtquidan, publié aux éditions Le lys bleu. Cet échange, virant au pugilat, parle de la guerre, de la vie, des hommes et des femmes. On y abode « le peu de choses que l’on sait » : « Dieu a dû dire à l’homme ‘Dessine-moi un mouton’ et l’autre abruti lui en fait tout un troupeau bêlant. »

Jane Jonquières, l’autrice de ce singulier et percutant récit dialogué d’une centaine de pages, nous fait ainsi part de sa propre expérience des diverses missions humanitaires dans des pays en guerre auxquelles elle a participées, telles le Rwanda, l’Angola, le Congo.

Du cynisme dans ses propos ? Non. De l’esprit critique ? Oui.

« Il y a des conflits à la mode et d’autres qui ne feront jamais recette dans les médias en fonction de nos intérêts. »

« On t’envoie risquer tes cendres au Mali et tu me parles d’optimisme ? »

« Trop d’attente. Trop de pleurs. Trop de solitude. »

« La folie des autres. Elle aura lieu avec ou sans nous quoi qu’il en soit. »

L’officier, « le bel enfoiré », aimant se faire maltraiter, finit par se décoincer et se rendre intéressant en révélant sa fragilité à cette femme qui aime « égratigner par ses mots, […]  faire saigner » : « Il ne faut pas hésiter à cambrioler les hommes au cœur des coffres-forts qu’ils s’inventent. »

Il balance tout. Elle découvre l’homme derrière « cette belle gueule en treillis ».

Ils ne sont maintenant qu’un homme et une femme « sans la société, la politique, les différences. » « J’aime être avec toi, tu aimes être avec moi (je crois ?). Être deux pour quelques jours encore.  Ni dans un lit, ni dans une quelconque lutte de pouvoir ou d’influence. Toi et moi deux dans un monde nul et non existant en dehors de nous. »

Mais il doit partir. Et elle va rester seule à ce café, seule face à cette impasse. « Il fallait éviter d’entrer dans mon journal intime. »

Tout était possible. Tout était impossible. « Tout était déjà écrit avant même qu’on se rencontre. Pas par toi, par la vie. »

Est-ce ainsi que se terminent toujours les histoires d’amour ?

– Christian Vachon (Pantoute),  17 décembre 2023