Louis XIV et Fouquet, Danton et Robespierre, de Gaulle et Pétain : ces conflits ont forgé la France moderne. Alexis Brezet et Jean-Christophe Buisson rassemblent vingt de ces combats singuliers dans Les grands duels qui ont fait la France, une publication commune Le Figaro Magazine/Perrin, un parcours, par les rivalités, de cinq siècles d’histoire, des récits de «grandes haines», ou de « petites détestations », certaines célèbres (Marie de Médicis et Richelieu, Napoléon Bonaparte et Georges Cadoudal, Louis XVIII et Louis-Philippe), d’autres méconnues (le cardinal de Retz et le cardinal Mazarin, Louis Gambetta et Jules Ferry), contés par des historiens réputés (Thierry Lentz, Simone Bertière…), ou des journalistes chevronnés du Figaro (Christine Clerc, Philippe Tesson…), des duels parfois inutiles, ineptes, imbéciles opposant des êtres, souvent proches par les idées, mais rivaux par les ambitions, simple constat, au risque de chagriner les idéologues, de « l’irruption de l’humain dans la grande machinerie de l’histoire ».
De cette première grande rivalité politique : un terrifiant duel à mort de seize ans (de 1461 à 1477) (« Le renard et le poulet », de Georges Minois), surgit, toutefois, l’affirmation d’une monarchie forte. Patiemment, le roi de France Louis XI , « l’Universelle Arange », tisse sa toile ou s’empêtre l’impétueux grand-duc de Bourgogne Charles le Téméraire. L’affirmation de la nation triomphe de l’esprit cosmopolite, le réalisme lucide supplante le rêve mégalomaniaque.
Une rivalité tout aussi impitoyable au siècle suivant (« Henri III et Henri de Guise : de l’amitié à la haine meurtrière », de Jean-François Salnon) s’achève par un guet-apens assassin, le 23 décembre 1588 (Henri III : « Enfin, je suis roi »), alors, qu’au XVIIe siècle, un souverain français entre dans l’âge adulte, et inaugure une ère d’absolutisme, en se vengeant d’un grand argentier trop ostentatoire (« Louis XIV et Fouquet : le lion et l’écureuil », de Jean-Christophe Petitfils).
En refusant de trancher la querelle entre ses deux ministres, les désavouant même, l’un prônant le laissez-faire économique, et l’autre une intervention accrue de l’État (« Necker et Turgot : les frères ennemis », de Ghislain de Diesbach), Louis XVI mène irrémédiablement une France, épuisée financièrement dans les années 1770 et 1780, au bord de la ruine.
Nul conflit, par la suite, ne sera plus emblématique de cette Révolution française qui va suivre, il ne durera pourtant que quelques semaines, entre l’automne 1793 et l’hiver 1794, que celui opposant le tribun Danton (« Tu montreras ma tête au peuple, elle en vaut la peine ») et l’idéologue Robespierre (« La dévoration des Jacobins », de Patrice Gueniffey).
Souvent commentée, aussi, est cette rivalité entre le « diplomate » Talleyrand et le « policier » Fouché (« La guerre des ombres », de Thierry Lentz), ces serviteurs de plusieurs régimes qui ne sauront plus « à quelles Lumières se vouer ». Ils vont, pourtant, triompher ensemble, en juillet 1815 (« Le vice s’appuyant sur le bras du crime »), avant d’être finalement chassés.
Moins illustre, mais tout aussi ardent (l’affrontement dure plus de dix-huit ans), est ce conflit d’ambitions qui va jalonner les grandes heures de la monarchie parlementaire, jusqu’en 1848, entre ces politiciens, les « frères ennemis » François Guizot et Adolphe Thiers (« Blanc bonnet et bonnet blanc », de Laurent Theis),
À l’intense duel, parsemé de « coups bas et de pièges meurtriers », entre le flamboyant Georges Clémenceau et le terne (« le Lorrain au verbe rare ») Raymond Poincaré (« Le Tigre et le mésosaure », de Jean-Christophe Buisson) – une valeur commune, le patriotisme, réussit provisoirement, en 1917, à réconcilier ces deux impitoyables rivaux – , succède, dans la première moitié du XXe siècle, une rivalité qui va diviser profondément et durablement le peuple français, un conflit père-fils, entre deux personnages convaincus d’incarner seuls la France (et chacun finissant par devenir fossoyeur d’une République) : Philippe Pétain et Charles de Gaulle (« Un drame shakespearien », de Pierre Servant).
La France n’en a pas fini avec les duels. Loin de là. Depuis cinquante ans, des querelles dévastatrices (« Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac : la drôle de guerre », de Philippe Tesson ; « Édouard Balladur et Jacques Chirac : les faux amis », de Guillaume Tabard ; « Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin : je te hais, moi non plus », de Charles Jaigu ; « Nicolas Sarkozy et François Fillon : chronique d’un duel annoncé », de Carl Mecus) entraînent, funestement, la droite française, qu’on sait « la plus bête du monde », vers le bas.
La gauche ne s’en tire guère mieux. Pendant trente ans, une « guerre psychologique d’une violence parfois inouïe » a opposé le « social-monarchiste » François Mitterrand au « décentralisateur » Michel Rocard (« Le crocodile et le hamster », de Christine Clerc), tandis qu’il y a une décennie à peine, un président socialiste va être victime « d’un meurtre politique parfait » par un de ses conseillers « n’ayant ni doctrine, ni conviction majeure » (« Emmanuel Macron renverse François Hollande : échec et mat ! », d’Arthur Berdah).
Gauche et droite traditionnelles étant (temporairement ?) marginalisées dans l’arène politique, l’extrême-droite et l’extrême-centre ont le champ libre pour un duel qui n’a plus rien d’épique.
Les grands duels qui ont fait la France
La France s'est toujours construite dans le conflit, extérieur ou intérieur. Les auteurs reviennent ici sur les rivalités célèbres comme Louis XI et Charles le Téméraire, Louis XIV et Fouquet, Pétain et De Gaulle, Mitterrand et Rocard, Sarkozy et Fillon. Nouvelle édition avec un chapitre supplémentaire consacré au duel Hollande-Macron.
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