Vingt-quatre raisons, minimum, de s’ennuyer des Expos

Christian Vachon - 15 juillet 2021

Un entraîneur, amateur de scotchs, agressant le chauffeur du car de l’équipe ; la mascotte Youppi partant à l’infirmerie ;  l’organisation des Expos lançant la mode des concours de coups de circuit lors du match des étoiles:  ce sont là quelques-uns des multiples anecdotes, ou histoires cachées du club, dévoilées par Frédéric Daigle dans Chips ! Peanuts ! Cracker Jack ! 24 histoires savoureuses des Expos, publié aux éditions de l’Homme, 24 récits racontés par des personnalités dont l’aventure de trente ans du club montréalais occupe, comme moi, comme des milliers d’autres personnes, une immense place dans leur vie :  le premier propriétaire du club Charles Bronfman, et son fils Stephen (qui a vécu « une enfance de rêve »),  Claude Lavoie, responsable du vestiaire des visiteurs (qui se retrouve avec un cadavre sur les bras au Sheraton montréalais dans « As-tu vu Don, aujourd’hui ? »), et d’autres employé.e.s, d’anciens joueurs (Steve Rogers, Larry Walker), des journalistes ou descripteurs de matchs (Jacques Doucet, Daniel Cloutier, Danny Gallagher,…), des partisans (Denis Coderre, Christian Tétreault). Vingt-quatre raisons, minimum, de s’ennuyer des Expos.

On se souvient des dingues débuts de l’organisation à la fin des années soixante, un foutoir semé, entre autres, par ce maire Drapeau, le « meilleur vendeur de l’histoire » et ses promesses fabuleuses d’un « stade avec toit ». À tel point que Charles Bronfman « a failli quitter le navire avant qu’il ne prenne le large ».  Le « capitaine » reste, toutefois, aux commandes jusqu’en 1991, n’hésitant pas à échanger, en 1984, un Gary Carter «pas joueur d’équipe », même s’il n’obtient pas de bons joueurs en retour.

On se souvient du fun dans le Parc (Jarry) –malgré la laideur (dixit Denis Coderre) « de son tableau d’affichage »- et le Stade (Olympique) ; de la mascotte Youppi, orange pour mieux ressortir dans l’immensité de ce Stade « O », mal conçu pour le baseball, une mascotte, créée en 1979, par le vice-président du marketing du club Roger D. Landry (qui va offrir, aussi, des séances de bingo, le lundi soir, permettant d’hausser les assistances aux matchs, de 7 000 à 22 000 personnes), une mascotte qui n’hésite pas à se faire exploser dans une caisse en bois.  Les garçons de Christian Tétreault s’amusent à « chasser les balles » canonnées dans les estrades populaires.

Le baseball des Expos, au tournant des années 80, nous rappellent bien des journalistes, est plus populaire que le Canadien. Pierre Durocher : « (C’était une) époque, l’une des rares à Montréal, où il y a eu un autre sport numéro un que le hockey » ;  Réjean Tremblay : « On tombait sur les Expos au mois d’août.  En 1979, 1980, 1981 jusqu’en 1994, c’était fantastique ! ».

Un climat de party se répand non seulement dans le stade mais au sein de l’équipe (Réjean Tremblay : « une même ambiance que des collégiens au pensionnat »), malgré le souvenir, chez Rodger Brulotte, d’un Larry Parrish en venant aux coups, dans le vestiaire, avec Warren Cromartie.  À Philadelphie, Larry Walker vole même, un jour, les clés du quatre-roues de la très dérangeante mascotte Phillie Phanatic.

Les Expos toujours vivants

En 1981, la passion du baseball du très improbable nouvel entraîneur Jim Fanning contamine, dans la seconde moitié de la saison, l’équipe. Tout devient possible. On rêve, en octobre, d’une Série mondiale contre les Yankees.  Le «Blue Monday » nous ramène sur Terre.  La chance « ne repassera pas » (Pierre Durocher).

On se souvient des mauvais échanges, du non renouvellement, au terme de la saison 1994, du contrat de Larry Walker.  « Essayez-vous vraiment de gagner » hurle, à la radio, le commentateur Mitch Melnick, en apprenant, à la fin de la saison 1997, que le propriétaire Claude Brochu, et ses acolytes, viennent de troquer, pour peu de choses, Pedro Martinez.

L’équipe qui aurait pu mettre la main sur Éric Gagné ou Russell Martin n’a pas su déployer suffisamment d’ardeur « à défendre le baseball d’ici » se remémore le dépisteur Alex Agostino. Marc Griffin, entre autres, « n’a pas apprécié du tout la façon dont les Expos l’ont traité ».

On se souvient, malgré tout, lors de ces années moroses, de l’incroyable talent de Vladimir Guerrero, ou de la stature, imposante par sa sagesse, de l’entraîneur Felipe Alou. « Écoute-moi bien, je ne le répéterai pas », répond-il au jeune journaliste débutant Frédéric, couvrant, en 2001, la – médiocre — saison du club, et participant à sa première conférence de presse, « je vais te le dire parce que tu es jeune, assure-toi toujours de ne pas poser une question niaise ».  Il n’oubliera pas la leçon.

Oui, on s’ennuie de nos étés rythmant avec les Expos.  Mais la Terre continue de tourner, et le monde de nous consterner.

Le journaliste Richard Milo se souvient d’un vol interrompu, le 11 septembre 2001, à Fort Lauderdale, de la dévastation, toujours présente, à New York, lors d’un match en octobre. « Cette journée prévaut sur tous mes souvenirs des Expos, même sur le Blue Monday ».

Biographie & Faits Vécus

Chips! Peanuts! Cracker Jack! 24 histoires savoureuses des Expos

Frédéric Daigle - Éditions de l'Homme

Dans ce livre, Frédéric Daigle dévoile les histoires «cachées» de l'organisation à travers une série d'anecdotes et de souvenirs inédits racontés par les artisans de première ligne. Parmi ces personnalités, citons Charles Bronfman, le premier propriétaire de l'équipe; son fils Stephen qui espère ramener le baseball majeur dans la métropole; Sandy Carter, la veuve du célèbre numéro 8, Gary Carter, l'une des plus grandes vedettes à avoir porté l'uniforme des Expos; l'ex-lanceur Steve Rogers; l'ex-voltigeur Larry Walker; Roger D. Landry, qui a notamment été le créateur de Youppi!; et de nombreux journalistes ayant couvert les activités du club.

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