Quoi commémorer, au Québec et au Canada, en 2021 ? Créations humaines et assauts naturels

Christian Vachon - 30 janvier 2021

Il y a cent cinquante ans, un 20 juillet 1871, le Canada s’étend d’un océan à l’autre grâce à l’entrée, dans le Dominion, de la Colombie-Britannique.  Contre la promesse, tenue quinze ans plus tard, d’un chemin de fer les reliant à l’est du continent, les habitants, blancs, de cette Colombie optent pour cette solution, plutôt qu’une annexion problématique avec le voisin du sud,  afin de sortir leur territoire de la dépression et de l’endettement (les dividendes du commerce des fourrures de la loutre de l’île de Vancouver, et de la ruée vers l’or du fleuve Fraser, sont, depuis longtemps, de lointains souvenirs).  Britanniques, Espagnols, Américains, et même Russes se sont disputés, au cours des décennies précédentes, la souveraineté de cette région litigieuse.

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Statue de James McGill

Une querelle entre héritiers n’empêche pas, il y a deux cents ans, l’obtention, en 1821, d’une charte pour l’University of McGill College.  Les descendants de l’homme d’affaires montréalais, d’origine écossaise,  James McGill, décédé en 1813, sont fort mécontents que celui-ci ait fait dons de terrains et d’argent, à la Royal Institution for the Advancement of Learning, pour la création d’un établissement d’enseignement supérieur.  Ce n’est qu’en 1843, suite à ce long litige, que les premiers cours de ce McGill College, qui deviendra la plus réputé des universités québécoises, pourront être donnés dans une ancienne villa de campagne du marchand de fourrures.

L’annonce, il y a cinquante ans, le 29 avril 1971, lors d’un rassemblement partisan tenu au Petit Colisée de Québec, du « projet du siècle » -la construction de complexes hydroélectriques, au coût de 5 à 6 milliards de dollars, à la Baie James, au nord du Québec- par le premier ministre libéral Robert Bourassa, suscite bien des dénigrements chez ses adversaires politiques.  Au Parti québécois, entre autres, l’avenir a toujours pour nom le nucléaire. Le livre de Zebedee Nungak, Contre le colonialisme dopé aux stéroïdes, paru aux éditions du Boréal en 2019, et dont la traduction est signée Juliana Léveillé-Trudel, revient notamment sur la Convention de la Baie-James et le combat des Inuit pour défendre langue, culture et territoire.

Quelques semaines auparavant, du 3 au 5 mars 1971, c’est une « tempête du siècle » qui étonne le Québec.  Une combinaison vent (soufflant jusqu’à 110 kilomètres/heure) et neige (autour de 50 centimètres à Montréal, puis à Québec) terrifiante réduit la visibilité à moins de 0.5 kilomètre pendant vingt-quatre heures, faisant même s’écrouler la cheminée de briques, de 40 pieds, de l’hôtel Champlain, près du Vieux-Québec.  De nombreuses personnes, isolées et affamées, dans des commerces et institutions n’ayant pas fermé à l’avance, sont rescapées par des motoneigistes.  S’ajoutera aussi quelques décès, de pelleteurs impétueux, victimes de crise cardiaque.

La nature poursuit ses ravages, cette même année 1971, il y a cinquante ans, en frappant, dans la nuit du 4 au 5 mai, une petite municipalité du Saguenay, du nom de Saint-Jean-Vianney.  À la suite d’un glissement de terrain, un immense cratère de 32 hectares se forme, engloutissant 41 résidences, et faisant 31 morts (le bilan aurait pu être plus lourd si la fin d’un match des séries éliminatoires de hockey, entre le Canadien et les Blackhawks, n’avait pas tenu éveillé bien des gens).  L’émoi est énorme (j’en conserve un grave souvenir) le lendemain, dans le reste du Québec, lors de la diffusion des images du trou de boue dévastateur et meurtrier.  Le village ferme définitivement, et les 1 308 habitants rescapés, avec leurs maisons, déplacées –plus de deux cents- une par une, relocalisés dans un quartier d’Arvida.

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Glissement de terrain de Saint-Jean-Vianney, 1971. (Photo: Pierre McCann, archives La Presse)

 

Vingt-cinq ans plus tard, la nature, toujours aussi furieuse, récidive lors de cet épisode dénommé « déluge du Saguenay ».   Du 19 au 21 juillet 1996, 275 millimètres de pluie (deux fois le total d’un mois de juillet normal) tombe sur le Saguenay, et les régions environnantes, provoquant, entre autres, un déferlement d’eau dans les villes de Chicoutimi et La Baie (et faisant d’une petite maison blanche une célébrité).  Cinq cent résidences seront détruites.  Plus de 16 000 personnes devront être évacuées.

En 1771, enfin, il y a deux cent cinquante ans, cette même nature, bien avant ce « déluge », et une épidémie très récente, impose sa volonté indomptable et imprévisible à l’homme par un tremblement de terre à Charlevoix.

Histoire

Contre le colonialisme dopé aux stéroïdes

Zebedee Nungak - Boréal

Pour les Québécois, le projet hydroélectrique de la Baie-James, lancé en 1971, a marqué le point culminant de la Révolution tranquille. C'était la prise de possession, physique et symbolique, de l'ensemble du territoire sur lequel le peuple du Québec était destiné à connaître enfin son plein épanouissement. Et si ce grand projet avait un côté sombre ? Et si, en affirmant notre langue, notre culture et notre emprise sur le territoire, nous avions été sourds et aveugles à l'attachement d'un autre peuple à sa langue, à sa culture et au territoire que ses ancêtres occupaient depuis des millénaires ? Choquant, dérangeant, exprimant des vérités sur lesquelles on préférerait parfois fermer les yeux, ce livre est un document essentiel pour comprendre le point de vue des Inuit dans le bras de fer qui les a opposés à Québec. C'est une occasion unique d'entendre une voix qui a eu bien peu d'échos au Sud et, pour les Québécois, de faire un examen de conscience salutaire quant à la façon dont ils ont, par le passé, transigé avec les Premières Nations.

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