Une Grande Guerre qui n’est pas qu’horreur

Christian Vachon - 1 décembre 2022

Elle fut, certes, abominable (on ne cesse de le répéter) cette Grande Guerre de 1914-1918, avec ses millions de morts, mais, avouons-le, elle regorge, tout de même de faits insolites, étonnants, déconcertants, et même hilarants :  un soldat revenant au front après avoir été fusillé, des pigeons recrutés par l’armée allemande pour photographier (si !  si !) les lignes ennemies. Julien Hervieux, un ex-enseignant français, consacre ses temps libres à compiler les épisodes « déroutants et improbables » de ce conflit passablement meurtrier, ces moments où  « l’histoire rencontre l’humour », ces quelques instants, où hommes et femmes oublient qu’ils vivent en enfer.

Il rassemble, pour notre plus grand plaisir, une soixantaine de ces histoires « aussi amusantes qu’édifiantes » dans Le petit théâtre des opérations : faits d’armes insolites de la Grande Guerre, publié, en format poche, pas cher (14.95 dollars), dans la collection fort prisée par les grands amateurs d’histoire Tempus, de l’éditeur Perrin. Ces brefs récits, de quatre à cinq pages chacun, « qui font sourire et s’instruire », nous rappellent, entre autres, qu’un réputé terrain de tennis de la région parisienne porte le nom d’un héros de guerre trop méconnu, et que la trop célèbre Mata Hari fut la plus lamentable des espionnes.

Il nous souligne, également, que, par zèle patriotique, à Paris, le café viennois devint liégeois, que plus de 30 000 curés vont être mobilisés lors de cette guerre ; que les aviateurs allemands s’envolent, dans leur appareil, en portant le sabre ; qu’un François Waterlot, condamné, en septembre 1914, à être fusillé (avec sept autres soldats) pour avoir retraité sans autorisation, retourne au front après que le peloton d’exécution, au grand complet, l’ait raté (la punition est levée techniquement) ; et qu’à l’automne 1917, plus de 16 00 soldats russes, qui en avaient marre de la guerre, ont été bombardés, et pris d’assaut, en Champagne, par l’armée française.

Que de gaffes monumentales ! Les Français abattent, au mois d’août 1914, dans les premiers jours du conflit, l’un de leurs propres dirigeables de reconnaissance, et, voulant éviter que l’erreur se répète, décident simplement de tous les mettre au rancart. Plusieurs mois plus tard, en février 1916, douze combattants allemands prennent, par surprise, le fort de Douaumont, près de Verdun ; il faudra plus de cent mille soldats français, au mois d’octobre, pour le reprendre. Et ces mêmes Français vont bien compliquer les choses aux Américains, au printemps 1917, en leur vendant leurs plans du très maniable char Renault en système métrique !

Incroyable mais vrai : les Allemands (document à l’appui sur la page couverture du bouquin) envoient des pigeons, équipés, en harnais, d’un petit appareil photo, survoler les lignes ennemies ;  les Français ressuscitent l’arbalète pour lancer des grenades, au loin, dans les tranchées adverses ; en attendant l’arrivée, en 1917, des sirènes, c’est un joueur de clairon, roulant en voiture, qui prévient la population de l’approche d’un bombardement aérien ;  les soldats apprennent à se couvrir d’urine (contenant le bienfaisant ammoniaque) pour se protéger des attaques au gaz ; et les Français brevètent, en 1915, une brouette blindée pour traverser le no man’s land.

En termes d’ingéniosité, toutefois, les Allemands vont surprendre tout le monde, à l’hiver 1918, en combinant plusieurs petits canons pour en avoir un gros qui va tirer des obus à plus de 42 kilomètres d’altitude, dans la stratosphère, vers Paris.

Les « Boches » ne manquent pas d’audace, dès le début de cette guerre, en envoyant, profondément en Normandie, une petite unité, passant inaperçue de vingt hommes détruire des ponts de chemin de fer (elle va se faire repérer, finalement, par une « petite vieille »). Une équipe de saboteurs allemands, aussi, parvient à faire exploser, en 1916, un entrepôt de munitions, destinées à la Grande-Bretagne, sur une île, près de New York (en endommageant, durablement, le bras brandi de la statue de la Liberté, à deux kilomètres de là). Drôlement téméraire, également, ces soldats britanniques, d’origines irlandaises, qui, en septembre 1915, montent à l’assaut « en jouant au foot », et parviennent à bluffer l’adversaire en tirant « droit au but » un ballon explosif dans les barbelés allemands.

Julien Hervieux ressuscite, par ailleurs ces héros oubliés : Francis Pegahmagabow, « un Indien Ojibwa des Grands Lacs », le plus grand « sniper » de la guerre (« 378 cibles abattues ») ; Eugene Bullard, natif du sud des États-Unis, pilote de l’escadrille Lafayette, l’un des meilleurs, et qui sera refusé par l’aviation américaine parce qu’il est Noir ; Felix von Luckner, le « pirate du Kaiser », le « dernier corsaire à voile », capturé, en 1917,  puis parvenant à s’évader de prison, de façon rocambolesque ;  Paul von Lettow-Vorbeck, qui, avec une poignée d’hommes, en Afrique de l’Est, va tenir tête aux armées alliées jusqu’à la fin de la guerre.

L’exploit, bien sûr, n’est pas uniquement réservé aux hommes : Marie Marvingt, « la Jeanne d’Arc de 1914 », sportive accomplie devenue infirmière, évacue les blessés à ski ; Louise de Bettignies,  la résistante, terrifie les autorités allemandes par ses astuces.

Et n’omettons surtout pas le sergent Stubby, membre du 102e régiment d’infanterie américaine, capable, en tout temps, de détecter l’odeur du gaz, et d’alerter la tranchée… par ses aboiements, devenant, ainsi, le « chien le plus décoré de la Première Guerre mondiale », un autre épisode extravagant de cette bien drôle de guerre.

Histoire

Le petit théâtre des opérations : faits d’armes insolites de la Grande Guerre.

Julien Hervieux - Perrin

Recueil d'une cinquantaine d'histoires véridiques, d'anecdotes et d'actes de bravoure des héros ordinaires de la Grande Guerre rarement transmis dans les manuels d'histoire.

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