Une fresque splendide, bouleversante, gorgée d’enseignements et imprégnée d’érudition et de passion que ce Fleuves du ciel (une traduction de There Are Rivers in the Sky), publié chez Flammarion, de l’autrice si appréciée de La bâtarde d’Istanbul Elif Shafak. Elle y dresse le portrait d’un monde où beauté et cruauté s’affrontent, où l’espoir frôle à chaque instant le désespoir. On y suit l’histoire intrigante d’une minuscule goutte d’eau reliant, à travers les siècles, les fleuves, les cultures et le destin de trois êtres : Arthur, misérable enfant de la Tamise, fleuve sale et négligé dans le Londres des années 1840, apprenti dans une imprimerie, dont l’existence va être chambardée en visitant le British Museum; Zaleekhah, habitant dans une péniche sur cette même Tamise en 2018, elle qui est maintenant revenue des morts, et qui est un hydrologue mélancolique, manquant d’aptitude au bonheur, ramenant les cours d’eau fantômes à l’air libre; puis Naryn, petite fille yézidie, dont la construction d’un barrage va faire disparaître son village sur les rives du fleuve Tigre en Turquie au milieu des années 2010.
Possédant des dons prodigieux, dont celui d’identifier des schémas, Arthur déchiffre les cunéiformes, une des plus vieilles écritures du monde, apparue en Mésopotamie en ce temps lointain où le Tigre en faisait un paradis. Ce personnage d’enfant des taudis devenu une célébrité scientifique emprunte bien des traits incroyables de George Smith, figure historique, premier décrypteur de l’écriture cunéiforme. Il part alors à la recherche d’une tablette manquante du récit du Déluge de Gilgamesh, ce poème qu’il adore, entreprenant un long voyage vers un autre fleuve, le Tigre. Sa fortune va alors croiser celle de l’arrière-arrière-grand-mère de Naryn.

Naryn elle-même entreprend un périple vers la terre sacrée de son peuple avec sa grand-mère, à l’embouchure du Tigre, en Irak. Ils mettent les pieds sur une nécropole flottante, envahie par des djihadistes, des fanatiques se prenant pour des saints, assimilant les Yézidis à des « adorateurs du Diable » à convertir ou à exterminer.
Zaleekhak, rescapée de sa vague à l’âme grâce à une tatoueuse, amoureuse de cunéiformes, donne une nouvelle direction à sa vie en partant vers ce lointain Tigre. Là-bas, près d’un vieux cimetière où Arthur, enterré, a achevé sa destinée, elle va tenter d’épargner à Naryn un sort tragique.
Tout débute, nous fait merveilleusement prendre conscience la conteuse Elif Shafak, par l’eau, force déterminante de la vie. « L’eau se souvient, ce sont les humains qui oublient. » La romancière fait renaître Ninive, la cité enterrée, et Nijaba, la déesse oubliée, tout en nous rappelant la condition atroce et trop rapidement ignorée des fillettes yézidies éparpillées à travers l’Europe et l’Asie, vendues comme esclaves.
C’est un de ces romans parfaits promis à demeurer éternellement en nous.
– Christian Vachon (Pantoute), 2 novembre 2025
Les fleuves du ciel
Londres, 1840. Arthur, un garçon à la mémoire prodigieuse né sur les rives de la Tamise, est engagé comme apprenti dans une imprimerie. Bientôt, son monde s'ouvre bien au-delà des taudis de la capitale anglaise, vers un autre fleuve, le Tigre, et une ancienne cité de Mésopotamie qui abrite d'un poème oublié. Turquie, 2014. Chassées de leur village au bord du Tigre, Naryn, une petite fille yézidie, et sa grand-mère entreprennent un long voyage, traversant des terres en guerre dans l'espoir d'atteindre la vallée sacrée de leur peuple, en Irak, pour que Naryn y soit baptisée. Londres, 2018. Zaleekhah, hydrologue fascinée par la mémoire de l'eau, emménage dans une péniche pour échapper à la faillite de son mariage. C'est alors qu'un curieux livre qui la ramène à ses origines vient chambouler son existence. Avec ce roman éblouissant, une traversée des siècles et des cultures suivant trois destinées entrelacées par le cours imprévisible de l'eau, Elif Shafak s'impose comme l'une des plus grandes conteuses de notre époque.
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