Pathétique et imbécile dictature religieuse iranienne : elle pense avoir muselé, par sa brutalité, sa population ; elle se trompe drôlement. Sept Iranien.ne.s sur dix consultent, ou interviennent, quotidiennement, sur leur ordinateur, et ils sont des centaines de milliers à dénoncer les crimes et bêtises (refuser, entre autres, les vaccins anti-Covid provenant de ce « Grand Satan » américain) des ayatollahs, et leurs acolytes, à un point tel « que le contrôle d’Internet est ainsi devenu majeur » pour le gouvernement.
La sociologue Mahnaz Shirali a enquêté, près de quatre ans au cœur de ces réseaux sociaux iraniens pour en mesurer leur influence exacte. Elle nous livres ses conclusions, plutôt consternantes, entre espoir et détresse, dans Fenêtre sur l’Iran : le cri d’un peuple bâillonné, publié aux éditions Les Pérégrines.
Oui, on peut parler d’un « miracle internet » dans ce pays où « la jeunesse est un crime ». « Les Iraniens sur les réseaux sociaux semblent moins atomisés, moins détachés les uns des autres que dans la vie réelle (…). Ils sont nombreux à vouloir vivre autrement, à vouloir prendre leur destin en main ».
Ils communiquent avec le monde libre, utilisant Facebook, Twitter, LinkedIn, Instagram, attirant, entre autres, l’attention, en juillet 2020, sur la condamnation à mort de trois jeunes qui avaient participé aux manifestations pacifiques de novembre 2019.
Mais Internet est, aussi, un « monde d’émotions et de sentiments extrêmes ». Si la foule, sur Twitter, « est aisément martyre, elle est non moins aisément bourreau ». « Les internautes s’attaquent, se calomnient, se déchirent virtuellement ». La désintégration de la société est arrivée à un point tel « que la plupart des Iraniens se sont recentrés sur eux-mêmes et raisonnent en termes individuels ».
Et le régime iranien est devenu expert dans ce « diviser pour mieux régner », dépensant des sommes colossales pour contrôler les réseaux sociaux les plus populaires, utilisant ses «trolls », ses cyber-soldats « pour répandre des fausses rumeurs », fausser des résultats de sondages, détourner l’attention des internautes, afin de ne pas les laisser se concentrer sur les vrais problèmes du pays.
Les réseaux sociaux témoignent, également, du désastre éducatif, scientifique, culturel qu’est devenu l’Iran. « La philosophie de la modernité et les principes démocratiques, tout ce qui constitue le fondement des sciences humaines, leurs sont inconnus ». La compréhension de l’histoire et des événements récents qui ont secoué leur pays est gouvernée, chez les internautes, par l’ignorance. Les jeunes ne comprennent pas pourquoi leurs parents ont troqué la monarchie (l’ère du Shah, d’avant 1979, est perçue comme un Âge d’or) contre une dictature religieuse qui a détruit le pays.
Ils ne voient pas, ces jeunes, « à quel point la République islamique les a fabriqué.e.s à son image ». Les réseaux sociaux sont un univers de contradictions. On rejette la religion, mais on s’enracine dans la tradition shi’ite. On est tiraillé « entre l’attirance pour la liberté et la démocratie d’un côté et la méfiance envers l’Occident de l’autre », une sorte de relation amour-haine.
On s’indigne, surtout, de ce deux poids, deux mesures de la communauté internationale (de la France notamment) qui donne le sentiment d’être seul.e.s, face à l’un des pouvoirs politiques qu’ils jugent les plus dictatoriaux de leur histoire.
Mais un dirigeant a particulièrement passionné , et impressionné, les Iraniens : Donald Trump. Malgré les malheurs engendrés par les sanctions économiques, ils ont apprécié le bras de fer du président américain avec les ayatollahs au pouvoir (allant jusqu’à le surnommer Donald « Cœur de Lion », car ils voyaient en lui un dirigeant différent des politiciens complices des ayatollahs, même s’il se comportait avec la même logique autoritaire des leaders iraniens), et exprimaient « leur satisfaction de voir que Téhéran n’avait plus de quoi payer ses mercenaires », bien que la pression américaine, au lieu de faire partir les ayatollahs, les ont poussés vers les Chinois.
Trump étant maintenant (ouf !) hors-jeu, les Iraniens cherchent, en vain, un contrepoids d’envergure au pouvoir despotique. L’opposition est divisée. Royalistes, républicains, laïcs, Moudjahidine du peuple passent leur temps à se quereller. On collabore avec le régime pour détruire la compétition. Les appels à une grève générale restent sans écho. Aucun projet politique pour l’avenir, ni approche critique du shi’isme, ne se dessinent.
De plus, il n’existe, sur les réseaux sociaux, aucune solidarité des hommes envers les femmes. On juge les revendications des femmes secondaires et sans importance « dans la conjoncture actuelle du pays ». Un nombre impressionnant d’hommes, en outre, jugent le voile comme faisant partie « de l’identité de la femme iranienne ». Critiquer le voile islamique est dénoncé comme « un acte raciste antimusulman ».
« Cela fait plus de quarante ans que les femmes sont seules face à l’autoritarisme et à la répression du régime. Cela fait plus de quarante ans que les femmes iraniennes sont ainsi recluses dans leur solitude ».
Résultat, le statu quo se prolonge, le régime des ayatollahs ne semble pas réformable, n’ayant ni adversaire, ni alternative de taille à lui faire face.
Constat d’échec ? Non. « Là où la censure règne, les réseaux sociaux sont le seul où le débat politique et la confrontation des idées contraires peuvent avoir lieu », servant ainsi, aux cinquante millions d’Iraniens manifestant leur colère, de « centre d’entraînement à la démocratie ».
Le mensonge ne porte plus, la « kleptocratie des religieux » n’a plus les mains libres pour « massacrer son peuple en catimini ». La jeunesse « élevée selon la contrainte islamique, mais détachée des croyances et des appartenances religieuses » exprime, sur les réseaux sociaux, et seul et méritoire désir : « vivre en paix dans un Iran en bons termes avec la communauté internationale ».
Fenêtre sur l'Iran
À la lumière de l'histoire et de la culture du pays ainsi qu'en analysant les commentaires, les réactions et les comportements des internautes, la sociologue dresse un portrait approfondi de la jeunesse iranienne entre la fin des années 2010 et le début des années 2020, dans l'un des Etats les plus fermés au monde, où les réseaux sociaux sont l'un des rares lieux d'expression des opinions.
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