Les meurtres en tous genres, en treize récits, de Jacques Côté

Christian Vachon - 28 juillet 2021

Belle gâterie que ce Crimes à la pièce de l’éditeur Leméac, recueil de nouvelles, dont certaines inédites, d’essais, d’articles de journaux, du sympathique romancier de la ville de Québec Jacques Côté.

Crimes à la pièce se savoure parce qu’il nous propose des retrouvailles, dans Dos Gringos, une « novelette » de près de soixante pages, avec nos héros préférés, Daniel Duval et le « Gros » Harel, une trépidante excursion, au Mexique, du duo de policiers que l’écrivain décida d’amputer lors du dépôt, en 2005, de sa version finale de La rive noire.  On lui pardonne ce « crime » de nous avoir si longtemps dérobé cet enlevant récit.

On se délecte, également, de cet Anatomie du roman policier québécois, un indispensable, en moins de dix pages, essai pour qui veut retenir l’essentiel sur l’émergence de la littérature policière au Québec, une littérature qui ouvre grandes ses voiles au milieu d’une mer de préjugés.

Jacques Côté s’y connait dans les meurtres en tous genres, dans les disparitions tordues, le prouvant dans ces nouvelles (par exemple, comment être au mauvais endroit au mauvais moment dans 8 h 47 sur l’échangeur Turcot), l’enseignant aux collégiens et collégiennes depuis des années.  Il révèle, maintenant, à tous ses lecteurs les ficelles de son métier en Cinq (brefs) essais sur le roman policier :  savoir créer l’attente dans « les premiers mots du roman », respecter ce « désir chrétien enfoui en chaque lecteur de voir la faute punie et réparée »,…

Son amitié avec un membre de la nation Micmac, alors qu’il navigue, à dix-huit ans, sur un brise-glace de la garde côtière, lui inspire le troublant Noir des glaces, une histoire de détresse, de colère, de racisme.

Ses passions pour la musique et l’histoire de la Seconde Guerre mondiale lui dictent cet ironique Prélude et Fugue, ou comment rater sa fuite du nazisme en s’encombrant d’un violon.

Jacques Côté se fascine aussi pour I Confess, le film d’Alfred Hitchcock, tourné à Québec, en 1952.  En moins de dix pages, dans Il y a soixante ans, Hitchcock filmait « La loi du silence » (I Confess) à Québec, il nous confirme pourquoi cette œuvre sous-estimée du réalisateur, coincée « entre deux succès commerciaux (L’inconnu du Nord-Express et Le Meurtre était presque parfait), réussissant à faire de Québec une ville noire cachant sa violence,  mérite d’être appelée un chef-d’œuvre, et, dans la nouvelle L’effaceur de film, publiée, à l’origine, en 2012, dans le quotidien Le Soleil, il nous dévoile comment jouir des meilleurs moments d’un film, dans le Québec des années cinquante, en devenant censeur.

Jacques Côté affectionne, enfin, une personnalité qui, comme lui, fit carrière dans les morts suspectes : le docteur Wilfrid Derome, l’expert-légiste, le champion de la lutte scientifique contre le crime, dont la réputation, dans la première moitié du XXe siècle, dépassa les frontières du Québec.  Son texte Le docteur Wilfrid Derome, pionnier des sciences judiciaires en Amérique, reproduit dans ce recueil (le document, en 2001, lui faisant obtenir le Grand Prix La Presse de la biographie, lui permit d’entamer des recherches menant à la publication, chez Boréal, d’un ouvrage sur la savant expert) nous éclaire, avec brio, sur la carrière hors de l’ordinaire, entre 1910 et 1931, de l’expert en homicides du laboratoire médico-légal de Montréal, un bref récit mettant le point sur un sujet vieux comme le monde, « la difficulté à faire accepter des idées nouvelles ».

Roman policier

Crimes à la pièce

Jacques Côté - Leméac

Schroeder saisit l’étui de son inestimable Guarneri. L’air exhalait une forte odeur de carbonisation, de putréfaction, de gaz, mais perçait aussi la fragrance évanescente des lilas en fleurs des parcs avoisinants. La nature ne prenait pas congé, même à travers le chaos et la mort. C’est un secret bien gardé : le maître du polar de la Vieille Capitale est aussi l’auteur de nombreux textes brefs. On lui doit des nouvelles, des articles de journaux et de courts essais sur différent sujets, du soixantième anniversaire du tournage à Québec du film I Confess d’Alfred Hitchcock à l’art d’assassiner son personnage. Or ces écrits étaient dispersés aux quatre vents et, le plus souvent, introuvables. Aux fans de l’auteur, il manquait donc ce recueil réunissant non seulement l’ensemble de ces textes, mais aussi quelques nouvelles inédites, et une surprise : une novella (« Dos gringos ») mettant en scène son duo d’enquêteurs fétiche, Daniel Duval et Louis Harel. Dans l’univers du roman policier, Jacques Côté est l’un des auteurs québécois les plus reconnus, ici et à l’étranger. Ses intrigues tordues lui ont valu de nombreux prix, parmi lesquels le prix Arthur-Ellis, le prix Saint-Pacôme et le Prix littéraire de la Ville de Québec et du Salon international du livre de Québec.

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