Pêches juteuses, pommes croquantes, fraises goûteuses ; des délices invitants comme ces Étonnantes histoires de fruits de Bertrand Dumont, publiées ce printemps 2022 aux éditions Multimondes.
Le bien connu horticulteur nous entraîne d’un continent à l’autre, de Capri à l’île d’Orléans, pour nous relater, consciencieusement, l’effort incessant, au cours des siècles, de jardiniers passionnés, de nobles enthousiastes, de moines astucieux, afin d’offrir, à l’aide de greffes (depuis plus de 3 000 ans), de tailles (depuis le XVe siècle), des fruits, indispensables sources de protéines, de vitamines, d’antioxydants, toujours plus colorés, plus sucrés, plus volumineux.
Suivant l’exemple d’un Pline, au 1er siècle, il s’attarde à nous décrire l’histoire particulière d’une trentaine d’espèces : des fruits charnus (populaire –surtout depuis le XIXe siècle- pomme, plus « humble » prune, « indéterminable » abricot…) ; des petits fruits (« troublante » – parce que « faux-fruit »- fraise, bleuet et gadelle – qu’on nomme, là-bas, myrtille et groseille-…) ; des fruits, comme les mûres, qu’il faut délivrer d’arbustes épineux ; des fruits qui se présentent en lianes, ou se dissimulent, à l’exemple de la noisette (qui va donner naissance au Nutella) et de la « prodigue » amande (l’un des plus « vieux fruits cultivés »), dans des coques.
Il glisse, aussi, dans ces histoires naturelles, des fruits rares, des fruits méconnus : la « caucasienne » argouse, petite baie riche en vitamine C, cultivée depuis 1998 sur l’île d’Orléans ; la grosse asimine, au puissant pouvoir laxatif ; le « sombre » sureau blanc, dont la cuisson fait disparaître les « composés toxiques » (entre autres, de « petites quantités de cyanure ») ; le pimbina, une baie rouge et charnue, fort prisée des Autochtones (et dégageant, lors de la préparation sur le feu, une odeur de « pieds puants ») ; la camarine noire, trop ignorée, et si nutritive, poussant dans les régions nordiques…
Il nous entretient, tout au long de ce parcours fruité, d’une « disparition importante de la diversité pomologique » (des 500 variétés de pommes, se cultivant encore au milieu du XXe siècle, on n’en retrouve plus, maintenant, qu’une vingtaine sur le marché) ; d’une poire « dure et pierreuse », au XVIe siècle, devenant, tranquillement, au fil des siècles suivants, juteuse et tendre, et d’une pêche, pas très savoureuse à l’origine, qui, elle aussi, va évoluer pour devenir ce fruit au goût sucré (et cette triomphante « pêche Melba ») ; de « la grande importance dans l’histoire de l’humanité » du raisin, associé, inévitablement, à la vigne et au vin (80 % de la production mondiale du raisin sert à la production du vin) ; d’une framboise qui tarde à devenir populaire parce qu’elle voyage mal (le fruit s’écrase trop facilement) ; d’un kiwi n’étant pas originaire de la Nouvelle-Zélande ; d’un bleuet devenu fruit identitaire d’une région du Québec ; d’un amélanchier célébré par notre littérature ; du spectacle impressionnant des bassins écarlates de canneberges, au moment de la récolte, à Saint-Louis-de-Blanford ; d’une figue à la longue, longue, très longue histoire (plus d’un million et demi d’années)…
Depuis combien de temps, d’ailleurs, n’usons-nous pas de l’expression « mi-figue, mi-raisin » ? Les images fruitées, Bertrand Dumont en fait une belle nomenclature, abondent dans nos dictons populaires : « le temps des cerises », « être une bonne poire », « haut comme trois pommes », « se paqueter la fraise »…
Sans oublier ce mythe, répandu déjà, bien avant les temps bibliques, il y a plusieurs millénaires, en Mésopotamie, du fruit objet du désir, du fruit « défendu ». S’agit-il d’une figue ? D’une grappe de raisins ? D’une grenade ? Nulle part, nous rappelle Bertrand Dumont (« le mythe à la vie dure »), il n’est question « dans la genèse chrétienne d’un type de fruit ». Ce n’est qu’au moyen âge qu’on associe la pomme au « péché originel ».
Dommage, toutefois, que notre jardinier enquêteur omet d’explorer cette puissante valeur du cerisier en fleurs dans l’imaginaire japonais.
Et nous souhaitons tous qu’il nous raconte, plus tard – un projet « à fructifier » –, d’autres « étonnantes histoires de fruits » ; des histoires où il sera cette fois-ci question des agrumes (oranges, citrons, pamplemousses, mandarines…), des bananes, des noix de coco, des fruits qui poussent bien loin de chez nous, mais qui, depuis bien des générations, sont indissociables de nos vies.
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